La dernière fois, Langue de Molière a eu l’impression d’avoir énervé beaucoup de monde, parce que ce qu’il a raconté était difficile à croire. Cette semaine, vous pouvez plutôt vous moquer de l’histoire de comment il s’est réveillé un bon jour et a remarqué qu’il avait complètement raté certaines choses bien évidentes.
Commençons avec certains noms d’origine française que l’on peut trouver aux États-Unis. Je connaissais un garçon à l’école, un certain M. Lheureux. Il y avait une manufacture d’équipements pour l’enregistrement de son, Langevin — de nos jours une marque d’une autre manufacture très proche de chez moi, Manley. Il y a un palais de justice dans mon comté dit Lamoreaux. (Palais n’est pas le mot que j’aurais choisi, vu que c’est le tribunal d’affaires familiales, mais laissez tomber.) Ils ne m’ont jamais laissé aucune impression, étant juste des noms étrangers.
Puis après des études, j’ai commencé à remarquer d’autres noms qui avaient tous une curieuse propriété. Dhéry, Lhermitte, Lamoureux. Évidemment, ce sont tous arrivés chez moi à cause des films. Mais pendant 2 ans je pensais qu’il y avait quelque chose qui je ratais. Vous auriez déjà dû le deviner.
Il y a quelques semaines, je me suis réveillé en disant : « Les apostrophes ! Ils ont tous laissé tomber leurs apostrophes ! ». Et hop ! Je me suis tout à coup rendu compte que j’avais des erreurs de prononciation. ([« Beaucoup de » ne s’écrit pas comme « des » — M. Descarottes])
« Mais Justin », vous dites — avec raison, pour être clair — « qui s’en fiche ? Les prononciations ne changent pas ! » Et là, c’est exactement où j’avais tort, en venant de l’anglais.
Chez les linguistes, on parle d’un phénomène dit « reanalysis » (analyser à nouveau). Ça se passe — sans pensée volontaire — quand quelqu’un tout à coup perçoit un mot de façon différente qu’avant, et la prononciation change. C’est comment les anglophones ont fini par changer « comfortable », qui sonnait presque exactement comme le français « confortable » en quelque chose comme « comf-tor-ble ». D’abord, la voyelle au milieu est devenue lâche ; après ça, c’était donc plus facile de laisser tomber une syllable et inverser l’ordre des consonnes pour une prononciation plus facile.
C’est exactement ce qui m’est arrivé, sauf que je l’ai reconnu. Les apostrophes ne sont pas toujours prononcés en anglais, mais quand c’est le cas, il y a une brève pause. Pour ma part, j’ai tendance d’insérer une courte voyelle moyenne centrale où je vois les apostrophes pour « l’ ». C’est la voyelle la plus « neutre ».
Alors, dans ces cas — et sans avoir vraiment entendu les bonnes prononciations — j’avais deviné des prononciations selon les règles anglaises. Chez nous, on a tendance de construire des syllabes plus longues qu’en français, parce que l’on prononce les derniers consonnes. Ignorez ce que Google Traduction vous dira ; beaucoup d’entre nous, dont moi, prononcent « Langevin » en anglais comme s’il y a deux syllabes, « Lange-vin », avec une voyelle qui n’existe pas en français. Presque la même chose avec « Lamoureux », qui est devenu dans ma tête quelque chose comme « LaMOUR-eux ». Le pauvre M. Lhermitte avait reçu un accent où il n’y en avait un, sur la dernière voyelle.
Je ne sais pas pourquoi j’ai tardé aussi longtemps, mais j’ai enfin cherché des exemples sûrs :
C’est pas grand-chose à la fin ; personne ne s’est jamais plaint de moi à cause de ma prononciation d’un tel nom. ([Ils ont plein de meilleures raisons, croyez-moi. — M. Descarottes]) Mais c’est un bon rappel qu’il y a des limites à ce que l’on peut apprendre seulement en lisant.
Un jour, il me faudra vous raconter l’histoire de ma copine de classe au lycée qui a trop bien prononcé un nom. Celle-là n’est vraiment pas assez de matériel pour un article en soi. Mais avant ça, Langue de Molière vous reverra avec une mise à jour sur son niveau en franglais. Ça commence à faire des problèmes !
Pardon Justin mais j’ai souri en lisant l’expression « qui s’en fiche » qui me paraît signifier ici « qui s’en soucie ? » et qui m’a remémoré une expression réinventée par ma petite-fille nous imitant. Et de ce fait ton article nous pousse à redécouvrir Robert Lamoureux et ses textes fondés sur les parallélismes et les paronymes. Sa « chasse au canard », son « éloge de la fatigue » sont des morceaux de bravoure que je préfère à son poème concernant « le mauvais élève ». Comme cet humoriste parle aussi vite qu’une mitraillette, tu dois préférer lire ses textes puisque leur écoute me fatigue un peu. Merci pour ce coup de projecteur sur l’apostrophe qui m’a amenée à me demander par quel glissement de sens le verbe « apostropher » (« adresser directement la parole à qqn ») a pris une signification négative (« interpeller de manière désobligeante »)… Sans doute au cours d’une séance d’assemblée nationale !
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Oui, j’oublie tout le temps que s’en ficher n’est pas la même chose que s’en soucie ! (Et j’ai fait ce que tu m’avais demandé.)
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De fil en aiguille, à partir de ton Langevin que j’imagine très bien issu d’une famille venant d’Angers, il y a bien longtemps, l’ange…(chut, on ne le répètera pas) vint peut être avec sa femme qui devait être angevine, et l’angevine de Boby Lapointe cachait une angine de poitrine ! OK, je sors !
😉
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Zut! Je n’ai pas compris le « 2fois dix » ! Faut l’écouter deux fois! ( Tant mieux, c’est marrant!)
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« Avec ses seins angevins, deux fois dix ! », 2 fois 10 = 20, ange-vingt, je ne crois pas qu’il faille chercher plus loin la chute de ce vers ! 😉
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Il me faudra regarder cette vidéo plusieurs fois — j’ai eu du mal à tout comprendre !
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Tu as les paroles ici, c’est mieux de les avoir sous les yeux en écoutant Boby Lapointe => https://greatsong.net/PAROLES-BOBY-LAPOINTE,FRAMBOISE,103521792.html
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