Aucun récit de voyage chez moi ne se termine sans un billet consacré aux plaintes. C’est une tradition qui date de mon premier voyage en France, jusqu’au voyage à Las Vegas l’année dernière, en passant par le voyage fou et Montréal. Il n’y a rien pour la Nouvelle-Orléans, car la seule plainte aurait été sur ma famille, mais je vous rassure, j’avais aussi une grosse plainte à cette époque-là. On dirait que cette fois, il n’y a rien de nouveau, car je râle souvent sur la Californie, mais on aurait tort — car cette fois, je râle sur mes con-citoyens du Nord.
(Et non pas du Norg, les joueurs de Final Fantasy VIII.)
La première plainte, c’est que pour autant que je me plaigne des prix en Californie du Sud, c’est encore pire là-haut. Il y a des semaines, nous avons parlé du prix de notre commande habituelle chez McDo, dans le resto le plus proche de chez moi. Ce prix a haussé de 27 % pendant les 18 derniers mois.
Je tuerais pour que tout soit si bon marché en Californie du Nord.
Si vous êtes ici depuis longtemps, vous savez que de tous les restos rapides chez moi, le plus cher au cœur pour La Fille et moi est de loin Boudin. Le pain levain Boudin existe depuis 1849, et c’est absolument le produit phare de l’État et un produit de qualité en plus : vous seriez agréablement surpris d’apprendre que la recette n’a guère changé de l’époque d’Isidore Boudin. La Fille et moi y dînons toutes les semaines depuis ses 6 mois, et plus souvent à emporter pendant le Confinement. Cependant, nous étions de retour notre dernier soirée, pour un dîner dans la partie qui est censé est comme le notre, pas le resto haut-de-gamme de mon billet sur Fisherman’s Wharf. Voici notre ticket :

Le « French Dip », un sandwich dont nous avons parlé en 2021, est juste du rosbif sur une petite baguette de pain levain. La « chowder » est une soupe à base de crème, avec des palourdes. Je veux que vous voyiez ce que l’on paye pour ces deux à Elbe-en-Irvine, tiré du site de Boudin :

Le sandwich coûte 3 $ de moins chez moi, et il y a un paquet de chips en accompagnement — pas à San Francisco ! Et la soupe coûte 4,10 $ de moins. (Les boissons coûteraient 2,99 $ chacune chez moi, mais je m’en plaindrai moins.) Et ce n’est pas la seule insulte — il y a de faux frais imposé par la ville, 4 % du total avant les taxes, dit « Employee Health Surcharge ». San Francisco facture toutes les entreprises de la ville pour l’assurance médicale — bien que ce rôle soit réservé au gouvernement fédéral et aux États. Les villes ne jouent aucun rôle dans l’assurance, et vous ne trouverez ces frais nulle part ailleurs aux États-Unis.
Même en dehors des limites de San Francisco, les prix sont dingues. La Fille et moi avons payé 40 $ pour deux salades dans un resto rapide à Bakersfield en allant vers le nord. Ça aurait coûté peut-être 25-30 $ à Irvine (la chaîne était locale ; impossible de faire une comparaison exacte). Et je crois que je vous ai dit déjà que nous avons dépensé 40 $ pour deux sundaes chez Ghirardelli. Tout est absolument dingue au nord, au point où Irvine est presque — presque — raisonnable par rapport.
Mais pire que les prix, c’est l’attitude de merde. Tout le monde suit des scénarios rigides pour parler aux clients. Dès que l’on dit quelque chose qui part de leurs attentes, les masques tombent et des attitudes complètement inacceptables se montrent. C’est comme ça en Californie du Sud, mais turbocompressé en Californie du Nord.
Chez Boudin, il n’y a pas de recharges de boisson à Fisherman’s Wharf, pas comme à la maison. Alors je suis plus sensible quand l’employé remplit complètement le verre avec des glaçons avant d’y verser du thé. Quand je me suis plaint qu’il n’y avait presque rien à boire dans le verre, il m’a dit « Goodbye » (au revoir), dans un ton utilisé uniquement en anglais pour « F$%k you » (n*que-toi).
Quand nous avons quitté le Westin St. Francis — 250 $ la nuit pour la chambre — le portier m’a demandé « Puis-je t’appeler un taxi ? » Je lui ai dit non. Mais nous sommes allés à l’accueil pour avoir une copie imprimée de la facture. Il m’a demandé exactement la même chose 5 minutes plus tard, comme s’il ne nous a pas vu avant. C’était comme parler à un PNJ (personnage non-joueur) dans un jeu vidéo. J’étais un peu fâché, parce qu’en fait, nous avions dû nous garer dans un garage public, parce qu’il n’y avait pas de places dans l’hôtel à notre arrivée. Je lui ai dit ça — d’accord, j’aurais dû me taire — et il m’a répondu avec exactement le même « Goodbye » qui était vraiment F U.
Mais dans un hôtel de ce prix, pas d’excuses. Il fallait me dire quelque chose comme « Désolé que nous ne pouvions pas répondre à tes attentes » ou similaire. Et ça, c’était après un séjour complètement sans équipements ou service. À ce prix, on peut s’attendre à des cartes postales de l’hôtel dans la chambre et un stylo — c’est un peu de publicité, mais aussi un souvenir, et habituellement gratuit. Rien. Mais aussi pas de boutique dans l’hôtel pour acheter de telles choses et pas de resto non plus, le resto célèbre de l’hôtel ayant fermé en 2023 sans remplacement. C’était donc un Ibis Budget avec une meilleure décoration. Et toute l’équipe se fichait absolument de ça.
J’aurais pu payer la moitié de cet hôtel pour une expérience pareille, mais j’avais voulu partager quelque chose de spécial avec La Fille. Et c’était tout sauf ça. Tout le monde a la main ouverte, avec des demandes pour des pourboires de 18 % ou plus même pour des commandes à emporter (ne payez jamais un pourboire pour une commande à emporter aux États-Unis — ces employés ne sont pas payés de cette façon). Mais personne ne fait rien pour le mériter et l’attitude est inacceptable à chaque fois.
On penserait peut-être, « Ben, c’est la vie des grandes villes. Paris est pareil. » Mais c’est faux. Je n’oublierai jamais les histoires derrière « La bienveillance des Français » et tout ça s’est déroulé en plein Paris. Si Sartre connaissait mon État, Huis clos se serait terminé : « L’enfer, c’est la Californie du Nord. »

L’IA a de beaux jours devant elle ! Polie, efficace, compétente ! Les humains creusent eux-mêmes leurs tombes avec les attitudes que vous décrivez amèrement… Il va falloir sans doute quelque temps avant que les humains ne comprennent ceci 😉
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Avant mon voyage en France en 2023, où j’ai dû utiliser un kiosque pour commander chez McDo, j’avais toujours l’habitude de commander aux caisses. Et les caissiers se plaignaient : « Pourquoi est-ce que tu n’utilises pas les kiosques ? » Je leur disais : « J’essaye d’épargner ton boulot », mais personne ne l’a compris. Puis, j’ai découvert en France que les kiosques ne faisaient pas tant d’erreurs avec mes commandes, et dès mon retour, hop, plus de caissiers pour moi. Et maintenant, il n’y a plus de caissiers.
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Les prix californiens sont dingues ! Certains produits et services ont aussi beaucoup augmenté en France, mais on en est pas encore à ce niveau.
Il faut s’attendre à ce que les prix augmentent encore plus à cause des frais de douane…
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Et les frais de douane, c’est maintenant !
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Il y a de quoi râler ! Pfff
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Merci pour ce partage d’impressions, Justin. Ça fait toujours réfléchir — surtout vu d’ici, de l’autre côté de l’Atlantique.
Sur la flambée des prix, hélas, c’est pas qu’en Californie. L’Europe (et la France en particulier) prend aussi cher depuis quelques années : entre l’inflation galopante, la spéculation immobilière et la dérégulation tranquille des marchés de l’énergie, on a tous vu des hausses de 20 à 30 % sur des produits de base ou des services courants. C’est vertigineux, surtout quand les salaires stagnent et que les aides fondent. Sauf pour les ultra-riches, évidemment : là-haut, tout va bien, merci pour eux.
Et pour les interactions avec les employé·es… tu touches un nerf. C’est triste, mais dans beaucoup de métiers précaires — vente, restauration, hôtellerie — on assiste à une fatigue sociale généralisée. Pas une flemme, pas une indifférence, non : un vrai épuisement. On leur demande le sourire, l’enthousiasme, la disponibilité, alors qu’on les sous-paye, qu’on les flique et qu’on les met sous pression pour des miettes. Le problème, c’est pas les gens, c’est le système. Comme le disaient Henri Salvador (avec plus de lucidité qu’il n’y paraît) : « Le travail, c’est la santé… rien faire, c’est la conserver. » Encore faut-il en avoir le luxe.
Bref : ce que tu ressens là-bas, on le ressent ici aussi. Et c’est pas une question de frontière : c’est une question de modèle de société. Peut-être qu’un jour on décidera que la dignité passe avant la rentabilité. En attendant… on râle, on partage, et parfois on s’organise.
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Le client est roi répètent-ils à leurs employés… même si, en pratique, ce n’est plus souvent le cas (surtout quand il attend un geste commercial), mais il faut continuer à le lui faire croire ! Il y a de quoi devenir schizophrène !
L’organisation ? On en reparle, comme c’est curieux ? Quand j’ai quitté la mienne à Toulouse, au début des année 80, aucun des camarades n’a pris son téléphone pour savoir ce qu’il m’était passé par la tête, le ver était déjà dans le fruit et personne ne s’inquiétait ! Je serais curieuse de connaître le nombre des encartés des différentes organisations, en version comparative années 80 et maintenant ! 😉
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