Ce week-end, je travaille dur pour me débarrasser des trucs inutiles. Ça ne fait pas partie de cette histoire. Mais pendant mes fouilles façon L’Appel d’Am-Heh dans mes cabinets, en plus de quelques artefacts diaboliques, dont la vidéo de mon mariage, j’ai enfin trouvé quelque chose que je veux vous partager depuis longtemps. Voici le livre de recettes de Piret’s, resto à San Diego fermé depuis environ 1991 :

Cette copie n’était pas originalement à moi. Je l’ai trouvé dans une librairie d’occasion il y a des années. Comme mon livre « À table avec Louis de Funès », il y une dédicace au-dedans. Trois dédicaces, en fait, dont une signée par les auteurs, George et Piret Munger.

Il me semble fort probable qu’en fait, l’un des deux l’a signé (en rouge), car toute la dédicace se ressemble — je doute qu’il ait été écrite par deux mains.
Alors, pourquoi partager ce livre ? Vous avez sûrement reconnu que le nom n’est pas français, mais les couleurs le sont assez. En fait, Piret, la femme du couple, était immigrante estonienne. Son mari, George, descendait d’immigrants anglais du XVIIe siècle. Mais ensemble, les deux ont ouvert une école de cuisine, « The Perfect Pan, » puis une chaîne de bistrots, tous appelés « Piret’s. » C’est chez eux où j’ai appris certaines de mes affections pour la cuisine française, ainsi que chez The French Goutmet et chez The Belgian Lion. Presque personne n’était ici quand j’ai raconté l’histoire des trois chefs qui m’ont rendu ce que je suis (les nombreuses erreurs ne sont pas à eux !). Le jeune moi ne le savait pas, mais Pascal Olhats, ma plus grande influence en tant qu’adulte, travaillait chez Piret’s. Il n’est pas mentionné du tout dans le livre, malgré le fait qu’il est sorti après son temps là-bas, alors bien que nous avions des connaissances mutuelles, je ne lui demanderais jamais des question sur le sujet.
Il faut que vous explique que la carte chez Piret’s était toujours « à la française », pas simplement française. D’abord, c’est parce que leur école avait de nombreux profs qui enseignaient des cuisines diverses. Mais c’était aussi un choix de s’adapter aux goûts californiens. Vous allez voir comment ils ont réussi ce but.
La toute première recette du livre est « spaghetti and meatballs » (des spaghettis aux boulettes de viande), une version fortement américaine. C’est un hommage aux origines de George Munger dans le Wisconsin, avec du piment en poudre et des biscuits dits « Saltines » :

Voici leur recette d’escargots. Il y a du beurre persillé, mais le tout est emballé dans de la pâte filo. Ils expliquent que c’était pour un client en particulier, un certain Tawfiq Khoury. Il était un promoteur immobilier très riche à San Diego à l’époque.


Un peu plus tard, on trouve leur recette de soupe à l’oignon. C’est à base de deux bouillons — moitié poulet, moitié bœuf. Je trouve ça inhabituel, mais ils disent que c’est selon la façon lyonnaise. J’ai mes doutes — beaucoup de recettes dites « lyonnaise » (voilà, voilà, voilà et voilà) utilisent soit juste de l’eau soit du bouillon de poule. En revanche, Jacques Pépin, Légionnaire d’Honneur, enseignait souvent chez les Munger, et il travaillait à Lyon au début de sa carrière. Je suis prêt à croire que c’est ça l’origine « lyonnaise ». N’oubliez pas, pour épater les clients américains, il suffit de mentionner un nom français. Vous sous-estimez votre prestige ici.


Malgré le fait que j’ai des souvenirs forts de mille-feuilles chez Piret’s, il y a très peu de desserts rigoureusement français dans ce livre. Voici leur sélection de tartes : au kiwi, aux pommes, rustique aux pommes, à la crème de citron, et à la ricotta et aux amandes. Il serait plus correct de dire que toutes sont élaborées avec des techniques françaises, mais qu’elles ne ressemblent pas trop aux tartes de Gaston Lenôtre.





Il y a au moins un Paris-Brest traditionnel :

Pour moi, Piret’s a disparu avant sa fin en 1991 ; leur adresse habituelle pour ma famille est fermée en 1988, si je me souviens bien. Mais dans une ville la plus connue (quant à la nourriture) pour être la maison de Jack-in-the-Box, une chaîne nationale de burgers qui aimerait être aussi bonne que McDo, Piret’s était une oasis de la culture et des standards élevés. Pour ça, je reste reconnaissant.
Très intéressant !
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Tant qu’il y a une recette de Paris-Brest traditionnel on est sauvés 🙂
Merci d’avoir partagé avec nous ces souvenirs.
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