La confiturestrophe

Je me sens parfois comme si un certain pays essaie de m’envoyer un message, genre « Va-t-en ! » Je ne regarde plus ses sports ni sa télé, je ne lis plus ses livres, et il n’y reste rien à manger. Mais la semaine dernière, il a hurlé ce message aussi fort que possible.

J’ai — malheureusement — les goûts d’un californien moyen des années 70 ou 80. (Je dis malheureusement car tout ça disparaît.) J’aime les bonbons de See’s, le pain levain chez Boudin, et aussi et surtout notre fruit 100 % à nous, le boysenberry. Vous ne l’avez vu ici qu’une fois, avec une recette de macarons, alors me faudra l’expliquer.

À 30 km de chez moi, il y a un parc d’attractions. Non, pas Disneyland — celui-là est plus proche ! Cette fois, je parle de Knott’s Berry Farm, ce qui se traduit comme « la ferme de baies de la famille Knott ». Malgré le nom, aucune baie ne s’y est pas poussée pendant toute ma vie. Cependant, avant les années 60, la famille Knott était agricultrice. Et leur spécialité était la boysenberry, un hybride des mûres, framboises, des ronces américaines dites « dewberry » et la mûre de Logan, un autre hybride américain. Cette baie est nommée pour son créateur, Rudolph Boysen. Elle est la meilleure. Pourtant…

Pourtant, je n’en ai jamais vu une de ma vie. Les boysenberrys sont difficiles à cultiver et en général, ne sont pas disponibles dans les marchés. Je les connais entièrement par deux moyens : 1) les tartes à la boysenberry, disponibles uniquement à Knott’s Berry Farm, et 2) la confiture de la marque Knott’s. Étant béotien, je mange de la confiture de boysenberry en forme de sandwich, avec du beurre de cacahuète. C’est inhabituel — en général, les américains mangent plutôt de la confiture de raisin dans ce genre de sandwich, une confiture fait toujours avec une variété de raisins dite « Concord ». Les raisins Concord sont ultra bas de gamme, et aucun bon vin n’est fabriqué avec eux. (Certains vins rituels le sont.) Je déteste la confiture de raisin, et dès que j’ai commencé à vivre dans mon propre appartement en 1998, je n’achetais que de la confiture de boysenberry.

Mais j’ai récemment remarqué que cette confiture a disparu des supermarchés. J’ai fini par lire que Smucker, l’entreprise qui a les droits au nom Knott’s, vient de cesser la fabrication de cette confiture. Après 26 ans — la plupart de ma vie — je ne la reverrai plus jamais. J’ai donc fait une bêtise et acheté 4 pots à 1,5 fois le prix habituel d’un vendeur sur Amazon :

Mais j’ai le cœur brisé. Je n’adopterai jamais la confiture de raisin. Avec la disparition de Knott’s, il n’y a pas de confiture de boysenberry sur les étagères — c’était la seule marque qui la proposait. (J’ai trouvé un produit de qualité inconnue sur Amazon ; je l’essaierai, je suppose.) J’adore la confiture de cassis, mais on ne trouve pas ça non plus dans les supermarchés américains.

Alors, plus tard cette année, je dirai probablement adieu, non pas « au revoir », aux sandwichs « PB&J » (beurre de cacahuète et confiture). Mon médecin sera sans doute ravi de l’entendre — ce n’est pas la meilleure idée pour une personne diabétique. Mais ce coup est dur.

Je croise les doigts pour mon resto italien préféré — il faut qu’il me reste quelque chose, n’est-ce pas ? Et dites-donc, pourquoi est-ce qu’ils viennent d’abandonner leur site web ? (Je vous jure, je viens de le découvrir !)

17 réflexions au sujet de « La confiturestrophe »

  1. les2olibrius

    Dans cet article, tu te plains de la disparition des fournisseurs des produits que tu apprécies… C’est que l’âge venant, tu devras multiplier les interdictions de certains aliments qui s’ajouteront à celles pour ton diabète ( toujours moins de sel, toujours moins de sucre, toujours moins… de tout) et le pire ce seront les instants où tu t’accorderas des entorses à ce régime « hypoTout » ( néologisme de mon cru) à cause du sentiment de fauter ! Profite de ton présent ! Bon appétit du jour! 😀🌈☀️

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  2. biche*

    Oh mon Dieu !!! Du beurre de cacahuètes avec de la confiture !!! Inimaginable pour moi en France ! 😉

    A vrai dire, je n’ai jamais goûté au beurre de cacahuètes… Le « sandwich » à la confiture est inexistant en France. Ici nous parlons de tartine à la confiture et au beurre. Nous n’utilisons qu’un côté de baguette ou de pain quelconque. Je ne sais pas si je suis claire ? Ou alors le mot « sandwich » n’a pas le même sens que chez vous ?

    Voici une tartine à la française : https://www.laboiteverte.fr/wp-content/uploads/2010/09/tartine-confiture-francaise-coq.jpg

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  3. scriiipt

    houla… comme on dit « les gouts et les couleurs, ça ne se discute pas »… Néanmoins, je fais en ce commentaire en mode de questionnement à moi-même :
    1) est-ce que je serais capable de gouter à une confiture d’un fruit (ou d’une baie), dont je n’ai jamais vu le fruit ?
    réponse : je serais bien trop méfiant de nos jours pour tenter de manger n’importe quelle confiture que je n’ai pas la capacité de faire moi-même… (et en plus quand on fait soi-même on peut contrôler les fruits et les sucres rajoutés)

    2) est-ce que je serais prêt à goûter de la confiture de raisins pas bons ?
    réponse : je crois que si je n’aime pas le raisin en question, je ne tenterai même pas d’en faire quoi que ce soit.

    Sinon, comme les autres : le sandwich en vf c’est plutôt la classique baguette coupée en deux beurrée et remplie de jambon et de tranche de fromage… Et en fait, j’ai l’impression que l’on parle rarement de sandwich « sucré » uniquement avec de la confiture. Çà ferait trop de pain juste pour y mettre du beurre et de la confiture. Le beurre de cacahuètes, c’est vraiment le truc culturel. Pour avoir essayé une fois, j’ai encore le souvenir sur la langue d’un truc qui a essayé de me tuer les papilles en les aspirant vers l’intérieur, une sorte d’impossibilité quantique au niveau du gout et de la texture… Bref, pas un truc pour moi.

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    1. Justin Busch Auteur de l’article

      Maintenant que j’y pense, je n’ai jamais vu un raisin Concord non plus — il ne se vend pas dans les supermarchés, étant utilisé juste pour les confitures et le jus de raisin.

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  4. vanadze17

    Oups ! Difficile d’abandonner quelque chose qu’on a consommé depuis longtemps et qui est régressif !
    Pas goûté le beurre de cacahuète non plus, et je ne pense pas acheter un pot pour juste goûter !
    Je préfère nettement la confiture maison, beaucoup moins sucrée… comme le dit si bien « les2olibrius », avec l’âge, on a intérêt à diminuer beaucoup d’ingrédients…
    Bon courage Justin !

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  5. LadyButterfly

    Il n’existe pas de confiture de mûres ? Je pense que le goût doit en être proche, ou je me trompe ? Comme cette variété de framboise/mûre n’existe pas par chez nous, je ne saurais pas dire… Mais la confiture de mûre, c’est super bon. Hum… sans beurre de cacahuète pour moi, j’avoue que je n’apprécie ni la saveur, ni la texture. Mais, des goûts, des ragoûts et des dégoûts (histoire de changer d’expression « des goûts et des couleurs »).

    J’espère que tu vas résoudre cette confiturestrophe !

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  6. Agatheb2k

    Ah ! les joies de la confiture industrielle ! Dans ma jeunesse, il y en avait une à laquelle je ne touchais pas, c’était la « tous fruits », qui reprenait tous les récipients des pots mal fermés issus de la chaîne de fabrication que l’on vidait dans des bacs et dont le contenu repartait en cuisson pour faire cette fameuse confiture… parfois ils avaient un peu traîné dans l’usine et pouvaient être protéinés parce que des mouches y avaient pondu, avant d’être recuits…

    Je fais mes propres confitures et sais ce qu’il y a dans mes pots, je fais même mon beurre d’arachides (non sucré), curieusement j’aime bien ce produit même s’il n’est pas dans ma culture et encore moins un souvenir régressif ! Par contre je n’ai pas testé avec une couche de confiture 😉

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      1. Agatheb2k

        La marque n’existe plus dans le commerce, elle avait été rachetée en 1999 par le britannique Hillsdown et ne produisait plus que pour des clients très spéciaux (je me souviens par exemple des bidons de 5 kg d’abricots oreillonnés, une commande spéciale de l’armée, c’était le genre de contrats hors commerce normal que Boin affectionnait et qui demandait un soin particulier que les confitures plus ordinaires ne recevaient pas)

        Suivant les commandes et les arrivages de fruits, on pouvait fabriquer dans la journée (à l’époque où j’y travaillais l’été pendant les vacances scolaires) 20 tonnes de confiture d’une même variété, et il y avait un poste de travail (où j’étais souvent) avant l’étiquetage des pots qui s’appelait le « test » et qui consistait à taper un coup sec avec un petit crochet de métal sur le couvercle de tous les pots qui arrivaient, et suivant le bruit que tu entendais, tu devais intercepter le pot défectueux parce que mal fermé, en vider le contenu dans un bac, virer le couvercle et mettre le pot vidé dans un bac de lavage. Quand le bac était plein de confiture, il retournait en cuisine, rejoindre ceux des jours précédents, aucun n’avait bien sûr de couvercle, et le jour où il n’y avait pas de commande spécifique, ou de fruits frais à traiter, on recyclait le contenu de ces bacs de récupération et on mélangeait allègrement la confiture d’abricot, de pèche, à celle de fraise ou de fruits rouges, avec les moisissures, les asticots et cela faisait la confiture tous fruits… absolument à éviter (et je suppose que c’était la même chose chez tous les confituriers industriels !), vendue nettement moins cher que les autres ! 😉

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  7. Ping : Saison 3, Épisode 11 — Tout part en confiture | Un Coup de Foudre

  8. Marie-Luce, miaougraphe

    Oh je compatis ! Quand un produit qu’on aime énorménent disparaît, c’est dur à encaisser.
    Je ne connaissais pas ce fruit. Quand tu seras à Montréal, fahs des provisions de confuture de cassis. Je ne pourrais te dire exactement où en trouver, mais c’est sûr que ça trouve. Au Québec, on a entre autres Cassis, Mona et filles qui en font et il ne semble que ce ne sont pas les seules.

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