Il y a trop de choses qui sont censées arriver mercredi cette semaine — Langue de Molière, l’anniversaire du blog, et C’est le 1er — alors encore une fois, je publie Langue de Molière à l’avance, afin de réduire les conflits. C’est le 1er sera plutôt le 2 ce mois.
Je lisais récemment un article par un écrivain québécois — Sébastien Berrouard, qui je suis sur Twitter ; il est excellent — sur le baseball, où il parlait de l’équipe de Milwaukee. En anglais, l’équipe s’appelle les Brewers. Voici ce qui m’a arrêté tout court :
Counsell est devenu gérant des Brasseurs le 4 mai 2015 et il a permis à sa formation d’établir un record de franchise en atteignant les séries éliminatoires quatre années de suite de 2018 à 2021.
Craig Counsell sera peut-être l’agent libre le plus convoité cet hiver
C’est moi qui ai souligné le nom. Brasseurs est bien la traduction exacte de Brewers, Milwaukee étant connue comme capitale de la bière bas de gamme aux États-Unis : Pabst, Miller, Schlitz (dernier lien en anglais), et d’autres trucs que je n’utiliserais même pas pour arroser les plantes. ([En fait, ça fait plus de deux ans qu’il n’achète que de l’alcool soit français soit belge. Mais il ne devrait acheter que de légumes crus. — M. Descarottes])
Mais si vous voulez rechercher l’équipe, est-ce que ça vous aidera de rechercher les « Brasseurs » ? Ou les « Brewers » ? Bien sûr, peut-être qu’une poignée d’articles en anglais ne vous aidera pas, mais il ne va pas vous aider d’être puriste et insister sur des noms traduits. Pour être clair, en ce cas, M. Berrouard utilise les deux noms — on trouvera son article en recherchant les Brewers. Mais ce n’est pas toujours le cas avec plein d’autres noms.
Vous voyez certainement où je vais avec cette pensée. Pour autant que je résiste les anglicismes pour les noms communs, je garde exactement l’avis opposé pour les noms propres — ne les traduisez jamais, ou au moins tant qu’il n’y a pas un problème d’alphabète. Mais honnêtement, s’il existe une règle pour ça en français, elle m’échappe. Voyons :
Chez les anglophones, les reines Elizabeth I et II d’Angleterre et de Grande-Bretagne deviennent Élisabeth Ière et Élisabeth II en français, et le roi William III d’Angleterre devient Guillaume III. Par contre, William Shakespeare n’est pas connu sous le nom Guillaume Shakespeare, le poète Hugh MacDiarmid n’est pas Hugues, et Michael Faraday n’est pas dit Michel. Ni George Washington ni les rois George ne deviennent Georges. Vous savez que George Sand avait choisi la forme féminine du nom en tant que nom de plume, non ?
(Aux États-Unis, il doit y avoir un milliard de plaques sur de vieux bâtiments qui se vantent que George Washington y a dormi, d’où mon titre. Le lien est en anglais, mais vaut vraiment la peine si vous pouvez le comprendre.)
Chez les allemands, les kaisers Wilhelm deviennent tous Guillaume, les Friedrich Frédéric, mais Johann von Goethe n’est pas Jean, et Albrecht Dürer n’est pas Albert.
Chez les italiens, Leonardo da Vinci devient Léonard de Vinci, Raffaello Sanzio est Raphaël, et Michelangelo est Michel-Ange ; pourtant leur prédécesseur Filippo Brunelleschi n’est pas Philippe, et leur contemporain Domenico Ghirlandaio n’est pas dit Dominique.
J’ai une théorie pour expliquer tout ça, mais seulement mes lecteurs d’origine italienne vont l’aimer (il y en a au moins 3). Si le français lambda aurait aimé soit revendiquer soit faire chier au personnage en question, on « francise » le nom ; sinon, on le laisse tranquille. C’est une clé qui s’adapte à toutes les serrures. Les Élisabeth sont admirables, et les kaisers seraient offensés. La France revendique Léonard car il y est mort, mais au-delà des amateurs de l’art, personne ne sait quand même qui sont Ghirlandaio et Brunelleschi. S’il vous semble que Shakespeare devrait être Guillaume selon ma théorie, on n’accepte pas de concurrence pour Molière ici, surtout en venant de l’anglais.
Même le nom de la France elle-même pose des questions. Tout le monde sait que France n’est rien d’autre qu’un surnom pour les Françoise (un excellent choix pour le nom du pays ; je vous félicite), mais chez les bretons, elles sont surnommées plutôt Soïzic. C’est à vous d’en tirer la conclusion.
Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler plus des Tortues Ninja, et non pas seulement Léonard et Michel-Ange.






























































