Archives mensuelles : août 2025

Dimanche avec les pensionnaires

On reprend « À l’ombre des jeunes filles en fleurs ». Cette fois j’ai avancé de 27 pages, très dures à lire.

En parlant de Gilberte, Proust propose une idée qui ne manquera pas d’offenser La Fille :

Sans doute on sait bien qu’un enfant tient de son père et de sa mère. Encore la distribution des qualités et des défauts dont il hérite se fait-elle si étrangement que, de deux qualités qui semblaient inséparables chez l’un des parents, on ne trouve plus que l’une chez l’enfant, et alliée à celui des défauts de l’autre parent qui semblait inconciliable avec elle.

Avec ça, il suggère qu’elle est une sorte de personnalité Jekyll et Hyde, et que le bien vient de Swann, et le mal vient d’Odette. Je ne suis pas sûr si je suis d’accord — Swann a son côté canaille !

Hmmm :

Swann était un de ces hommes qui, ayant vécu longtemps dans les illusions de l’amour, ont vu le bien-être qu’ils ont donné à nombre de femmes accroître le bonheur de celles-ci sans créer de leur part aucune reconnaissance, aucune tendresse envers eux ; mais dans leur enfant ils croient sentir une affection qui, incarnée dans leur nom même, les fera durer après leur mort.

Hmmmmmm.

Après ça, le narrateur reprend ses obsessions à propos de Bergotte — nous sommes toujours au même déjeuner où les deux se sont enfin rencontrés — et Gilberte nous étonne en chuchotant au narrateur :

— Je nage dans la joie, parce que vous avez fait la conquête de mon grand ami Bergotte. Il a dit à maman qu’il vous avait trouvé extrêmement intelligent.

La traduction anglaise n’a absolument rien de cette expression, « Je nage dans la joie ». C’est plus proche à « Je suis ravi ». Je pense à l’adopter, mais seulement de façon ironique, car il me semble un peu trop.

Dans une voiture ensemble, après le déjeuner, Bergotte et le narrateur parlent du docteur Cottard, qui a connu plusieurs rebondissements en ce qui concerne sa réputation au fil des deux tomes. Bergotte se livre d’un discours sur le manque de culture chez Cottard, et le narrateur se pense que :

Je ne m’inquiétais nullement de trouver mon médecin ennuyeux ; j’attendais de lui que, grâce à un art dont les lois m’échappaient, il rendît au sujet de ma santé un indiscutable oracle en consultant mes entrailles.

Je ne sais pas vous, mais je ne m’inquiète pas trop sur le sujet des goûts de mes docteurs. Mais Proust a tout autre intention en évoquant ça. Quel ami que Bergotte !

« Quelqu’un qui aurait besoin d’un bon médecin, c’est notre ami Swann », dit Bergotte… « Hé bien, c’est l’homme qui a épousé une fille, qui avale par jour cinquante couleuvres de femmes qui ne veulent pas recevoir la sienne, ou d’hommes qui ont couché avec elle. »

À sa place, je ne parlerais pas comme ça à quelqu’un que je viens de rencontrer à propos d’une connaissance commune. Et ce n’est pas uniquement moi qui n’en suis pas ravi, mais le père du narrateur non plus :

— Naturellement ! reprit-il. Cela prouve bien que c’est un esprit faux et malveillant. Mon pauvre fils, tu n’avais pas déjà beaucoup de sens commun, je suis désolé de te voir tomber dans un milieu qui va achever de te détraquer

« [T]u n’avais pas déjà beaucoup de sens commun » est presque l’épigramme du livre !

Naturellement, puisque tout le monde se révèle hypocrite tôt ou tard chez Proust, dès que le narrateur répète ce que Gilberte lui avait dit, que Bergotte le trouvait intelligent :

— Ah !… Il a dit qu’il te trouvait intelligent ? dit ma mère. Cela me fait plaisir parce que c’est un homme de talent.

— Comment ! il a dit cela ? reprit mon père… Je ne nie en rien sa valeur littéraire devant laquelle tout le monde s’incline…

Oh, bravo. Quel bon exemple pour votre enfant !

J’ai l’impression qu’il serait important plus tard que, dès que Proust nous raconte cet épisode, il nous informe que son ami Bloch, qui lui avait présenté les œuvres de Bergotte dans le premier tome :

ce fut lui qui me conduisit pour la première fois dans une maison de passe.

Le message semble être qu’une fois que l’esprit est prostitué, le reste n’est pas grand-chose. (Pour être clair, mon titre vient de ce sens de pensionnaire.)

Et après ça arrive enfin un moment que Proust avait signalé dans le premier tome, une rupture entre le narrateur et Gilberte. Encouragé par Bergotte, le narrateur se consacre de plus en plus à sa propre écriture chez lui et commence à faire des excuses pour ne pas rendre visite aux Swann, en se disant qu’en fait, c’est Gilberte qui s’éloigne de lui. J’ai eu du mal à suivre l’argument entre eux, autant en traduction qu’en français, car il me semblait venu de nulle part, mais cette fois, on finit par la nouvelle que :

j’eus le courage de prendre subitement la résolution de ne plus la voir, et sans le lui annoncer encore, parce qu’elle ne m’aurait pas cru.

J’en ai vraiment assez de ce type — il n’apprécie jamais ce qu’il a, il souffle le chaud et le froid envers tout le monde, et il a toujours des raisons pourquoi c’est la faute aux autres. Pas pour la première fois, je mets de côté le livre en disant « Que l’on le gifle comme il le mérite ! »

Je découvre Cats on Trees

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec Cats on Trees, qui a suivi Adrien Gallo sur le plateau. Le duo a chanté une chanson, Le Temps Est Bon, par une chanteuse québécoise, alors suivant mes règles pour le projet, je ne vais pas écrire sur cette autre artiste, car il s’agit uniquement de la chanson française dans son sens continental. Si je faisais autrement, j’aurais dû écrire sur Gwen Stefani déjà, et AC/DC plus tard. Alors, Cats on Trees.

Cats on Trees en concert, Photo par Gyrostat, CC BY-SA 4.0

Ce n’est pas la première fois où j’écris sur un artiste français qui travaille principalement en anglais — on a déjà parlé de Jain et de Jeanne Added, ainsi que de Marie-Flore. Mais c’est la première fois où il ne s’agit pas d’un soliste (à moins que vous insistiez sur le début de la carrière d’Adrien Gallo). Cats on Trees — Des chats sur des arbres en anglais — est un duo composé de chanteuse/pianiste Nina Goern et batteur Yohan Hennequin. Le duo se sont rencontrés à Toulouse, où ils jouaient aux mêmes instruments dans un groupe local dit Aeria Microcosme. Pour autant que je puisse découvrir, il me semble que le seul album de ce groupe-là est sorti en 2007 ; voici un clip, « Seule » :

C’est très ambiant, cette musique. Mais les deux ont déjà d’autres idées, et forment leur propre duo cette même année. En 2009, ils sortent un EP auto-édité de 7 chansons, Uli, et j’ai du mal à le décrire. Autre que le titre de ce clip, « Hallo Mrs. Jones » (Allô Mme Jones), tout est en allemand (selon Paroles.net) et je ne comprends rien :

Il n’y a rien de l’EP sur leur chaîne officielle, et je ne suis pas arrivé à trouver leurs autres chansons de l’époque. Cependant, ça leur vaut assez d’attention pour faire la première partie pour Benjamin Biolay en 2012.

En 2013, Cats on Trees sort un album éponyme, sans les titres du passé. Les critiques sont positives, et l’album se vend à 220 000 exemplaires et est nommé aux Victoires de la musique en 2014, dans la catégorie « Album révélation ». Qu’est-ce qu’il révèle ? Voici le premier single de l’album, « Sirens’ Call » (L’Appel des Sirènes) :

Je dois être honnête. J’ai eu une très mauvaise réaction à la voix de Nina Goern en français sur Taratata. Elle a une qualité que les britanniques appellent « fruity » (ça veut dire tout autre chose aux États-Unis ; ne l’utilisez jamais chez moi à moins que vous aimeriez voir une gendarmerie de l’intérieur). Littéralement « fruité », mon dictionnaire Oxford préfère le rendre par « timbré », mais avec des synonymes en anglais qui me laissent perplexe. Je ne sais vraiment pas quel est le bon mot en français ; je veux dire qu’il y a une certaine faiblesse. Même si le ton est correct, ça manque de qualité musicale, et le chanteur doit presque chuchoter, car la puissance n’est pas là. Fiona Apple est l’exemple parfait chez les anglophones. Une Véronique Sanson ou une Catherine Ringer ne mériteraient jamais cette description. (À noter ; ce n’est pas ma plainte sur Gaëtan Roussel.) Et ce n’est pas uniquement une question de prononciation en anglais (celle de Nina n’est pas bonne — un peu britannique, mais les voyelles sont toutes mauvaises) ; Sandrine Kiberlain n’est pas bonne en anglais, mais est absolument charmante en français.

Franchement, vous savez grosso modo déjà comment finit ce billet, mais elle est capable en tant que pianiste, et Yohan est assez bon à la batterie, alors voyons si la musique peut sauver la note finale. Alors quoi d’autre sur cet album ? Jimmy, une collaboration avec Calogero, est pas mal ; Tikiboy montre les compétences des deux en tant qu’instrumentistes ; Flowers a une mélodie agréable. J’ai dû arrêter Wichita dès que j’ai entendu sa prononciation du nom.

En 2016, Cats on Trees fait partie d’un album de reprises de Daniel Balavoine. Elle chante mieux en français qu’en anglais sur cette reprise de « Aimer est plus fort que d’être aimé » :

2018 voit leur deuxième album, Néon, un album un peu plus « disco » que le premier. Le premier single de l’album est « Keep on Dancing » :

Encore une fois, la musique est pas mal, mais… Nina prononce le mot « fun » comme si c’est « fen », un marais anglais. La voyelle ne vient pas de la même partie de la bouche. Je ne suis pas fan de l’accent de Jain, mais elle m’a conquis avec son enthousiasme. Et Sandrine Kiberlain fait des clins d’œil envers ses difficultés — j’ai fondu pour « Je te ferais rire with my accent. » Nina livre ses mauvaises prononciations en toute sincérité, et je ne profite vraiment pas de la critiquer. Mais elle a monté de petits couteaux sur un coton-tige et me poignarde dans le tympan encore et encore.

Sur le même album, l’autre single est Blue, qui pourrait être une tres bonne chanson en anglais dans les mains de Véronique Sanson, ou bien Jeanne Added. Mais encore une fois, j’ai dû l’arrêter sur les mots « I celebrate the day ». Tikiway revisite le personnage de Tikiboy à bon effet, et Birthday est aussi agréable en tant que musique, tant que vous ne comprenez pas l’anglais.

L’album le plus récent, Alie, est sorti en 2022. « Please Please Please » est apparu l’année précédente. J’oserais dire qu’elle a suivi un cours d’anglais pendant le Confinement ; les accents sont sur les bonnes syllabes, et croyez-moi, c’est une amélioration.

She Was a Girl pourrait trouver du succès aux États-Unis sur les chaînes « alternatives ». Mais je suis prêt à finir.

Que penser de Cats on Trees ? Les deux sont évidemment des musiciens talentueux, et à part l’effet réverbe, Nina n’utilise pas trop de logiciels sur sa voix. Je la félicite sincèrement pour ça. Il faut avouer que personne ne peut me rappeler Fiona Apple et réussir ici. Et comme Jeanne Added, ses textes en anglais sont logiques et ne contiennent pas de fautes. Mais où Jeanne Added et Véronique Sanson ont complètement maîtrisé l’anglais, Nina chante l’anglais pour les Français. Ou les Norvégiens — j’ai eu un moment où ça m’a semblé juste. Il m’est évident que son anglais s’est un peu amélioré. Cependant, Fiona Apple sait prononcer l’anglais, et Nina… est une bonne pianiste. Heureusement, la prochaine entrée de cette série est une chanteuse extraordinaire.

Ma note : Je change de chaîne.

Cadeau d’anniversaire

([Je sais, nous n’attendions pas tous à revoir mon ex. Mais vu les actualités, elle insiste sur être de retour, juste une fois. — Justin])

Bonjour, les ennemis ! Je continue de ne pas comprendre pourquoi vous fréquentez tous ce type, qui n’a jamais rien fait de bien. Mais en quelque sorte, la France entière — non, l’UE entière — vient de confirmer que j’avais — que j’ai — raison, et que le monde existe uniquement pour le punir (ainsi que pour chanter mes louanges, bien sûr). Après tout, je lui ai dit en 2001 que Dieu avait envoyé le krach boursier pour lui apprendre l’humilité. Et il m’a épousé après ça ! Mais le 29 août est mon jour, et ce à quoi je ne m’attendais pas, c’était que la France m’offrirait un cadeau d’anniversaire pour le cibler aussi !

Poste de La Destrousse aux Bouches-du-Rhône, Photp par François GOGLINS, CC BY-SA 4.0

Je ne remercie jamais personne, car tout m’est simplement dû, mais vraiment, je suis impressionnée. Alors, qu’est-ce que vous avez fait pour me plaire ? C’est notre vieille amie La Poste qui m’a livré ce cadeau :

En dehors de ces trois exceptions, tout envoi postal à destination des États-Unis effectué à partir du vendredi 29 août 2025 sera bloqué et retourné à l’expéditeur. De plus, le retour de marchandises provenant d’un achat effectué chez un commerçant américain entraînera le paiement de frais de douane.

La Poste [gras/italiqies ajoutés]

D’habitude, en anglais — ce que vous devez tous apprendre afin que La Fille puisse arrêter de suivre un cours contre lequel j’ai lutté ! — on dit, avec de fausse modestie, « You shouldn’t have » (« Tu n’aurais pas dû [le faire] ») en acceptant un cadeau. Bien sûr, dans mon cas, vous auriez dû, et plus tôt.

Alors, quelles sont les trois exceptions ?

Les envois de cadeaux entre particuliers d’une valeur inférieure à 80€/100$ par colis

Les envois par Chronopost

Les envois de courrier contenant uniquement des documents (y compris les prêts à poster)

Alors si vous aviez mis en place cette règle plus tôt, vous auriez pu bloquer le colis que son ami lui avait envoyé avec des jeans du Temps des Cerises, et ça malgré le fait que Justin avait payé les vêtements. Ça aurait été drôle ! Je suppose que la troisième catégorie ne bloque pas les cartes de vœux. Dommage. Mais les cartes postales ? Est-ce qu’elles tombent dans les exceptions ? On dirait qu’il s’agit uniquement d’un document, mais avec le bon avocat, on pourrait toujours argumenter que « contenir » distingue les enveloppes de leurs contenus. Ce serait merveilleux pour foutre le bordel !

Bien sûr, il y a un petit peu d’hypocrisie dans l’annonce de La Poste. Elle dit :

Les marchandises sont à présent taxées dès le 1er dollar, alors qu’elles disposaient jusqu’alors d’une franchise de droits de douane jusque 800 dollars.

Et qu’est-ce qui est arrivé quand Justin voulait envoyer un colis en France en 2023 ? Ah oui, quand l’UE pensait qu’il ne s’agissait pas d’un cadeau, elle voulait facturer son amie 43 $ de frais et d’impôts contre une valeur de 40 $ de biens ! Et même quand il s’agissait d’un cadeau, la franchise de droits de douane avait une limite de 45 €. C’était beaucoup moins de 800 $, c’est certain !

Mais j’adore ça. L’important, c’est qu’une telle que moi comprend la vérité : les hommes politiques des deux côtés sont désormais dans un grand concours de pisse, comme on dit en anglais, et c’est les fourmis qui souffrent. Et je me réjouis ! Après tout, pensez-vous que Justin aurait envoyé un colis de 200 $ en France en 2021, dont son ami avait payé les marchandises, face aux taxes de 2023 ? Nope. Avec un peu plus d’effort, nos hommes politiques mettront définitivement un terme à exactement les échanges qui ont donné lieu à son blog.

Bien sûr, il y a un moyen simple pour éviter tous ces problèmes : soyez comme moi, le genre de personne avec qui personne ne veut échanger de cadeaux !

Vraiment, je suis une génie. Et avec ça, a-dieu !

Ici et là

C’était l’un de ces jours. Hier, j’ai dû aller au lycée le soir pour les réunions de « Back to School Night », la Nuit de La Rentrée. Malheureusement, alors que l’année dernière, j’étais là avec juste les parents de la 3e année, parce que nous devions tous arriver une heure à l’avance, cette fois, j’étais là en même temps que tous les autres parents. Il y a environ 700 élèves dans dans chacune des 4 années au lycée. Il y avait un petit changement au nombre de voitures dans le parking. J’ai fini par me stationner à 1 km du lycée, et entre le trajet et les délais pour chercher une place, j’ai raté la réunion pour sa première classe. Laquelle ? Ouaip, le cours de français.

Dites-moi, est-ce qu’un lycée de 2 800 élèves est typique en France ? Je n’ai aucune idée de la taille typique des écoles, autre que le fait que la maternelle au coin de la rue, près de notre hôtel à Paris en 2023, était adorable — et apparemment de même taille que les nôtres, avec une trentaine d’élèves.

Après ça, j’ai dû finir la rédaction du bulletin de l’OCA. J’espère que ce sera accepté demain ; j’ai d’autres poissons à faire frire, comme on dit en anglais. (Le truc sur les chats en français, ça fait mal au cœur.)

En parlant de l’OCA, ça fait des mois depuis nos dernières activités. Il y avait une soirée de tarot en juillet, mais ni de soirées de jeux de plateaux, ni de ciné, depuis mai. J’ai expérimenté la même chose l’année dernière, et tout ce que je peux dire, c’est que ça doit être ce que expérimentent les toxicomanes. Écrire tous les jours n’est pas la même chose qu’avoir un contact humain.

Je sais que beaucoup d’entre vous suivaient L’autodidacte aux mille livres. En commençant à préparer le prochain « C’est le 1er », j’ai remarqué que ce blog-là avait disparu sans avertissement ! Mais ne vous inquiétez pas, il s’agit simplement d’un changement de nom : elle écrit désormais sous le nom « Le bazar éclairé ». Si vous étiez abonné, ce autre titre est dans votre liste, mais peut-être que comme moi, vous ne l’avez pas remarqué.

N’ayant reçu aucune réponse ni d’Apple ni d’Agorila, je viens de demander un remboursement à Apple pour m’avoir vendu le mauvais album la semaine dernière. Ça me dérange, que même après 3 jours ouvrables, personne ne m’ait répondu.

C’est assez pour l’instant. On se reverra demain avec la prochaine entrée du Projet 30 Ans de Taratata.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Considérez-vous

Connaissez-vous la comédie musicale Oliver ? D’après le roman de Charles Dickens, Oliver Twist, elle est devenue un film qui a remporté l’Oscar de meilleur film. Parmi ses chansons les plus connues est « Consider Yourself », qui décrit le moment quand Oliver s’intègre à une bande de voleurs. En français, on dirait « Considérez-vous », et c’est exactement ce que l’on entend dans cette reprise bilingue :

J’ai dû apprendre cette chanson pendant un séjour dans un camp théâtre (ainsi que « Une secrétaire n’est pas un jouet » — une expérience qui m’a convaincu que je n’étais pas fait pour le théâtre). Mais honnêtement, c’est juste la bonne excuse pour Langue de Molière cette semaine : comment utiliser « considérer ».

Je suis accro au verbe considérer depuis longtemps, surtout pour une formule répétée encore et encore : « Je me considère comme un invité » ([Qui personne n’a, en fait, invité. — M. Descarottes]). Mais en faisant des recherches pendant la correction de mon livre, j’ai trouvé un article du Figaro qui m’a montré que le sujet est un peu subtil.

Le problème, c’est qu’il y a deux sens de considérer, et chacun ressemble à d’autres verbes. Le Fig explique :

«Il considère ce dossier comme prioritaire»«l’agriculteur considère le ciel avec inquiétude»«elle la considère comme son amie»… Le verbe «considérer», selon le contexte de la phrase, ne se construit pas de la même façon.

«Considérer comme»: attention au bon emploi du verbe, par Aliénor Vinçotte

Mais qu’est-ce qui se passe ? Le verbe est parfois suivi d’un nom, parfois de « comme », et il y a même un exemple ou « comme » introduit un attribut du nom. Le problème, c’est qu’il y a deux sens ici, et beaucoup de monde ne sait pas les distinguer.

Le premier sens est :

issu du latin «considerare» qui signifie «examiner attentivement par les yeux et la pensée».

Ça veut dire donc des choses comme « Considérez ce bâtiment » ou « On considère cette sculpture ». Considérer dans ces cas prend un COD, et veut dire que l’on regarde ou pense à l’objet.

Mais on peut aussi l’utiliser pour signifier « estimer » ou « juger », et ici, la grammaire dépend de si on parle de l’objet entier, ou d’un attribut. Dans le premier cas, c’est toujours suivi de « que », alors on écrit des choses telles que «Je considère qu’il est bête » ou « François considère qu’il aura bientôt plus de temps libre. »

C’est le cas d’un attribut où on voit toutes les erreurs, selon Le Figaro. On est censé suivre le verbe avec « comme » ; par exemple : « Je me considère comme un invité. »

Pourtant, on retrouve souvent le verbe «considérer» avec la construction directe «considérer + nom + adjectif», et donc sans la conjonction, «comme». Bien qu’il existe de nombreuses attestations dans la littérature (il s’agit dans ce cas d’emploi elliptique), cette construction directe est souvent critiquée. 

Les critiques viennent du fait que seulement le tout premier sens, de regarder une chose, prend cette forme de « considérer + nom ». Alors faites pas ça !

Heureusement, Le Figaro sait où pointer du doigt : moi.

On notera également l’influence de l’anglais avec la phrase «to consider someting or someone»suivi de l’attribut – qui veut dire la même chose en français mais qui se construit sans préposition et qui n’est probablement pas étrangère à cet oubli systématique de la conjonction «comme»en français.

Pour me défendre, tout ce que je peux dire est que j’apprends la langue en lisant ce qui écrivent des francophones de naissance. Alors, comme dit La Fille sur ses propres erreurs de français : si je fais cette erreur, c’est de votre faute ! (Mais en fait, je n’arrive pas à trouver même une seule erreur de ce genre sur le blog ; il me semble que vous m’avez appris correctement.)

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour lancer une guerre contre la Belgique.

Les yeux ouverts

Il y a longtemps, le 7 août 2023 pour préciser, j’ai raconté une Blague de la Semaine dont la chute était :

Tout à coup, le bistrot disparaît et le blogueur se trouve au bout d’une queue devant une mairie ! Il crie « Saint-Pierre ! Mais où est donc passé mon bistrot ? Mon ketchup ? » Et Saint-Pierre lui répond, « Ah oui. Avant, vous étiez touriste. Maintenant, vous y habitez ! »

Évidemment, j’ai volé la structure de la blague à une centaine d’autres sur un choix entre le ciel et l’enfer (et à noter, pour moi-même, c’était juste entre deux formes d’enfer). Mais mon but là était aussi de montrer que j’étais au courant du fait que mes sujets sont souvent légers et touristiques. ([Surtout les guerres. — M. Descarottes])

Image de Carrefour en tant que les portes du ciel -- créée par l'IA Google Gemini
Carrefour en tant que le Ciel, Image créée par l’IA Google Gemini

Mais j’ai fait certains choix il y a longtemps sur ce que je dirais et ce que j’éviterais, même avant le début du blog, et il me semble que mes bonnes intentions ([Lâcheté]) donnent fausse impression que je pense que la France est Disneyland avec de meilleur fromage (c’est juste Carrefour). Parlons d’abord de ce que j’ai fait exprès.

Dans le tout premier post, que très peu de monde a lu, j’ai dit :

On n’a que trois règles:

  • PAS D’ANGLAIS
  • Pas de politique, sauf les dessins
  • (soyez gentil, s’il vous plaît)
On commence !

Je voulais sincèrement créer un espace sans parler de la politique, et encore plus important, vu les majuscules, montrer que je n’étais pas ici pour m’imposer. Mon attitude plus-que-québécois sur ma langue de naissance vient de deux sources, mais ce que je voulais dire, c’était que je n’allais jamais insister que la France se conforme à moi. Je ne veux pas de menus en anglais, de service aux clients en anglais, rien. Depuis ce temps, en parlant de ce qui m’énerve aux États-Unis, j’espère que mes raisons sont devenues plus claires : je n’aime pas du tout que personne ne ressente la même chose chez moi, et je ne suis pas hypocrite. ([Sur ce sujet, quand même.])

L’autre chose est plus personnelle, et je sais que personne ne me prend au sérieux quand je le dis, mais je n’ai plus envie d’entendre l’anglais. Du tout. Tout mauvais souvenir dans ma tête, c’est en anglais. Et même si ce n’était pas une raison, entendre ce que les cons ont fait de ma langue est insupportable. J’apprécie sincèrement que même s’il y a plein de Français qui s’en foutent de la grammaire, c’est une vraie passion pour une belle partie du pays. Ce n’est pas honteux de s’en soucier, pas comme chez moi.

Mais tout ça n’est que mes névroses. Il m’est évident que j’ai complètement échoué une autre tâche, vous convaincre — et ça veut dire, j’espère, convaincre un fonctionnaire pendant un entretien de visa — que je préfère les problèmes de la vie en France à ceux de chez moi. Puisque je n’en dis presque rien, au nom de me comporter comme un invité, beaucoup de monde pense que je ne vois rien, ou comme a dit l’un de mes critiques : « L’auteur est tombé en amour. Ça rend aveugle ». Alors, parlons juste une fois de ce que je vois, mais essayez de ne pas répondre avec « Mais les É-U ». Ça arrive souvent quand un étranger critique son pays, mais j’espère que vous serez d’accord que je suis honnête sur le mien.

Quand j’ai envie de prendre rendez-vous chez le docteur, s’il s’agit d’un généraliste, j’ai un choix de nombreux cabinets le même jour. Il est fort probable que je paye entre 150 et 200 $ pour la visite, mais la disponibilité n’est jamais un problème. Si je veux prendre rendez-vous avec mon docteur habituel, j’ai besoin d’un mois d’attentes, et si je veux un vrai spécialiste — un cardiologue ou un dermatologue — il faut attendre deux mois en général, mais pas plus. Même chose chez les dentistes. J’ai entendu de nombreuses plaintes de mes amis en France au fil des années à cet égard. Avec les problèmes que j’ai déjà, déménager montre de mauvais jugement de mon côté. La climatisation me manquera aussi ; je compte sur elle toute ma vie, mais je sais ce que vous en pensez.

Si c’est vrai que les prix des produits français sont beaucoup plus bas par rapport à ce que je paye — 6, 85 € pour un paquet de Brets au lieu de 1,99 € ! — c’est aussi vrai que les salaires sont plus bas, et que se faire embaucher est souvent un cauchemar. J’ai vu un ami galérer pendant presque 4 ans sans boulot, et cette personne était citoyenne et pas stupide du tout. Je n’imagine pas que ce sera du gâteau venant de l’étranger, et surtout pas jeune. En ce qui concerne l’âge, il n’y a rien à envier, mais c’est un défi des deux côtés.

L’efficacité et l’esprit de service aux clients des fonctionnaires français ne laissent rien à envier non plus. J’ai une amie dont son époux est étranger ; sa lutte pour renouveler son visa a duré plusieurs années malgré le fait d’être époux et père de citoyens.

Il y a deux ans, je vous ai parlé de virer des amis à cause de la politique, quelque chose que j’avais refusé de faire même en réponse aux émeutes de 2020, quand beaucoup de mes amis ont viré des gens comme moi, qui soutiennent les forces de l’ordre dès que les manifs deviennent les saccages. Je ne fais pas d’excuses pour cette attitude. Mais le cadre de ce post était une paire d’événements dans le métro parisien. Beaucoup de liens dans ce post-là ne fonctionnent plus, mais il s’agissait d’un incident où des musulmans chantaient « nique les Juifs » dans le métro et de jeunes Français chantaient « Douce France ». Et puisque la France est aussi perplexe que les États-Unis en ce moment, il y a eu pas mal de Français qui trouvaient ce dernier tout aussi problématique. Il y a des captures d’écran dans ce post ; je n’exagère pas. J’ai trouvé cette situation lamentable, et je n’ai pas oublié les noms de Samuel Paty ou de Dominique Bernard non plus. Mais c’est pareil chez moi. Nous avons eu notre propre attentat californien pas loin de chez moi, 3 semaines après le 15 novembre 2015. Et la mosquée des attaquants, c’était juste à côté de Disneyland !

La différence entre les deux situations n’est pas entre le paradis et l’enfer. C’est un peu comme ma blague d’en haut, un choix entre deux situations difficiles. Et une punition unique m’attend en France : j’ai déjà raté beaucoup des opportunités que j’aurais voulues si j’avais appris la langue au bon moment. Il faudra m’en souvenir tous les jours ; n’imaginez pas que ça ne m’attriste pas. Mais laissez-moi acheter un petit appartement à Rouen et mon pain quotidien, peut-être enfin avoir Canal+ à la télé, et je ne dérangerai personne.

Saison 4, Épisode 22 — Comment aller à rue Sésame

J’avoue, le gros titre est pour énerver La Fille, qui sera étonnée que j’aie traduit les parîles du générique de Sesame Street pour le nom d’un épisode. Mais c’était le point de départ pour Langue de Molière cette semaine, donc justifié. C’est toujours gênant pour les enfants quand les darons ont leurs références, non ?

Je ne vais pas mentir, c’était déjà une très mauvaise semaine. Mais demain, vous aurez droit au cri du cœur du blog.

J’ai dû refaire une vieille recette du blog pour le bulletin de l’OCA, ce que j’ai écrit ce week-end. C’était la toute première recette du Tour, la soupe bressane au potiron. À l’époque, j’utilisais un iPhone XR pour le blog, avec un objectif à focale fixe, alors c’était impossible d’éviter mon propre ombres dans les photos. Voici la nouvelle version, identique sauf pour mes ombres :

Le pain est du pain levain de chez Boudin. Pas maison, mais si l’on est coincé ici, c’est le mieux que l’on puisse faire pour un prix raisonnable. Quant à la recette, puisque j’avais donné un lien vers Keldelice à l’époque, et ce site est disparu, je la publierai à nouveau un de ces quatre. J’aurais dû prendre des photos des étapes. Bien sûr, si vous avez mon manuscrit, vous l’avez déjà.

Je sais, vous êtes curieux : quel était l’autre recette, puisqu’il y en a toujours deux ? Le gâteau du Lion, mais sans la recette de confit d’écorces d’orange, avec la recommendation d’en acheter. C’est déjà limite compliqué pour cette publication-là. Et avec ça, il faut que je commende à penser aux recettes de Thanksgiving et de Noël pour le dernier numéro de l’année.

Mercredi, c’est ce que j’appelle « la rentrée de la rentrée », « Back to School Night », quand les parents rencontrent les profs (c’est déjà la troisième semaine de notre année scolaire). J’ai hâte de rencontrer la prof de français, comme toujours — ce ne sera pas la même prof, mais nous reverrons celle de l’année dernière l’année prochaine.

Si vous êtes blogueur et pas seulement lecteur, sachez que j’ai déjà envoyé des plaintes aux développeurs de Jetpack sur les nouvelles statistiques. Est-ce que l’on a testé cette mise à jour avant de la sortir ?

Est-ce que l’on a vu le film « Monsieur Aznavour », et si oui, vaut-il la peine ? Le film fera partie d’un festival dans le Comté d’Orange fin septembre.

Notre blague traite de la chasse. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Vétérinaire et Neymar. Il n’y a pas de Bonnes Nouvelles cette semaine.

Sur le blog, il y a aussi L’algolangage, sur l’argot de TikTok, Les télé-arnaqueurs, sur une fraude par téléphone qui me vexe tous les jours, Je découvre Christophe, la dernière entrée du Projet 30 Ans de Taratata, et Le BS de qualité militaire, sur un échec complet soit d’Apple soit d’une maison de disques.

Si vous aimez cette balado, abonnez-vous sur AppleGoogle PlayAmazonSpotify, ou encore Deezer. J’apprécie aussi les notes et les avis laissés sur ces sites. Et le saviez-vous ? Vous pouvez laisser des commentaires audio sur Spotify for Podcasters, qui abrite la balado. Bonne écoute !

Le BS de qualité militaire

Je sais, vous vous attendiez à Dimanche avec Marcel. Mais je suis d’humeur ultra-mauvaise après ce qui s’est passé hier après-midi.

Il y a des mois, j’ai suivi le conseil d’Il Est Quelle Heure d’écouter une piste, Lapitxuri, d’un album intitulé Bandas du Sud-Ouest. J’étais assez bluffé par les liens forts avec la musique mariachi de mon propre sud-ouest pour vouloir en savoir plus, mais je l’ai mis de côté. Vendredi, en me rendant compte que j’avais du crédit sur iTunes, j’ai décidé d’acheter l’album.

« Mais Justin », vous me dites, « vous dites tout le temps que vous insistez sur les disques originaux, afin d’avoir des enregistrements sans pertes. iTunes est tout sauf ça ! Où sont donc passés vos idéaux ? » Comme Groucho Marx est censé avoir dit (lien en anglais) : « Ce sont mes principes, et si vous ne les aimez pas… eh bien, j’en ai d’autres.» Le disque est sorti en 1999 et n’est disponible chez la FNAC que d’occasion, ce qui veut dire vendu par un tiers, ce qui veut dire pas allant à l’étranger. Aux États-Unis, le disque coûte au moins 25 $ sur Amazon, et Amazon.fr coûte 26 $ après le frais de livraison. À ces prix, un disque par de nombreux inconnus est tout à coup un peu moins important. Mais veuillez ne pas dire le mot « streaming » — sur la question d’être le proprietaire de ma musique, il n’y aura jamais de question.

Alors, j’ai acheté la collection sur iTunes, 9,99 $ pour le tout. La voilà dans ma bibliothèque :

Capture d'écran de ma bibliothèque iTunes

L’éditeur de WordPress n’aime pas les contenus embarqués venant d’iTunes, alors ce qui suit comprend des liens vers ce site-là, mais des contenus de YouTube autrement. Vous pouvez déjà voir que ce disque contient des morceaux en basque, ce que je ne vais jamais comprendre, et même le français de la région contient du patois que je ne vais pas comprendre non plus. Alors ce n’est pas facile pour moi de vérifier que les contenus sont les bons. Mais dès que j’ai entendu la piste dite « Mexicali », je me suis dit : « Quelque chose ne va pas du tout. » Voici le lien vers iTunes. Je vous ai dit à l’époque que Mexicali est une ville très proche de chez moi, juste de l’autre côté de la frontière mexicaine. Alors quand j’ai entendu quelque chose sur « Baiona », je l’ai testée avec l’appli Shazam. Et c’était en fait tout autre chanson, « La Pena Baiona » :

Par rapport, voici la bonne version quand on recherche le groupe nommé dans la capture d’écran :

Voici Lapitxuri tel qu’elle se trouve sur iTunes, et ce qui se trouve sur la chaîne YouTube de la maison de disques Agorila, responsable du disque :

Pas la même chose du tout ! Celle d’iTunes est une chorale d’hommes, et celle de YouTube est toute autre mélodie, sans voix, jouée par des instruments de cuivre.

7 de julio San Fermin est une chanson que j’ai apprise au lycée et connais jusqu’à maintenant par cœur. Voici le lien à iTunes. L’appli Shazam me dit que c’est en fait « Pottoka mendian » par un groupe dit Alaiak. Mais voici la version trouvée par Shazam quand je teste les extraits sur le site d’Agorila, la maison de disques :

C’est EXACTEMENT la chanson espagnole de ma jeunesse : « Uno de enero, dos de fevrero, tres de marzo, cuatro de abril… ». (Désolé, les espagnols ne savent pas qu’il faut mettre une apostrophe entre « de » et les voyelles.)

À ce point, vous devriez être convaincu, tout comme moi, que s’il y a une piste qui est la bonne dans les fichiers d’iTunes, c’est par hasard. On a bel et bien mal rangé le bordel, comme nous disons chez Un Coup de Foudre.

J’ai déjà écrit des notes aux services clients d’Apple et d’Agorila. Je m’intéresserai à voir si on se soucie de corriger les fichiers. Je pourrais même voir un refus de la part des deux, vu que tout client qui a déjà acheté cette collection compte sur les fichiers tels quels. Les changer maintenant, après au moins une décennie sur iTunes, peut-être plus, serait gênant.

Évidemment, je ne veux pas simplement les acheter chez Amazon sans preuves que ses fichiers sont les bons. Mais Amazon rend la tâche impossible sans être abonné déprimé… euh, je veux dire, de Prime. Plus précisément, je peux tester un ou deux fichiers selectionnés par hasard, mais après ça, la page joue d’autres choses qui n’ont rien à voir avec l’album, et je ne vais pas faire confiance à cette méthode.

Je préfère que les fichiers soient corrigés plutôt qu’avoir à nouveau mon argent, parce que je ne vais pas me rendre fou pour ça. J’ácheterai le disque plutôt que de perdre du temps avec les fichiers. Mais ô, comme ça fait mal au cœur de voir le prix en France contre le prix chez moi !

Pour finir sur une note plus amusante, j’ai tiré mon gros titre de l’une mes expressions préférées en anglais, « weapons-grade BS » (BS = un gros mot pour caca de taureau). Il s’avère que la traduction acceptée pour « weapons-grade » est « de qualité militaire ». Voici l’une de très peu de fois où je préfère l’anglais ; c’est plus concis. Mais en recherchant l’expression, j’ai trouvé un site satirique de première classe sur les affaires militaires, Caporal Stratégique. Il m’a eu avec ce gros titre : « Les services de protection des consommateurs utiliseront le terme « de qualité militaire » pour désigner tout matériel ou produit défectueux » ! J’ai travaillé pendant 8 ans dans le secteur de la défense, et croyez-moi, j’étais absolument prêt à le croire !

Je découvre Christophe

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec Christophe, parce que notre dernière entrée, Adrien Gallo, a chanté l’une de ses chansons pendant le spectacle.

Christophe en 2014, Photo par Thesupermat, CC BY-SA 3.0

Daniel Bevilacqua est né en 1945, à Juvisy-sur-Orge, en Essonne. Sa famille est d’ascendance italienne, son arrière-grand-père étant venu pour établir un commerce en fumisterie. À ses 16 ans, il choisit le nom de scène Christophe d’après une médaille de saint Christophe, un cadeau de sa grand-mère. Naturellement, ce choix est suivi immédiatement par la fondation de son premier groupe, « Danny Baby et les Hooligans », dont le chanteur est censé être un nommé Danny, sauf que c’est désormais Christophe joué par un Danny. À vous de déchiffrer la logique.

Mais c’est en 1965, en tant que soliste, qu’il gagne enfin l’attention du public avec son premier single, le célèbre « Aline ». Il s’agit d’une ancienne petite amie, mais je me suis trompé la première fois où je l’ai écouté, en pensant qu’elle avait noyé. Si on fait plus attention, c’est juste un dessin dans le sable d’une plage qui disparaît dans la pluie.

Cette chanson pue son époque, ou plutôt plusieurs années plus tôt — faites la comparaison avec « Smoke Gets In Your Eyes » de The Platters, de 1959. À l’avis du chanteur Jacky Moulière, Aline pue encore plus sa chanson « La Romance », et il intente un procès pour plagiat à Christophe,, qui durera jusqu’à la fin des années 70, quand Christophe gagnera enfin. À mes oreilles, c’est moins le cas que pour George Harrison des Beatles et « My Sweet Lord« , mais à la place de M. Moulière, j’aurais fait pareil.

Néanmoins, avec ce tube dans la poche, en 1966 il sort un album, d’abord intitulé « Christophe », mais plus tard changé en « Aline ». Là, il a d’autres tubes, dont « Les marionnettes ». Ça suffit pour lui valoir une place aux côtés de Johnny, d’Eddy Mitchell et de Françoise Hardy dans la « photo du siècle », qui regroupe 46 stars de l’époque. Ça fait, il tourne son attention vers le marché italien, et sort une traduction de son album en 1967.

Puis, il ne sort pas de nouvelle musique jusqu’en 1972, avec un autre album intitulé Christophe. Cette fois, le grand tube est « Main dans la main », beaucoup trop sucré pour mes oreilles. Vous ne subirez de telles paroles que « Nous serons tous deux comme des amoureux, Nous serons si bien main dans la main » à mes mains, c’est certain.

Sur le même album se trouve aussi « Mal », sortie en 1971 en tant que single et qui a aussi connu un grand succès. C’est encore une autre chanson d’amour disparu : « Je me souviens, D’un prénom qui me fait mal, D’une robe, D’un soulier de premier bal ». Je me sens comme si je suis dans la présence d’un maître chanteur à minettes.

Mais il est sur le point de devenir tout autre chose. En 1973 sort l’album « Les paradis perdus », à ne pas confondre avec les pains perdus, complètement différent des premiers albums. Voici la piste éponyme :

C’est hallucinant d’écouter « Avec l’expression de mes sentiments distingués » fait avec des extraits de sa musique jusqu’à ce point, une piste qui cherche à mettre tout ça en vue arrière. Ce n’était pas un tube de l’album, mais j’aime très bien « Du pain et du laurier », une petite « tranche de la vie » qui n’a rien d’amoureux.

Son prochain album, « Les mots bleus », apparaît en 1974, avec des paroles presque entièrement à Jean-Michel Jarré, qui étonnera le monde avec Oxygène deux ans plus tard. C’est un peu d’un retour en arrière, avec plus d’amours perdus :

Il faudrait que je lui parle 
A tout prix 

Je lui dirai les mots bleus 
Les mots qu’on dit avec les yeux 
Parler me semble ridicule

Mais l’album n’est pas tout comme ça ; « Le Dernier des Bevilacqua » imagine un autre passé, où il a grandi en Italie. C’est très long, mais comme rien d’autre de son catalogue jusqu’à ce point. « Drôle de vie » est plus « Christophe à l’ancienne » quant aux contenus, mais la musique est beaucoup plus sombre que d’hab pour lui. Peut-être que j’aurai sa dernière phrase gravée sur ma pierre tombale : « Si j’ai raté ma sortie, C’est peut-être qu’après tout, je n’ai rien compris. »

1976 voit Samouraï, un album qui n’a pas cartonné. Il y a un hommage à John Lennon sur l’album, « Merci John d’être venu », mais je trouve l’album plutôt complaisant. Ah oui, il s’agissait d’un hommage à John Lennon !

1978 est l’occasion d’encore un autre album peu apprécié par le public, Le Beau Bizarre, mais les critiques l’adorent. Libération le classe parmi les 100 meilleurs albums de l’histoire de rock, en 89e place. Ce même classement met Rumours de Fleetwood Mac en 85e place et The No Comprendo en 52e ; pourtant, ce sont carrément parmi les 10 meilleurs. Qu’est-ce qu’il y a, Libé ? En tant que saxophoniste, je suis gravement déçu par le bas niveau de mon instrument sur la piste éponyme, ce qui gâche une chanson autrement intéressante. Nettoyez votre instrument, M. René Morisure !

En 1980, Christophe sort un album, Pas vu, pas pris, et ressort Aline en disque 45 tours. Le dernier se vend à plus d’un million de copies ; l’album passe sans remarque pour autant que je sache. C’est dommage — j’ai tellement bien aimé « Méchamment rock&roll » :

Nous allons finir avec son dernier grand succès, le single Succès fou, qui vend plus de 600 000 exemplaires en 1983. Wikipédia considère que la chanson « achève de le cataloguer comme chanteur pour midinettes ».

Je ne sais pas. La chanson en soi est très agréable, très années 80 avec sa boîte à rythmes. Et le saxophone est joué à haut niveau cette fois (je ne suis pas arrivé à trouver le nom du musicien). Mais c’est quoi le « succès fou » ?

Avec les filles j’ai un succès fou
Ouh…
Le charme, ça fait vraiment tout
Ouh…
Un p’tit clin d’œil pour un rendez-vous
Ouh…

Comme le chien d’Obélix, c’est son idéfix.

Après cette chanson, il sort quelques projets très personnels, et comme beaucoup d’artistes vers la fin de sa carrière, des albums en duo avec de plus jeunes artistes. Il y avait un dernier album original en 2016, Les vestiges du chaos, disque d’or à 60 000 exemplaires vendus, mais ce n’est pas le genre de chose qui rendait Christophe un immortel de la chanson française.

Que penser de Christophe ? Tout au long de cet article, je n’ai rien dit de ce que je pense de sa voix. Toujours très aiguë, plus il vieillissait, moins il réussissait à me convaincre. Je trouve qu’Aline est son meilleur travail, mais honnêtement, ça suffit pour assurer sa place dans le panthéon. Je l’aime le plus quand il tente des expériences au-delà de ses sujets habituels. J’envisage d’ajouter quelques pistes à ma collection, et si c’est surprenant qu’il ne s’agisse pas de ses tubes autre qu’Aline, ça montre qu’il y avait du talent de son côté, avec quelque chose pour tous.

Ma note : Je serais allé au concert si vous aviez une place de trop.

Pauvre Jean

J’écoutais Les Grosses Têtes hier, ou plutôt une rediffusion, car si j’ai bien compris, l’émission est en congés pendant tout août. Les intégrales sont toutes intitulées « le best of », et l’on dit ça aussi à la radio. (Est-ce que ces voix sont ce que l’on appelle une « speakerine » ?) L’important, c’est que RTL joue beaucoup beaucoup beaucoup plus de musique pendant l’émission que d’hab. Hier, il y avait un groupe américain, The Whispers. Bof. Si je voulais écouter de la musique en anglais… j’aurais aussi besoin d’une appli de radio sur Internet, car la moitié des stations chez moi sont hispanophones. Mais laisser tomber, même si ce n’est pas pourquoi j’écoute RTL. Il y avait une autre chanson qui a attiré mon attention, et si ce n’est pas un « Je découvre », peut-être qu’il y en aura un plus tard.

Jeanne Cherhal, Photo par Benjamin Bellamy, CC BY-SA 4.0

Il s’agit d’une nouveauté d’une chanteuse inconnue pour moi, Jeanne Cherhal. Sur son album, Jeanne, sorti plus tôt cette année, il y a une chanson d’amour intitulée « Jean ». D’abord, je dois le dire : quelle mignonnerie catastrophique, un couple de même prénom ! Le duo Paul et Paula a fait pareil avec « Hey, Paula » pendant les années 60 (il s’agissait de noms de scène pour les deux). De toute façon, elle n’est pas vraiment en couple avec un nommé Jean, mais écoutez :

Tout au début, et j’ai failli écraser ma voiture* en hurlant, « Non, mais sérieusement ! », elle chante :

Jean, j’en ai marre de rêver de vous

Jean, j’en ai marre de parler de vous

Jean, j’en peux plus de ne penser qu’à vous

*Pas vraiment, j’étais stationné.

En 5 ans d’étudier la langue, il ne m’est jamais une fois venu à l’esprit qu’il y a des calembours à faire avec « Jean » et « J’en ». Et maintenant, j’ai du mal à penser à autre chose. C’est exactement pareil aux calembours horribles pour « Justin » en anglais, qui peut aussi se lire comme les mots « Just in », le plus souvent pour « Just in time » (juste à temps) et « Just in case » (au cas où). J’ai cité une pâtissière française qui se surnomme « JustInCooking » pour le broyé du Poitou dans le livre, et elle est en fait une Justine, mais ouf : je croyais que j’avais échappé à cette blague ! Nope. Mes condoléances aux Jean ; je compatis.

(Si je rencontre la bonne Justine, merci d’oublier tout ça.)

Mais quant à Mme Cherhal, elle a une voix assez agréable. J’ai fini par écouter la moitié de son album sur YouTube. Mon plus haut compliment est que je peux facilement comprendre ce que l’on chante, et je pouvais évidemment la comprendre en écoutant RTL, sans avoir les paroles devant moi. Ça fait apparemment 6 ans depuis sa dernière apparition sur Taratata, mais si elle était assez bonne pour l’émission, c’est assez pour moi !