Archives mensuelles : octobre 2023

Le théorème de Thévenin

Avant de quitter la Seine-et-Marne, on va parler encore une fois d’une découverte française. Cette fois, ce sera l’ingénieur Léon Charles Thévenin, de Meaux, qui étudiait les circuits électriques. Ce n’est pas un blog sur l’ingénierie électrique, et peut-être plus important, j’ai suivi mon dernier tel cours en 1997, alors j’essaierai de vous donner l’idée de façon simple. Mais Thévenin à découvert une idée pour rendre les circuits plus faciles à comprendre. On va parler de l’idée grosso modo sans maths.

Connaissez-vous la loi d’Ohm ? Ça donne la relation entre la tension et le courant dans une résistance. Les résistances sont les éléments les plus simples dans un circuit électrique parce qu’ils ne changent rien quant au temps. On va sauter ça et parler strictement de résistances. La relation découverte par Ohm est :

R = U / I

ou R est la résistance, U est la tension, et I est l’intensité du courant. Alors, considérez un circuit très simple, avec une source de tension et une résistance :

Schéma électrique, Dessin par Pulsar, Domaine public

Si la tension est 240 volts, comme en France, et la résistance est 240 ohms, il y aura un courant de 1 ampère à travers la résistance. Vous êtes toujours avec moi ? Continuons.

Thévenin connaissait deux autres lois aussi, celles de Kirchhoff. La loi de nœuds de Kirchhoff dit simplement que n’importe où que l’on trouve un nœud, comme ça :

Loi de nœuds, Dessin par inductiveload, Domaine public

L’intensité des courants qui entrent le nœud est égale à l’intensité des courants qui sortent du nœud. Il n’est pas le cas qu’ils seront tous égaux. C’est la somme qui sera la même — si vous pensez à la loi d’Ohm, une résistance qui est 2x une autre resistance expérimentera une intensité de courant 1/2 le deuxième donnée la même tension. Mais s’ils touchent le même nœud, la somme des courants à travers les deux sera la même que le courant que le nœud a reçu.

La loi des mailles de Kirchhoff est similaire. Ça dit que dans un circuit électrique comme celui-ci :

Loi des mailles, Dessin par
Kwinkunks, CC BY-SA 3.0

la tension à travers la source (V4 ici) sera égale à la somme des tensions à travers toutes les résistances individuelles (V1 + V2 + V3). Comprenez-vous ce qui veulent vraiment dire les lois de Kirchhoff ? Dans un circuit électrique idéale — sans pertes réelles — rien ne change en total. On peut ajouter tant d’éléments que l’on veut, et les sommes ne changent pas, juste les valeurs mesurées par ici et par là.

Thévenin a bien compris ces lois. Alors sa grande idée, c’était que l’on pouvait remplacer un circuit, quel que ce soit, par un seule et unique générateur de tension et une seule résistance. Je ne vais pas vous mener dans un exemple, car il y a plusieurs manières d’ajouter les résistances, et ce n’est pas un blog de maths. Mais par exemple, on peut remplacer tout un schéma de 4 résistances par une seule et unique résistance, comme ça :

Équivalent Thévenin, Dessin par SteveZodiac, CC BY-SA 3.0

Évidemment, le schéma à gauche est beaucoup plus compliqué que celui à droite. Ça marche parce que l’on sait que la somme des tensions restera la même, et c’est le même pour les nœuds, qu’il y aura finalement la même intensité de courant.

Pourquoi donc avoir des circuits qui ne sont pas les plus simples ? La réponse, c’est qu’il reste d’autres fonctionnes pour les éléments du circuit. Par exemple, si vous voulez jouer un CD, ou bien un fichier MP3, l’électricité sera converti de forme numérique en forme analogique avec un réseau de résistances très similaire au circuit à gauche. (Il y a d’autres manières possibles ; laissez tomber, les ingénieurs.) On ne peut pas complètement nous débarrasser de circuits compliqués. Mais si on veut savoir combien de pouvoir électrique sera consommé par le réseau de résistances, on peut trouver l’équivalent Thévenin, et on le saura vite. (Sinon, on met des Linky partout. Je dis ça, je dis rien.)

Mon dîner seine-et-marnais

Pour ce dîner, j’ai dû faire des recherches. Vous n’allez pas trouver ces recettes chez Keldelice. Mais les deux sont vraiment de la Seine-et-Marne. Je vous présente les croquettes de Brie de Meaux, et les niflettes de Provins.

Ce dîner prend du temps, mais n’est pas du tout compliqué pour un cuisinier expérimenté. Même pour un débutant, je vous rassure que ce n’est pas trop difficile. Allons manger comme en Seine-et-Marne !

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La reine des serviettes

Il y a des années — on parle d’une décennie — il y avait un bienfait merveilleux lié à habiter à Elbe-en-Irvine. Nous sommes proches de Disneyland — l’original — et tous les Noël, ils envoyaient les personnes qui se déguisaient en tant que Mickey, Minnie, Donald, et Dingo (on dit Goofy ici) pour jouer dans un spectacle gratuit au centre commercial « Fashion Island » (Île de la Mode). Des gens s’installaient devant la scène à partir de l’ouverture du centre, alors les gérants ont enfin décidé qu’ils pouvaient juste laisser des serviettes sur terre, et le reste de nous étaient obligés de les respecter. C’était un échec, et ils ont fini par mettre fin aux spectacles.

Pourquoi dis-je ça maintenant ? J’ai récemment découvert — complètement par hasard — que vous connaissez évidemment ce comportement nul en France aussi. Instagram m’a proposé de clip d’une jeune humoriste, Philippine Delaire, qui traite d’exactement ce sujet :

Oh là là, mais elle m’a fait rire !

Il s’avère qu’elle est extrêmement drôle, même si ce style de jouer tous les rôles dans un sketch n’est plus original, vu que tout le monde le fait maintenant. Par exemple, ici elle fait ce que l’on aimerait tous faire dans les transports publics quand on entend des conversations personnelles. Je n’arrive pas à me mêler dans les affaires des inconnus, mais croyez-moi, il y a des fois où j’y pense :

Un dernier clip ? Voilà, tous les lundis, je vérifie mon horoscope — chez Le Gorafi (je suis Furet, entre le Scorpion et le Sagittaire). Ce n’est vraiment pas mon truc, mais j’aime les parodies. Alors je n’ai aucune idée si ses propos sur les signes astrologiques sont pris au sérieux par les connaisseurs. Mais encore une fois, j’ai ri.

Ça fera longtemps avant que je n’arrête de rire des serviettes !

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Langue d’Orwell

Il y a deux livres que je lis et relis souvent : Orthodoxy, l’autobiographie spirituelle de G.K. Chesterton, et 1984, le roman de George Orwell. Depuis longtemps, je suis extrêmement curieux de comment on rend sa langue fictive, « Newspeak », en français. J’ai enfin fait mes recherches, et il s’avère que la réponse est plutôt compliqué.

Je dois vous dire que je considère que nous parlons déjà la langue d’Orwell depuis des années chez moi. Je vous donnerai une belle preuve. Dans 1984, il y a un moment où il se passe à la télé que la ration de chocolat va se hausser jusqu’à 200 grammes la semaine. Mais Winston Smith, le personnage principal, se pense « Attendez, c’était 250 grammes la semaine dernière. » Vous avez bien compris le mensonge ? Bon, voici la véritable image de quelque chose que j’ai écrit il y a une décennie avec des nouvelles de ma banque :

En bas, il y a une citation de la banque qui dit :

Nos meilleurs bienfaits de protection. À jamais.

De grandes nouvelles : On est sur le point de faire de grands changements aux bienfaits de protection de ta carte de crédit.

À noter, ton Assurance contre bagages perdus sera bientôt annulé.

L’annulation de mon assurance était en fait le seul changement noté dans la lettre. Leurs « meilleurs bienfaits », mon œil ! Mais c’est un bon exemple de la Langue d’Orwell. C’était dans cet esprit d’enquête que j’ai récemment recherché comment sa langue inventée a été traduite en français.

Au fait, je vous rappelle qu’à mon avis, le vouvoiement n’existe pas en anglais, surtout aux mains des grandes entreprises. Le choix de « tu » dans ma traduction de la lettre est 100 % fait exprès. (Par contre, « you » est dérivé de « vous », car le Seigneur a un sens de l’humour bizarre.)

Il s’avère qu’il y a maintenant huit traductions en français, dont 4 sorties après l’expiration des droits d’auteur en 2021. Wikipédia a quelques tableaux pour comparer les mots « novlangue », comme dit la moitié des traductions. C’est donc ma source au lieu de tout acheter ; il y a quelques erreurs évidentes et on en parlera.

Il y a plusieurs choses à prendre en compte en traduisant un texte, que ce soit un roman ou un poème. Est-ce que l’on veut préserver le sens literal au maximum, ou transmettre les idées dans un style plus naturel à la nouvelle langue ? Y a-t-il un rythme qui doit être préservé ? Quelles sacrifices fera-t-on pour garder ce rythme ? Ma traduction préférée de la Divine Comédie de Dante en anglais, celle de John Ciardi, réussit à garder la « terza rima » (rime tierce) de l’original en abandonnant un de ses aspects. Dante a écrit ses rimes comme ça : ABA BCB CDC DED… Chez Ciardi, tout est AXA ; c’est-à-dire qu’il laisse tomber les rimes de chaque deuxième phrase avec la première et troisième phrase du vers qui suit.

Tous les huit traducteurs acceptent qu’ils vont jeter le caractère anglo-saxon des mots. « New » de « Newspeak » est d’origine allemande ; les choix offerts sont « Novlangue », « Nouvlangue », « Novlang », « Néoparler » et « Néoparle ». Du tout, je préfère « Novlang » car il garde le caractère tranché du sujet. Tout est court dans cette nouvelle façon de parler.

Le personnage en place de Lénine est dit « Big Brother » en anglais. Ça dit littéralement « Grand Frère », mais je crois que traduire le nom est une erreur dans le contexte du livre. Orwell n’a pas fait un effort pour expliquer comment la Novlang se traduit dans les autres langues de son roman fictif. Il me semble que l’idée le plus authentique serait un véritable impérialisme où les autres sont de plus en plus supprimées. Pour cette raison, je n’aime ni « Le Grand Frère » ni « Tonton », même s’ils capturent mieux le système français.

La pire chose que l’on peut faire dans ce monde est avoir les mauvaises pensées. Orwell appelait ça « crimethink » ; littéralement « crimepensée », comme a choisi Amélie Audiberti, la traductrice originale. Mais j’aime surtout le choix de Josée Kamoun, « Mentocrime ». Elle est la seul traductrice à ne pas utiliser « pensée », un mot que je crois serait supprimé à tout prix. Ça mène naturellement à un autre excellent choix — elle utilise « Mentopolice » pour la « Thought Police », littéralement la Police de la Pensée (comme dit toutes les autres traductions). Bien joué. Ça capture la forte tendance à réutiliser les choses au maximum. Mais j’avoue, ça m’a fait penser à autre chose :

Mentos, Photo par Jacek Halicki, CC BY-SA 4.0

Il n’y a que 4 ministres dans le gouvernement orwellien, ceux de la Paix, Amour, Vérité, et Plénitude. Il les a tranchés en « Minipax », « Miniluv », « Minitrue », et « Miniplenty ». En général, les traductions sont similaires, un choix avec lequel je suis d’accord — sauf pour une qui a fait un choix hyper-français, celle de Celia Izoard. Elle dit « Vérigouv », « Lovagouv », etc. Avec tous les sites web de nos jours, je les imagine suivis d’un « .fr ». C’est un effet déroutant.

Finalement, il y a les trois célèbres slogans. Tous sont traduits de façon identique — sauf par M. Kamoun et Philippe Jaworski. Et je crois qu’ils ont fait le bon choix. « Guerre est paix », « Liberté est servitude », « Ignorance est puissance ». Les articles sont supprimés, et à mon avis, c’est exactement ce qui ferait le gouvernement du roman. En ciblant une conversion de toutes les vieilles langues vers la Novlang, les donner un caractère identique me semble le bon choix.

Il y a quelques petites erreurs dans le tableau. Le Ministre de Plénitude n’était pas « Minipleinty » mais plutôt « Miniplenty ». Et le pays était « Oceania » en anglais, pas « Océania » avec un accent. « Ingsoc » n’était pas « Angsoc ». Pas grave, mais ce sont des erreurs typiquement françaises, et non pas les mots originaux.

Pour en conclure, il me semble que M. Kamoun a de loin mieux entendu la musique diabolique du roman. J’achèterai sa traduction, en reconnaissant qu’elle reste controversée. Sa version est loin de la tradition, mais je crois qu’elle a saisi le logique de cette façon de parler selon les idées qu’Orwell voulait communiquer.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de vos problèmes avec le gérondif anglais. Ce sont graves.

Le Nougatti

J’étais chez myPanier il y a des jours pour acheter des trucs pour mon dîner seine-et-marnois. Mais à chaque fois où je suis là, j’aime acheter quelque chose que je n’ai toujours pas goûté. Cette fois, c’est le bonbon dit « Nougatti ». Ceux qui ont suivi mes aventures nougatesques ne peuvent pas être surpris.

Mais si vous avez suivi mes critiques des nougats (bon et mauvais), vous savez qu’il faut dépasser une haute barre (en nougat) pour être recommandé ici. C’est cher de voler en France à chaque fois où on a envie de nougat, et je dois donc savoir que ce que je mets dans ma valise vaut la peine.

Ce paquet m’a coûté environ 10 $, soit 9,50 € en ce moment. (Pas mal — c’est plus typiquement 8 €. Je devrais faire des achats chez la FNAC !) C’est moins que deux barres d’un bon nougat de Montélimar, et chocolaté en plus. Alors, comment est-il ?

Je regrette de vous dire que je n’arrive pas à les recommander. C’est la deuxième fois de la vie où j’ai dû apprendre à manger une sorte de nougat, l’autre étant le nougat dur. Les Nougatti font mal aux dents et aux muscles aux côtés de la tête à moins que l’on prenne un tout petit morceau à chaque bouchée. D’une part, ça sert à garantir que l’on ne mange pas le tout trop vite ! D’autre part, je m’attends à ce que je profite des bonbons, pas en avoir peur !

Quant au goût, le chocolat n’est pas mal. Par contre, le goût du nougat ne va pas. Je n’ai pas les bons mots — même pas en anglais ; sinon, je les chercherais dans mon dictionnaire. Je me demande s’ils sont restés un peu trop longtemps sur l’étagère ; j’imagine que ce n’est pas très populaire parmi les clients qui ne sont pas déjà de grands fans de nougat.

Ce n’est pas en fait mon achat le plus décevant. Parmi la nourriture, le nougat de Suprem’Nougat reste pire. Au moins le chocolat n’est pas mal, et je n’ai même pas pu dire ça avec l’autre. Toutes catégories confondues, le « gagnant » reste le troisième volet des Visiteurs, sans doute le pire produit culturel qui est jamais sorti de la France. Dites-donc, ils ne peuvent pas tous être super, n’est-ce pas ?

Saison 2, Épisode 30 — L’amour aux temps de la colère

Alors, cette semaine aurait pu mieux aller, n’est-ce pas ?

À mon avis, le blog peut devenir très sombre de temps en temps, mais la balado doit rester une source d’optimisme, car elle ne sort qu’une fois la semaine. C’est donc pourquoi j’ai décidé d’enregistrer quelque chose de complètement différent. Langue de Molière y apparaît, parce que c’est toujours drôle — SILENCE, vilain cobaye ! — mais au lieu des articles tristes, ou ceux qui ne marchent pas sans leurs médias, je parle de bonnes nouvelles récentes et certaines choses qui apparaîtront ici plus tard. J’ai enregistré cette partie sans scénario, juste quelques notes, alors c’est le moi le plus authentique que vous aller entendre. Je suis curieux de votre avis.

J’ai rien dit ! Il est si méchant !

Mon gros-titre est un calembour sur le roman de Gabriel García Márquez, L’Amour aux temps du choléra. (En fait, il ne l’a pas appelé ça du tout ; je l’ai lu sous le titre « El amor en los tiempos del cólera ». Je suis en général fan de García Márquez, mais ce roman m’a donné l’idée la plus stupide de ma vie, que c’est peut-être raisonnable de patienter 50 ans pour la bonne personne. Je n’ai pas envie de me plaindre plus cette semaine ([Qui êtes-vous ? Justin, où est-il ? — M. Descarottes]), alors si je vous parle plus de ce roman, il serait dans un post sur tout García Márquez, non pas seulement ce roman.

Alors, je vous ai dit la dernière fois que je croyais que l’on aurait avoir des nouvelles de Laurence Manning cette semaine. En fait, je les ai déjà sues, mais j’ai dû les garder secrètes jusqu’à vendredi. Elle a annoncé son prochain album, celui auquel j’attends depuis quatre ans :

©️Materia Collective

L’album est enfin la collection de musique de la série de jeux vidéo Castlevania sur laquelle elle travaillait juste avant le confinement, quand Konami, l’entreprise qui publie Castlevania, a suspendu l’effort. Il est maintenant disponible à précommander, à écouter sur Spotify, ou à télécharger sur Bandcamp. Vous serez surpris à apprendre que je l’écoute en boucle ce week-end, et le recommande fortement — mais ma critique sera quand même un peu différente de ce à quoi vous vous attendez.

Notre blague traite des belges ; celle de la semaine prochaine sera à l’envers. Je vous rappelle qu’à partir de cette saison, les blagues sont disponibles du menu en haut, avec une semaine de retard. Notre article est :

Sur le blog, il y a aussi : Vivir mi vida, sur la version espagnole de « C’est la vie » par Khaled, La connerie à l’américaine, ma plainte sur l’accueil des attaques, Le trilingue le plus drôle au monde, sur les clips de Loïc Suberville, Le Silence des bruyants, ma plainte sur l’accueil d’encore plus d’attaques, et La soirée belote, ma première fois de jouer à ce jeu de cartes.

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La soirée belote

Ce soir, j’étais à une nouvelle activité de l’OCA, une soirée du jeu de cartes « belote ». Au-delà des publications du groupe, je ne le connaissais pas du tout. Mais il restait plusieurs places disponibles, alors je me suis dit « Pourquoi pas ? » C’était un bon choix.

La belote n’est pas trop compliquée, surtout par comparaison avec le tarot. On joue avec seulement les cartes supérieures d’un jeu : 7-10, l’as, et les 3 visages. Les atouts peut être n’import quelle couleur, pas comme le tarot avec ses atouts dédiés. Je l’ai appris assez vite.

Comme toujours à ces événements, un dessert est allé avec moi. C’est ma carte de visite. Je ne vais pas vous dire ce que j’ai fait, parce que c’est mon dessert seinomarin. Disons que c’était très bien accueilli, et j’étais ravi à découvrir que je suis en fait déjà un peu connu pour ça. Deux autres invités parlaient de ma grande production pour le soiree cinéma en mars. Un des invités s’est souvenu de mes macarons pour le marché de Noël. Ça me fait plaisir. Je me sens toujours comme s’il y a du monde qui se méfie de moi — pourquoi veux-je m’intégrer dans un groupe d’expatriés ? — et les desserts m’aident à les convaincre que je m’intéresse vraiment à la culture.

Honnêtement, je n’arrive pas à imaginer quel serait mon escroc. « Bonjour, vous avez tous soit 20 ans de plus soit 15 ans de moins que moi. Alors je ne suis pas ici pour jouer le brouteur, mais je suis quand même louche. » C’est bien logique, ça. ([Il est quand même louche, d’accord. — Mon ex])

Mais je dois vous dire, ce groupe m’a vite adopté, bien que la moitié d’entre eux ne me connaisse pas avant. J’ai appris le jeu, personne n’avait pas besoin de parler lentement, et le temps que je les aie quitté, c’était comme si on se connaît déjà depuis longtemps. Je les ai déjà fait une promesse que la prochaine fois, j’apporterai des macarons. Vous savez que je ferai mon tout pour livrer quelque chose à la hauteur de leurs souhaits. Vraiment, la formule n’est pas difficile !

Le Silence des bruyants

Je me souviens bien de 2020. Pour moi, c’était une meilleure année que pour beaucoup de monde. C’est largement à cause du fait que j’étais chanceux d’avoir acheté assez de PQ juste avant le virus pour ne pas m’inquiéter pendant les mois de pénurie (c’est une histoire 100 % vraie). Mais aussi un peu parce que j’ai appris le français, découvert Indochine et de Funès pendant la même semaine, bla-bla-bla. Mais largement le PQ.

Mais je me souviens très bien de cet octobre pour deux des mêmes raisons que vous tous. Je n’oublierai jamais le meurtre de Samuel Paty, où je me demandais pourquoi beaucoup de mes amis avaient posté cette image partout :

J’ai reconnu la fonte parce que même aux États-Unis, « Je suis Charlie » était célèbre. Il est souvent le cas que nous ne savons rien de ce qui se passe en France, à moins qu’il se traite de Vanessa Paradis pendant son mariage avec Johnny Depp. Mais l’attaque contre Charlie Hebdo a servi pour sortir certains des ombres, comme on dit en anglais. Nous avons bien appris qui disait « Je crois à la liberté d’expression — mais aussi aux conséquences », comme si des crimes ne le sont plus si on est offensé.

Je pense au linguiste le plus célèbre au monde, Noam Chomsky, prof du MIT, qui a pris l’opportunité (lien en anglais) — pour critiquer Charlie Hebdo pour avoir licencié le caricaturiste Siné. Le professeur Norman Finkelstein a fait la comparaison (lien en anglais) entre Charlie et Der Sturmer, un journal des Nazis — et a dit « Je n’ai pas de sympathie ». Le magazine Jacobin — je ne plaisante pas, c’est un magazine américain — a aussi trouvé (lien en anglais) l’affaire Siné beaucoup plus d’un problème que les meurtres. Et ces gens se croient des défenseurs de la liberté d’expression.

Environ dix jours après le meurtre de Samuel Paty, le procès de l’attaque de 2015 a commencé. J’ai acheté le numéro spécial de Charlie en anglais — le seul que j’ai acheté — pour mieux comprendre. Cette fois, je n’ai rien lu aux États-Unis. On l’avait oublié.

Alors, hier matin, je me suis réveillé pour découvrir qu’un ami en France m’avait envoyé un lien vers un article sur le meurtre de Dominique Bernard, encore une fois un prof. Parce que je suis bien au courant du fait que ce meurtre était lié aux demandes du Hamas, je l’ai mentionné à mes amis. Du silence.

Et je trouve ce silence curieux. Les bruyants, avec leurs drapeaux de la semaine et leurs anathèmes réguliers et leurs questions sur vos loyautés, n’ont plus rien à dire. Je vous ai déjà dit ça. Mais pour Samuel Paty et Dominique Bernard ? Sûrement il n’y a aucune « nuance » quant à ces meurtres.

J’ai remarqué une grande différence entre la France et les États-Unis pendant ces trois dernières années. Depuis 2009, quand j’ai rejoint Facebook, je n’ai jamais publié un avis partisan, un choix fait exprès. Parmi mes amis francophones, je vois le même comportement — je ne peux pas vous dire qui a voté pour qui, parce que personne ne dit rien. C’est presque la même chose avec la religion — je crois que je sais qui sont les croyants, mais je devine, car personne ne dit rien. Aux États-Unis, si vous ne déclarez pas vos « équipes », je vous rassure — on va vous les demander, et pas forcément poliment. Vous n’avez jamais vraiment vécu l’expérience américaine jusqu’au moment quand un ami vous dit que vous n’avez pas le droit de manger dans une chaîne de restos rapides — In-N-Out, le burger californien — car une citation de la Sainte-Bible, Jean 3, 16, est imprimée sur le fond de leurs gobelets.

Je n’arrive pas à imaginer le Français qui me dirait que l’on n’est plus amis à cause d’un burger.

Ce n’est pas le billet que je voulais écrire aujourd’hui. J’ai d’autres chats à fouetter, comme toujours (pardonnez-moi, Louloute, c’est juste une expression). Mais il me semblait que je serais bien hypocrite si je n’ai pas écrit sur exactement ce meurtre après m’être plaint des bruyants qui se taisent au mauvais moment. Tout ça, c’est à dire que je vois votre peine, je ne l’oublierai jamais, et je ne ferai pas d’excuses pour ça non plus.

Le trilingue le plus drôle au monde

Il y a longtemps — on est en 2020, mais je ne me souviens plus d’exactement quand — un ami m’a envoyé un clip qui a contenu cet extrait :

Mais on avait coupé le tout dernier moment avec le nom de l’auteur, alors il me fallait attendre jusqu’à la fin de cette année-là pour découvrir le génie qui est M. Loïc Suberville.

Je ne sais pas ce qu’il dirait de son enfance, mais il était très chanceux d’une façon. Né à des parents français expatriés au Mexique, il a grandi à San Francisco. Alors il parle toutes les trois langues sans accent étranger. Ça lui permet de faire des blagues intéressantes, qui jouent avec les trois langues en même temps. Pourtant, il est souvent important de parler au moins un peu l’anglais pour vraiment en profiter, car c’est la colle entre les autres. Ici, il n’arrive pas à se souvenir du bon mot pour les toilettes, jusqu’à ce que ce soit trop tard :

Vu qu’il est rare pour lui de tourner un clip complètement en français, voici une interview qu’il a fait pour Konbini où il raconte un peu son histoire :

Il était une fois, il est apparu sur la chaîne YouTube de Paul Taylor, humoriste britannique qui travaille à Paris, en général en format bilingue (mais bientôt, pas plus — ce n’est pas clair s’il quitte le français ou l’anglais). Cette interview est en anglais, mais avec des sous-titres en français. Ça explique bien son appel aux anglophones — pour ma part, juste en l’écoutant, je le croirais l’un de mes voisins.

Si vous m’avez suivi depuis assez longtemps, vous savez que je plaisante parfois sur la signification de « belle-mère » en français. M. Suberville aussi :

Le problème avec cette dernière vidéo, comme pleine de ses autres, c’est qu’elle fait de super blagues comme « effrayante mère » ou « méchante mère », mais le tout s’explique en anglais. Alors, bien que ce soit sur la langue française, c’est vraiment une blague pour les anglophones ou les bilingues.

Pourtant, je vous encourage de le découvrir autant que possible. Il vient d’atteindre un million d’abonnés sur Instagram, et ça n’arrive sans beaucoup d’excellent travail. (Bon, il y a un autre chemin pour y arriver, mais très peu de monde veulent le voir nu.) Je vous laisse avec un dernier clip que je crois que vous comprendrez très bien, même si la chute est livrée en anglais. Il a du talent pour vous faire comprendre :

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Au Mordor, nous Saurons

Il y a des fois où j’ai du mal à prendre certaines choses au sérieux dans la Langue de Molière, car elles me rappellent trop quelque chose de drôle. Peut-être qu’il n’y a pas de meilleur exemple que les conjugaisons du verbe « savoir ».

C’est déjà évident du gros-titre. Il est impossible d’apprendre le futur simple de savoir sans penser au Seigneur des Anneaux. Je me demande souvent si les enfants français ont le même problème. Nous Saurons, ils Sauront, pendant qu’un Œil géant flotte et surveille sur tout.

Sauron, mal conjugué. Source, ©️New Line Cinema

Dites-moi, il doit y avoir des blagues sur ce sujet.

Mais ce n’est pas seulement le futur. Le présent est encore pire. Et ça, c’est en partie votre faute. Ou au moins la faute de la langue française. Ouais, ouais, il est peu probable que l’on confonde vraiment « savons » avec :

Savon, Photo par Perditax, Domaine public

Avec plusieurs savons et le bon cas de liaison, personne ne peut pas les distinguer, sauf par notre bon vieil ami, le contexte.

Mais j’ai un autre savon dans la tête. Plus précisément, Sav-On :

Logo de Sav-On, ©️Osco Drug

C’est une ancienne chaîne de pharmacies qui n’existe plus, au moins en tant que Sav-On. Elle était achetée par Osco, et le nom Sav-On n’apparaît plus nulle part aux États-Unis. Et pour être clair, la prononciation est très différente — si vous dites « sèv-un », vous l’aurez plus ou moins. La signification est « économiser sur », originalement un bon calembour quand l’entreprise s’appelait « Sav-On Drugs » (économiser sur les médicaments). Mais l’orthographe compte aussi, et ça pèse comme un mammouth en train d’écraser les prix quand je vois « savons ».

C’est dingue quelles réfs j’ai dans la tête, n’est-ce pas ? Alors, un mot de plus ? Attachez vos ceintures, celui-ci va être fou.

Vous connaissez sûrement le truc qui couvre la fenêtre dans cette photo :

Store vénitien, Photo par SelenaJKruse, CC BY-SA 4.0

En anglais, on dit « blinds, » parfois « Venetian blinds ». (Ça n’a rien à voir avec Venise, ne me demandez pas la raison.) Mais en français, c’est « store », parfois « store vénitien », exactement le mot anglais pour « magasin ». Par contre, « blind » en anglais veut dire « aveugle ». C’est logique car le truc rend le monde aveugle par rapport à ce qui se passe derrière le store. En revanche, le mot français ne va pas de nulle part, mais plutôt du latin, « storea », qui veut dire natte, Mais le store — comme ça fait du mal à taper, c’est comme écrire un anglicisme exprès — anglais vient aussi du français. C’est le Vieux Français « estorer », du latin « instaurer » ; c’est-à-dire « stocker ». Et à son tour, le mot stocker est emprunté à l’anglais, du mot « stock ».

Vous l’avez bien suivi ? Le français a directement hérité la bonne racine pour « store » du latin. Vous l’avez passée aux anglophones qui l’utilisent d’exactement sons sens original en latin alors que vous avez emprunté tout autre mot à l’anglais. Puis, vous utilisez un mot qui paraît à chaque anglophone être un anglicisme, « store », pour dire quelque chose qui n’a rien à voir avec le Vieux Français, parce que c’est vous qui voulez conserver le sens original de tout autre chose en latin.

La langue de clarté, mesdames et messieurs !

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de comment traduire George Orwell en français, car nous allons tous en avoir besoin.