Jean et moi

Ça fait longtemps depuis la fin du Dessin de la Semaine, où je parlais de mes dessins préférés dans le Canard enchaîné. Il y a probablement beaucoup d’entre vous qui ne savent pas que mes dessins préférés traitaient presque toujours d’un seul sujet : M. le Premier Ministre Castex. Revisitons brièvement le top sans les republier, parce que je ne veux pas de problèmes à nouveau avec la rédaction. Mais :

Mais si je suis honnête, il faut avouer quelque chose : l’homme n’a jamais rien dit de sorte. Il n’y a aucune véritable citation de M. Castex parmi ces dessins. Je vais expliquer à la fin pourquoi on revisite le sujet, mais parlons brièvement de pourquoi j’ai trouvé tout ça aussi drôle.

Comme vous devriez savoir à cause de tels personnages que Woody Allen, Jerry Lewis, ou bien Jerry Seinfeld, l’humour américain doit beaucoup à l’humour juif. Et c’est une idée de chez eux qui explique la situation.

Ils parlent de deux genres de personnage qui vont souvent ensemble. (Pour être clair, ces exemples n’épuisent pas le sujet; on sautera par-dessus de schmuck.) Wikipédia en français m’a agréablement surpris avec la qualité de leur explication :

Schlémil est un terme yiddish signifiant un bon à rien ou un idiot. Dans l’humour juif c’est un archétype bien connu et ce qu’on appelle les blagues de schlémil nous le montrent en train de tomber dans les situations les plus invraisemblables. Le schlemazel est un autre mot proche de la culture yiddish qui désigne une personne victime de malchance incessante.

Schlémil, citations omises

Un exemple souvent cité en anglais, c’est que le schlémil est la personne qui renverse sa soupe, et le schlemazel est la personne sur laquelle il la renverse.

Tirons des exemples concrets de Wikipedia en anglais. Woody Allen joue en général des schlémils — il y a toute une littérature académique sur la question de savoir s’ils évoluent ou pas. Aux États-Unis, on prend notre humour au sérieux. ([C’est ça le problème — le reste du monde]) Dans Seinfeld, Costanza était le schlémil et Seinfeld le schlemazel (Kramer était le schmuck, mais on ne va pas l’explorer). Larry David est schlémil dans Larry et son nombril. Je suis sûr que vous comprenez.

Alors, quoi dire quand les journalistes suivent tous la voiture de M. Castex en le croyant M. Macron ? C’est le « moment schlemazel » par excellence. Il n’a absolument rien fait ; c’était drôle complètement parce que l’on s’habituait à ce genre de chose chez lui.

« Mais Justin, » vous me dites, « le bon moment pour dire tout ça est passé avec l’arrivée de Mme Borne, n’est-ce pas ? Foutez-lui la paix ! » Ah, jusqu’à lundi, vous auriez eu raison. Puis cette nouvelle est arrivée, et je n’ai même pas perdu une seconde en exprimant mes espoirs au Canard :

Mais voilà, tout ce qui est paru dans le Canard hier :

J’ai dû exprimer ma déception :

Des minutes plus tard, j’ai reçu un message privé de la rédaction, venu du même compte où ils m’avaient demandé d’arrêter les dessins :

J’espère que vous ne vous méprendrez pas. Je ne veux que le meilleur pour vous, si seulement parce que je suis égoïste et veux que tout marche bien quand je suis là. Je ne veux pas voir un clown à l’Élysée juste pour avoir un Canard plus drôle ! (Et pour être clair, je ne crois pas qu’il soit clown, juste malchanceux.) Mais parmi les choses que j’admire la plus chez les Français, c’est que personne n’a peur d’exprimer de telles blagues sur les gens au pouvoir. Qu’il le mérite ou pas n’est même pas la question. Ce que je vois de loin est un pays plein de Système D qui sait mieux qu’à mettre ses espoirs sur le dos des hommes politiques, et ça permet de se moquer d’eux.

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Image mise en avant : Palais de l’Élysée, Photo par Leynadmar, CC BY-SA 4.0

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