Archives mensuelles : février 2025

Apéro en bateau

Vous n’alliez jamais devenir où j’étais hier soir, alors je vous ai laissé un gros indice dans le gros-titre.

Oui, l’Orange County Accueil vient de lancer un événement pas comme les autres. Depuis des années, il y a un événement mensuel dit « Soirée nanas ». En janvier, on a lancé un pareil événement dit « Soirée mecs ». Je n’ai pas pu assister au premier événement parce que La Fille était à la maison, et vu que c’était jeudi, je devais être responsable et ne pas la renvoyer chez les grands-parents. (Le saviez-vous ? Je n’ai jamais embauché une baby-sitter. Même pas une fois.)

La Soirée nanas a lieu à chaque fois dans tel ou tel resto — il y a une vingtaine de personnes à chaque fois, vu les photos que l’on m’avait envoyées pour le diaporama. C’est probablement difficile à arranger autre chose pour tant de personnes. Mais la Soirée mecs n’a qu’une dizaine pour l’instant, alors on a fait quelque chose de plus aventureux. On a loué un bateau pour naviguer autour de la baie de Huntington Beach et partager un apéro en même temps.

C’est ici où je vous dis quelque chose qui semblera choquant, mais ne l’est vraiment pas quand on y réfléchit un peu. Je n’ai jamais assisté à un apéro de ma vie. Étonnant, non ? Mais si on considère que je n’avais jamais entendu le mot jusqu’en 2020, et nous étions tous un peu occupés cette année-là, ça fait vraiment seulement 4 ans de vie sociale inexistante, pas les 4 décennies attendues.

N’ayant pas la moindre idée de ce que l’on apporte à un apéro, et surtout quand on n’aura pas d’assiettes, j’ai décidé de faire quelque chose de facile à apporter n’importe où — les dizé milé de notre visite en Guyane. Les voilà, juste avant d’être mis dans un sac en plastique :

Une assiette de 12 dizé milé, des beignets fourrés de crème pâtissière au rhum, dont la pâte est parfumé de citron vert, muscade, amande amère et cannelle.

À mon avis, je n’ai pas assez apporté. D’autres gens ont apporté une boisson ainsi que quelque chose à manger. Mais personne ne m’en voulait.

On ne se connaissait pas tous, alors pendant la croisière, on s’est présentés, un par un. Je me sentais un peu mal à l’aise dès que l’on m’a dit « Mais tu ne parles vraiment pas français, c’est ça ? » L’accent me trahit encore une fois.

Je ne peux pas vous montrer des photos de la baie, parce qu’il faisait nuit, et c’était impossible d’en prendre de bonnes. Mais sachez que les maisons autour de la baie coûtaient entre 2 et 8 millions de dollars chacun. Il y a une raison pour laquelle j’ai surnommé Huntington Beach « Port-Feuille ».

Mais je dois partager avec vous un moment hilarant de la fin. L’organisateur m’a dit « Si tu as aimé cette soirée, il y a un bulletin que tu devrais lire pour prendre les nouvelles des événements à venir ! » Je lui ai répondu en riant, « Je sais, c’est moi l’écrivain ! » Il a dû y penser pendant un moment, puis m’a enfin dit, « J’aurais dû le savoir ! Tu ne ressembles pas trop à ta photo habillé comme ça ! (Je portais une chemise Polo au lieu d’un t-shirt.)

Est-ce que je reviendrai ? Oui, mais la prochaine fois, il me faudra être moins radin !

Le projet des cartes postales avance

Lundi, j’ai lu peut-être la pire nouvelle que j’ai vue en français. C’était le décès d’une fillette de 4 ans, Margot, qui habitait en Dordogne. Elle est née avec deux syndromes génétiques, dont le syndrome de dysostose mandibulo-faciale-microcéphalie (MFDM), ce qui l’a laissé sans oreilles ni conduits auditifs. C’est si rare que seulement environ 100 cas sont connus mondialement. Il y a tout un tas d’autres problèmes liés à cette maladie, mais selon ce dernier lien, cela seule ne doit pas signifier une si courte espérance de vie.

Malheureusement, Margot était aussi atteinte du syndrome Pierre Robin, ce qui veut dire des problèmes du menton et du palais. C’est trop pour une personne ! Il ne vous étonnera pas si je vous dis que j’avais le cœur brisé en lisant tout ça.

Les parents de Margot avaient créé une association à but non-lucratif afin de financer une chirurgie aux États-Unis pour lui donner des conduits auditifs et des oreilles externes, ainsi que des implants cochléaires. Je suis mal placé pour évaluer l’efficacité de l’intervention, mais une telle chirurgie en France ne s’adresserait qu’à l’aspect, selon tout ce que j’ai lu. Au moment de sa mort, ils avaient récolté 1/4 des fonds nécessaires.

Malheureusement — je sais, il y en a plus ? — cette histoire réunit deux choses qui me mettent en colère : des tragédies pour les enfants, et les brouteurs. Les parents de Margot ont dû poster un avertissement qu’il y a déjà de nombreux escrocs à son nom, qui essaient de récolter des fonds « pour les funérailles ». Ces animaux sous-humains méritent bien l’Enfer.

Mais les brouteurs m’ont fait faire une crise cardiaque pour la dernière fois. J’avais trouvé l’adresse postale de l’association, et j’allais faire deux choses. Vous pouvez voir, j’ai acheté une carte postale :

Photo d'une carte postale avec des scènes californiennes et le mot "California" en anglais

Évidemment, j’allais leur écrire. Mais je vous avais dit que je voulais créer une manière pour partager les campagnes de cartes postales, et je pensais à en faire de celle-ci ma première. Cependant, j’ai changé d’avis pour cette fois pour deux raisons.

D’abord, les parents n’ont pas publié l’adresse. C’est facile à trouver ces infos pour les associations légitimes — il y a des bases de données partout. Mais ce n’est pas à dire qu’ils voulaient être contactés par là. La deuxième raison, c’est qu’il y a un sens où c’est trop tard. J’imagine qu’une fille de 4 ans aurait adoré recevoir des cartes de partout, mais maintenant, peut-être qu’il semblerait que, tout comme mes ennemis les brouteurs, j’utilisais cette tragédie pour l’auto-promotion.

Cette fois, je ne vous demanderai de rien faire. Cependant, j’ai prise une autre décision. C’est le temps d’être prêt. Pendant ces 4 dernières années, je résistais à créer une page Facebook pour le blog, de peur que mon ex le trouve. Mais la raison pour ça a vraiment disparu une fois La Fille a commencé à suivre un cours de français. Ce serait le moyen le plus efficace pour partager non pas seulement mes articles, mais pour faire de la pub pour les campagnes de cartes postales. Voici un lien vers la page.

Capture d'écran de la nouvelle page Facebook du blog
Capture d’écran

Vous pouvez voir, c’est bien de moi. Tout post du blog et sur Instagram y sera partagé. Mais c’est en service à son vrai but — d’avoir une façon de partager des posts publics qui pourront être partagés de leur tour, sans être connectés à mon compte personnel. De cette façon, je pourrai aussi garantir deux autre choses : 1) des dates limites feront partie de chaque requête (afin que rien ne devienne légende urbaine), et 2) toute campagne publiée est sincèrement à but non-lucratif. Je ne chercherai, ni accepterai, que trois catégories de requête : 1) les enfants malades, 2) les écoles, et 3) les EHPADs.

Ce projet est dans la tête pendant longtemps pour moi. Je remercie les brouteurs pour m’avoir aidé à trouver la motivation pour agir.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Du Coke pour l’âne

Peut-être que certains d’entre vous se souviennent que ma plus grande fantasme, c’est d’aller manger dans un resto quelque part en France, commander un plat, et entendre le serveur me demander « Avec du Coca-Cola ? » Si ça arrive, je serai prêt — prenez-moi au sérieux quand je vous dis que je fais des répétitions à chaque fois, au cas où — à répondre « Hohoho, non ! With Beaujolais nouveau ! » On penserait qu’il m’aura fallu commander une entrecôte bordelaise, mais à mon avis, ce serait trop évident, surtout si je le prononce mal d’après de Funès dans le film, comme si je demandais au serveur de le faire.

Si vous me répondiez que vous auriez pensé plutôt que la fantasme était que je ne mange pas seul dans le resto, je ne peux dire que j’essaie d’avoir des fantasmes réalistes. Mais toute cette histoire de Coca-Cola, où comme ça se dit ailleurs, même si pas en français, Coke, je l’évoque pour une raison. Il y a des semaines, j’ai vu un graphique intéressant sur Facebook qui montre tous les sens différents du son du mot en français — et attention à l’orthographe !

6 sens différents de mots qui ont le son de "coke" ou "coq".
Source, ©️MaitressAdeline sur Facebook

Avant de continuer, je dois avouer que je ne peux plus boire de Coca-Cola, et ça me rend incroyablement triste. C’était mon soda préféré jusqu’en 2006, au moins à prix raisonnable (voici le vrai champion). Dès que mon docteur m’a dit d’arrêter, je l’ai abandonné — et quand je l’ai goûté à nouveau une décennie plus tard, j’avais complètement perdu mon goût pour le truc. Est-ce pour le mieux ? Mes docteurs diraient oui, mais je suis ennuyé de thé glacé sans sucre, et c’est tout ce que je bois depuis bientôt 20 ans.

Alors, pour commencer, il y a le coke dans le sens de charbon. Vous n’avez aucune raison pour la connaître à moins que vous travaillez dans le secteur de l’acier, où il s’utilise dans les hauts fourneaux.

Mais il y a aussi la coke dans le sens de la poudre blanche bien-aimée de banquiers et de rappeurs. Et, si on a lu ce blog soigneusement, de corses. Attention au genre ; les gendarmes s’intéressent trop à vos conversations si vous travaillez dans une aciérie et dit « Je viens d’acheter une tonne de coke » sans préciser que c’est au masculin. Il faut se souvenir que c’est un anglicisme tronqué de « cocaïne ».

On change d’orthographe et y trouve le célèbre coq français, ou plus précisément gaulois, roi de la basse-cour. C’est drôle de penser qu’il ne veut pas finir dans le vin bien que la France soit connue pour exactement ça.

Je ne sais pas si la prof qui a créé cette liste a triché avec le coque dans « staphylocoque », ce qu’elle dit veut dire « un type de micro-organisme ». Le français dit, tout comme l’anglais, que les bactéries de forme ronde s’appellent « cocci ». Pourtant, les bactéries eux-mêmes prennent « coque » comme suffixe. On a donc « staphylocoque », mais aussi « monocoque » et « diplocoque ». Il me semble que cette version de « coque » n’a pas sa propre existence, independent de tout autre mot.¡

Il n’y a rien à discuter quant à sa signification en cuisine. Là, coque veut dire un fruit de mer ou l’extérieur d’un macaron, à ne pas oublier ce que l’on ne casse pas (pendant la cuisson) pour faire des œufs à la coque. C’est ce sens, d’une structure rigide qui couvre d’autres choses, qui donne notre dernier sens, les coques en bois ou en acier trouvées sur les navires et les avions.

C’est assez pour me donner envie de me cacher dans une coqu…ille.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine au pays du Bulbizarre.

Ici et là

Quoi, un billet pot-pourri le lendemain de la balado ? Je sais, c’est très inhabituel, mais j’ai des trucs qui flottent dans la tête qui ne feraient pas de billets entiers en soi, mais que je ne veux pas laisser tomber. Alors :

Péla avait laissé un commentaire ici pour dire :

Pfff, moi, ça me déçoit, je veux vivre au pays des bisounours ! (Tu connais ?)

Source

Ah oui, les Bisounours. C’était l’une des premières expressions que j’ai apprises en 2020. Aux États-Unis, ils sont connus sous le nom de Care Bears (littéralement, les ours qui s’en soucient). On penserait que je les aurais ignorés, car à l’époque, l’Âge d’Or de la télé américaine, on avait Transformers, et GI Joe, et Robotech, et He-Man, ou comme vous le connaissez, Musclor. (Une traduction littérale de son nom en anglais serait Il-Homme. Pour une fois, vous avez raison de changer le nom.)

Photo de 3 Bisounours sur un char
Bisounours à la Fête des Roses à Brie-Comte-Robert, Photo par Cancelos, CC BY-SA 3.0

Alors, l’été 1985, deux films sont sortis en même temps : Les Maîtres de l’univers : Le Secret de l’épée et Les Bisounours, le film. Ma mère a amené mon frère et moi au ciné pour regarder le premier. Je dois vous dire, je l’aimais tellement. C’était le début de She-Ra, qui est franchement plus intéressante que Musclor (son frère dans le film), et lutte contre l’un des meilleurs méchants de tous les temps, Hordak. Mais je n’ai jamais vu la fin du film. Pourquoi ?

Je ne suis pas fier de ça — et ce n’était pas mon idée — mais 10-15 minutes avant la fin, ma mère nous a fait quitter la salle pour…aller regarder Les Bisounours. Je ne plaisante même pas. Oui, je sais, et je n’ai jamais sauté d’une salle à une autre avec La Fille pour regarder deux films de cette façon. Si c’était à moi, nous n’aurions jamais quitté Musclor et She-Ra pour ça. Mais c’est ça ma vie.

Sautons du coq à l’âne. Hier, j’ai fait une blague pourrie, puis dit :

(Je serai ici toute la semaine, goûtez le veau, comme on disait à New York après une telle blague. Je vous l’expliquerai demain.)

« Goûtez le veau » vient de l’un des deux traditions de vacances des new-yorkais. L’été, les riches passent leurs vacances dans les montagnes dites « Hamptons ». Les moins riches, et surtout les juifs, passaient leurs vacances dans les montagnes dites « Catskills ». Aux stations balnéaires des Catskills, il y avait souvent des salles énormes où 1 ou 2 0000 personnes dînaient en regardant tel ou tel humoriste sur scène. On parle largement des années 30 à 60, mais de tels noms que les Frères Marx, Mel Brooks, et Jerry Lewis y trouvaient leurs débuts.

L’humour des Catskills était « propre », mais souvent pourri. Voici un lien (en anglais) avec de nombreux exemples de blagues typiques. J’en traduirai une :

« Ça fait 49 ans que je suis amoureux de la même femme. Si jamais ma femme le découvre, elle me tuera ! »

De toute façon, quand une blague ne tombait pas, ces humoristes seraient accompagnés du célèbre son de la batterie et diraient de telles choses comme « Je serai ici toute la semaine » ou « Goûtez le veau » (n’oubliez pas que le public dînait pendant ces spectacles). Je n’ai pas de statistiques, mais il me semble que c’est la combinaison de ces deux est la plus souvent citée aux États-Unis.

Je vous ai dit dimanche « J’ai une amie qui ressemble exactement…à une [autre] femme…sauf pour avoir environ 25 ans de plus ». Je n’ai pas menti, exactement, parce que c’était une conjecture — on dirait même « guess » — sincere — mais il ne faut jamais me faire confiance en ce qui concerne les âges des gens. Je viens de découvrir qu’une connaissance sur Instagram n’a que 25 ans. J’en aurais deviné 35. C’est loin de la première fois où je me trompe autant.

Je pense, malheureusement, à quitter mon groupe de cinéphiles. Pas tout l’OCA, juste cette partie. En préparant le diaporama des 25 ans, j’ai remarqué que le sujet de La Boulette apparaissait dans plusieurs photos des événements où je n’étais pas là. Ça fait deux ans depuis la dernière fois où nous étions dans la même pièce en même temps. Je dirais toujours qu’envoyer une demande d’ajoute sur Facebook n’était pas un gros péché, mais ma réaction gênée après n’a pas aidé. Tout de même, c’était son groupe d’abord, et si je pose de si grands problèmes pour elle, c’est moi qui devrait partir, pas l’inverse.

Pour finir sur une note plus amusante, il y a des années, l’un des billets les plus hilarants du blog (à mon avis) se traitait des ingrédients hyper-exotiques exigés dans les livres des grands chefs, surtout Pierre Hermé. Ce week-end, M. Hermé a fait son tout pour me prouver correct. Dans ce post sur Instagram, il se vante d’une recette qui utilise le « pignon de cèdre sauvage de Sibérie ». Il s’avère que ce sont plus disponibles en Europe que chez moi — le prix le plus bas que je peux trouver ici, c’est 90 $/kg ! (Par rapport à 54 €/kg en France.) Aucun chocolat de Valrhona n’est si cher !

Capture d'écran du post de Pierre Hermé sur les pignons de cèdre.

Saison 3, Épisode 48 — L’opportunité ratée de Proust

L’année dernière, je n’étais pas sûr si la balado aurait une 3e saison. Avec le succès des Blagues de la Semaine, bien qu’il nous reste 1 mois avant la fin, je vous dirai maintenant que la balado continuera pour une 4e saison. Mais pour en voir une 5e, il faudra voir un autre succès.

Je viens d’apprendre une expression qui n’offre pas assez de matériel pour Langue de Molière, et est un sujet très sensible pour moi en plus. On dit apparemment « je suis à l’ouest » pour être fatigué et ne pas faire attention. Et moi, je suis à 9 000 km à l’ouest sauf environ une semaine par an. Très gentil de votre part de ne jamais la mentionner.

En repensant aux billets de la semaine, il me semble que si Proust vous avait raconté l’histoire de Mme Mance et le chien de mon père, elle aurait duré environ 10 pages, et le narrateur se serait posé la question de tomber amoureux de Mme Mance. Ou le chien, je ne sais plus. Le commentaire de la semaine appartient sans doute à Mme Ilékéleur pour son analyse très percutante de notre tranche hebdomadaire de la Recherche. (Il faut rajouter, dans un style qui est tout sauf proustien.)

Mon amie Mathilde raconte sur Instagram l’expérience d’être cambriolé à New York. Pour des œufs. Dans son « reel » Instagram, elle vous montre les étagères vides, où elle a trouvé la dernière boîte de la marque « Vital Farms » — ce qui coûte toujours environ 20 % de plus que les autres. Un truc d’œuf, je vous dis.

(Je serai ici toute la semaine, goûtez le veau, comme on disait à New York après une telle blague. Je vous l’expliquerai demain.)

Je parlais à un ami américain ce week-end à propos des événements de l’OCA. Il n’avait pas compris que mes plaintes sur la bise ne se traitaient pas juste de femmes célibataires. « Tu veux me dire que tu embrasses des femmes mariées ? Devant leurs époux ? » Vous n’avez aucune idée du vrai niveau de choc culturel que ça provoque. Mais le contexte de la conversation était encore plus écœurante. On en parlera.

Je viens de finir le dernier numéro du bulletin de l’OCA. Les contenus doivent rester privés comme d’habitude, mais les recettes ne sont rien d’autre que mon dîner oisien. Je voulais avoir quelque chose avec des carottes pour le lapin de Pâques, après tout. Wikipédia dit que c’est en fait un lièvre. La vérité, c’est que je ne sais pas quelle est la différence.

Notre blague traite d’un irlandais dans un bar. Nos articles sont :

Les gros-titres sont T-shirt, Anglicismes, et Miroirs. Les Bonnes Nouvelles traitent d’une association bretonne avec une mission pas comme les autres.

Sur le blog, il y a aussi Je veux croire, une plainte contre croire ce que l’on lit en ligne, La politesse revisitée, une réflexion sur les valeurs autres que l’argent, et Qu’est-ce qui s’est passé chez NRJ ?, où je sors d’un coma pour lire les nouvelles au mauvais moment.

Si vous aimez cette balado, abonnez-vous sur AppleGoogle PlayAmazonSpotify, ou encore Deezer. J’apprécie aussi les notes et les avis laissés sur ces sites. Et le saviez-vous ? Vous pouvez laisser des commentaires audio sur Spotify for Podcasters, qui abrite la balado. Bonne écoute !

Assiette de madeleines faites maison par Justin Busch

Dimanche avec Mme de Guermantes

On reprend « Du côté de chez Swann ».Cette fois, j’ai avancé de 45 pages.

La mère du narrateur lui dit qu’il est obsédé par Mme de Guermantes — un fait inconnu à ceux qui ont lu les 240 premières pages — alors il faudra assister au mariage de la fille du docteur du village, car elle sera là. Je dois vous demander cela sincèrement, car je n’ai aucune idée — était-il commun en France à l’époque d’aller aux mariages de n’importe qui ? Sans être invité ?

De toute façon, notre « héros » s’y rend, et décide qu’elle ressemble trop à Mme Sazerat, souvent mentionnée dans le texte sans jamais apparaître vraiment. J’espère pour la pauvre Sazerat que ça restera le cas ; sinon, il y aura tôt où tard des calomnies sur son caractère. Il se plaint :

cette dame en son principe générateur, en toutes ses molécules, n’était peut-être pas substantiellement la duchesse de Guermantes, mais que son corps, ignorant du nom qu’on lui appliquait, appartenait à un certain type féminin, qui comprenait aussi des femmes de médecins et de commerçants.

J’ai une amie qui ressemble exactement, dans tous les détails, à une femme qui travaille chez l’ancienne vétérinaire de M. Descarottes, sauf pour avoir environ 25 ans de plus, mais je ne dirais jamais que ça rebondit à défaveur de l’une ni l’autre.

Puis le rebondissement le plus prévisible du livre (à ce point) arrive. Puisqu’elle est une femme qu’il a mentionné pendant plus d’une phrase :

Et aussitôt je l’aimai, car s’il peut quelquefois suffire pour que nous aimions une femme qu’elle nous regarde avec mépris comme j’avais cru qu’avait fait Mlle Swann et que nous pensions qu’elle ne pourra jamais nous appartenir, quelquefois aussi il peut suffire qu’elle nous regarde avec bonté comme faisait Mme de Guermantes et que nous pensions qu’elle pourra nous appartenir. 

Mais qui suis-je pour critiquer ? Du côté de chez Justin, Véronique, Julie, Émilie et Anne-Élisa passent le bonjour à Mme de Guermantes. Au fait, pendant cet épisode, le narrateur a peur de « devoir renoncer à être jamais un écrivain célèbre. » Du sarcasme ?

Si j’ai bien compris, jusqu’à ce point le narrateur reste ado. Alors quand tout ça est suivi par :

Comme j’aurais donné tout cela pour pouvoir pleurer toute la nuit dans les bras de maman !

je dois vraiment me demander s’il a compris comment marchent les relations amoureuses qui arrivent encore et encore dans sa tête.

C’est ainsi — après quelques pages de souvenirs de promenades du côté des Guermantes — que l’on termine enfin la première partie du tome, « Combray ». Ici , on passe à la deuxième partie, « Un amour de Swann ». Et là, Proust commence par nous présenter la famille Verdurin, un docteur et sa femme.

Je note ici un changement aigu dans le langage. La traduction anglaise passe tout à coup à un style très informel par rapport à la première partie. Je ne sais pas si

le plus souvent leur peintre favori d’alors, « lâchait », comme disait M. Verdurin, « une grosse faribole qui faisait s’esclaffer tout le monde »

donne vraiment la même impression, mais la traduction de « grosse faribole », « a damned funny yarn », c’est choquant vu le langage fleuri des pages précédentes.

Les Verdurin me rappellent mon ex-belle-famille, ce qui n’est pas un compliment :

De même si un « fidèle » avait un ami, ou une « habituée » un flirt qui serait capable de le faire « lâcher » quelquefois, les Verdurin, qui ne s’effrayaient pas qu’une femme eût un amant pourvu qu’elle l’eût chez eux, l’aimât en eux, et ne le leur préférât pas, disaient : « Eh bien ! amenez-le votre ami. »

Eux aussi, ils avaient l’attitude de « Tu peux passer les fêtes avec ta famille, pourvu que vous êtes tous chez nous ». Si ce n’était pas assez, Proust dit de M Verdurin, « Il n’avait jamais d’avis qu’après sa femme ». Je connais trop cette famille.

De toute façon, Swann se retrouve invité chez les Verdurin en tant qu’intérêt d’une Mme de Crécy. Le narrateur le reproche ainsi :

Car le désir ou l’amour lui rendait alors un sentiment de vanité…qui lui faisait désirer de briller, aux yeux d’une inconnue dont il s’était épris…

On appelle ça la projection. Au moins le narrateur avoue que :

je commençai à m’intéresser à son caractère à cause des ressemblances qu’en de tout autres parties il offrait avec le mien.

Il y a plus sur la relation entre Odette de Crécy et Swann, ce qui est assez peu flatteur envers les deux. Mais c’est une dernière histoire chez les Verdurin qui finira ce numéro :

« Tu sais, avait dit Mme Verdurin à son mari, je crois que nous faisons fausse route quand par modestie nous déprécions ce que nous offrons au docteur…il ne connaît pas par lui-même la valeur des choses et il s’en rapporte à ce que nous lui en disons. »… l’an suivant, au lieu d’envoyer au docteur Cottard un rubis de trois mille francs en lui disant que c’était bien peu de chose, M. Verdurin acheta pour trois cents francs une pierre reconstituée.

J’écris ces billets peu à peu en lisant, alors j’avais écrit le tout ci-dessus avant de lire cette partie. Je dis ça, je dis rien.

Qu’est-ce qui s’est passé chez NRJ ?

Alors, il me semble qu’il faudra couper certaines expériences du livre du blog. Je suis plus qu’un peu gêné que je n’avais aucune idée de notre sujet du jour jusqu’à cette semaine.

Avant le début du blog, quand je comptais sur mes groupes de Facebook pour toutes mes infos, j’ai appris que Nicola Sirkis allait apparaître sur Manu dans le 6/10, à l’époque inconnu à moi. Si vous pensez que c’est bizarre que j’écoute Les Grosses Têtes le matin, une émission qui commence à 6h en France, c’est 21h chez moi. De toute façon, c’était grâce à cette interview que j’ai découvert Manu et NRJ.

Capture d'écran d'un post dans un groupe de fans d'Indochine où j'ai posé plusieurs questions sur l'interview de Nico par Manu.

Apres ça, j’ai commencé à écouter Manu tous les soirs vers minuit, et j’ai même posté une fantasme de faire un appel téléphonique à son émission :

Capture d'écran de Facebook où j'ai dit « Je me demande si Manu voudrait un appel des É-U !
»

J’avais trop peur de ne rien comprendre, alors j’ai laissé tomber cette idée. C’était dingue, penser à appeler une telle émission 5 mois après ma toute première leçon, n’est-ce pas ?

Peu après, j’ai découvert Cauet, car j’écoutais NRJ tous les jours. Et je ne vais pas mentir, je l’ai trouvé extrêmement drôle. Mais après avoir passé toute l’année 2021 avec NRJ, je n’en pouvais plus, car les deux émissions jouaient beaucoup de musique en anglais. J’ai donc demandé à des amis :

Post sur Facebook qui dit « Regardez ce que j'écoute sur le radio en ce moment. Mais il est interrompu par de la musique. Avez-vous des recommandations pour une chaîne sans musique ? Je veux écouter juste à des gens qui parlent. (Évidemment, elle doit être disponible sur Internet.) »

Des heures plus tard, je vous ai dit que j’étais tombé amoureux des Grosses Têtes, et ça reste le cas jusqu’à maintenant. J’ai toujours l’appli, mais j’ai laissé tomber NRJ « comme une patate chaude », comme on dirait en anglais. (Je suis sûr que vous avez l’idée, mais une expression plus idiomatique serait la bienvenue.) Je ne vais pas dire que ça fait 3 ans depuis la dernière fois où je l’ai écouté, car honnêtement, je ne m’en souviens pas du tout. Mais il y a des jours, il m’est venu dans l’esprit que ça fait très longtemps depuis la dernière fois où j’avais entendu parler de Cauet.

Puis-je dire « Que diable ? » Mis en examen en 2023 pour des viols contre une mineure entre 2014 et 2022 ? Pas surprenant qu’il n’est plus à la radio, mais comment est-il arrivé que le procès n’a pas déjà eu lieu ? On attend à quoi exactement ?

Je me suis donc dit, « Bon débarras, Cauet, mais sûrement tout va bien chez Manu ? » Euh, non. Toute l’équipe dont je me souviens est partie, et ils ont gagné des jugements contre lui pour du harcèlement moral. Je suis franchement étonné qu’il soit toujours à la radio, au moins sur la même chaîne. (J’ai lu sur Wikipédia que lui seul, il est responsable de la moitié des revenus publicitaires de NRJ. Or, il y a des limites, non ?)

Évidemment, le gérants ne savent pas ce qui font leur employés quand ils ne sont pas au travail. Difficile de dire que NRJ est responsable des plaintes portées contre Cauet. En même temps, quand il y avait autant de salopards que ça dans le même bureau, c’est aussi difficile de croire que c’était tout secret.

Je galère toujours avec certaines parties du livre. Mais cette partie n’est pas difficile. Je ne vais rien dire de bon sur deux tels types ! Ni sur NRJ non plus. Cependant, je secoue toujours la tête. Personne n’a rien vu, ne savait rien ? J’ai un autre anglicisme pour vous : Ouais, non. (On dit « Yeah, no. »)

Meurtres aux Grosses Têtes

C’était tout un mystère le matin avant-hier. D’habitude, je vérifie les commentaires et les statistiques dès que je me réveille, afin de savoir s’il me faut répondre à quelque chose, et si le billet du jour a été bien accueilli. Mais quelque chose de curieux est arrivé. Il y avait quelques douzaines de vues d’un vieux numéro de Langue de Molière, beaucoup plus que l’actuel. Et ça continuait à monter ! Il me fallait faire l’enquête.

Une volée de corbeaux, dite un «meurtre »
Meurtre de corbeaux, Photo par Mat Fascione, CC BY-SA 2.0

Alors, hier j’ai posté une question sur Facebook pour mes amis, avec une capture d’écran — « Y a-t-il une raison pour laquelle des centaines de Français recherchent l’expression « un meurtre de corbeaux » tout à coup ? » :

Capture d'écran des termes recherchés sur Google -- 4 versions différentes de la phrase "un meurtre de corbeaux"
Capture d’écran de Google Search Console

Un ami m’a répondu que c’était probablement lié au dernier épisode des Grosses Têtes. N’oubliez pas, j’ai 9 heures de retard sur la grande majorité d’entre vous (bonjour le lecteur ? lectrice ? en Irlande, qui a 8 heures d’avance sur moi — soyez le bienvenu à vous présenter dans les commentaires). Alors, je pense aux Grosses Têtes comme une émission matinale, car ça se diffuse de 6h30 à 9h chez moi, mais c’est en fait nocturne. On parle donc de l’épisode des Grosses Têtes diffusé le 19 février 2025.

En version intégrale, sans les pubs que j’aime tant — sincèrement ! (« Carrefour : on a tous droit au meilleur », « Intermarché : tous unis contre la vie chère ») — l’émission prend toujours environ 1h40. Je savais que je pouvais sauter les 3 premières minutes sans souci, mais après ça, il me fallait écouter soigneusement.

Heureusement, il y avait des récompenses. L’une des citations du début — vers 4:35 — c’était :

Qui a dit que « L’écriture ressemble à la prostitution — d’abord on écrit pour l’amour de la chose, puis pour quelques amis, et à la fin pour de l’argent ?

La réponse était Molière. Je remarque qu’il avait raison — j’ai commencé dans l’espoir d’amuser exactement une personne, maintenant j’ai vous tous, et j’espère publier un livre et gagner de l’argent de l’affaire.

À 1:08:42, on arrive enfin à la question. C’est simplement « Qu’est-ce que c’est qu’un meurtre de corbeaux ? » Quand personne ne l’a tout de suite, Laurent Ruquier ajoute que c’est comme « un parlement ou un charme ou une lamentation ». Oh, super, M. Ruquier, arrachez justement les 300 € à l’auditeur qui a posé la question, hein ? Mais ça nous amène à l’article ici, où je me suis lancé dans un discours sur les mauvaises traductions des titres de George R.R. Martin, à partir de meurtre de corbeaux. Là, j’avais aussi parlé d’un parlement de chouettes. Mais je ne connaissais pas le « charme » de pinsons.

J’aurais complètement raté ça si c’était une dictée. Je suis nul en ce qui concerne les espèces d’oiseaux même en anglais, alors je suis complètement sans espoir en français. Avec le mot « charme », j’ai cherché « charm » en anglais, et beaucoup de liens m’ont dit que c’était un group de « finches ». Mais c’est quoi un « finch » en français ? Le dictionnaire Oxford m’a donné « fringillidé », la famille de ces oiseaux, et pour les « goldfinches », « chardonneret ». Ni l’un ni l’autre somme même pas un peu comme mon meilleur, euh… guess pour ce qu’il disait, « passon ». Il n’y a pas de « passon » en français. Heureusement, juste avant publication, j’ai essayé Wiktionnaire pour l’anglais du français, et ça m’a donné « pinson ». Voilà. (Il y avait un célèbre joueur de baseball, Vada Pinson. Je ne savais pas que son nom de famille était français.)

Je note que quand j’ai recherché l’expression sur Google, j’étais le premier résultat (et j’utilise Google.fr pour ça). Mais Google me dit aussi qu’en moyenne, j’apparais entre la 3e et la 4e place :

Je regrette de vous dire qu’absolument personne ne s’est pas abonné en résultat de ça. Les contenus étaient prêts pour le moment où Laurent Ruquier a dirigé le pays entier vers chez moi, mais puisque je suis sûr que tout le monde utilisait des navigateurs portables, personne n’a vu le formulaire d’inscription. Je suis déçu.

Mais une dernière pépite pour vous amuser ? Juste avant ça, selon Google l’accueil était la page la deuxième plus populaire après l’article sur The Salingers. Et c’était quoi la requête qui amenait tout le monde à ma porte ? « Je suis prostituée par choix ». Je ne plaisante même pas.

Capture d'écran d'un rapport de Google avec « requêtes les plus fréquentes » par page. Pour l'accueil, ce sont « Duolingo offre » et « je suis prostituée par choix ».

Dites-donc, je n’aurais jamais écrit ça. C’est prostitué — attention au genre !

La politesse revisitée

Il y a des années, peu après ma première visite en France, j’ai écrit un billet pour exprimer à quel point le vouvoiement me manquait. Ainsi que d’autres choses : les caissiers qui ne criaient pas dans son dos, l’utilisation de « Monsieur » et « Madame » partout. J’ai des larmes aux yeux juste en y pensant. (Mes attentes ont vraiment baissé au cours de la dernière décennie.) Je ne savais pas ce que j’allais écrire ce soir jusqu’à l’arrivée d’un courriel inattendu, qui va très bien avec autre chose qui est arrivée hier. La politesse a tout à coup repris sa place.

Alors, le courriel. On est presque mars, et ça veut dire que c’est presque le temps pour sortir le prochain bulletin de l’OCA, ce qui arrive tous les deux mois. (Je dois toujours choisir les recettes !) Plus la date limite s’approche, plus je reçois des courriels avec des mises à jour. Rien de choquant, là. À chaque fois où je reçois un tel courriel, je réponds avec un remerciement, et je les signe tous « À bientôt, Justin ». Parfois, si c’est à quelqu’un de plus proche, j’écris plutôt « À+ », mais vous avez l’idée.

J’étais donc choqué à recevoir un courriel ce soir juste pour me dire « Désolé que je ne t’ai pas salué ». Euh, quoi ? Non, QUOI ?

NON, MAIS SÉRIEUSEMENT, QU’EST-CE QUI SE PASSE ?

Je ne sais même pas comment je le vérifierais, mais je crois que personne ne m’a jamais envoyé un courriel pour s’excuser. Jamais de la vie. (Je ne compte pas les courriels des services aux clients qui doivent faire ça, je veux dire juste ceux qui sont soit des connaissances soit des collègues.) Mais pour une si petite chose ? Honnêtement, très peu de monde se soucient des salutations dans de telles situations en anglais — il ne me serait jamais venu dans l’esprit que son premier courriel n’allait pas !

Pour ma part, je me souviens d’un bon nombre de courriels que j’ai écrits au cours de ma vie pour ce but, mais je suis un cinglé. Et dans la culture américaine, je dirais que ça donne l’impression que l’on a bel et bien mal rangé le bordel. Responsabilité pour son comportement, c’est pour les autres !

Passons à l’autre chose. J’ai récemment commencé à suivre un compte sur Instagram, les_states_et_moi, géré par quelqu’une qui a une boutique de même nom qui vend des accessoires de voyage. Elle a partagé des photos d’un arrêt tout inconnu à moi, pas loin de Las Vegas :

Mon excuse, c’est que l’endroit n’est pas le long des autoroutes que j’utilise pour y aller. On a échangé des commentaires :

Capture d'écran d'une conversation sur Insta :
Elle : « Vous vivez aux USA ou en France ? »
Moi : « Je suis californien de naissance et y reste. »
Elle : Des emojis avec les yeux énormes.

J’ai partagé ça sur Facebook avec le commentaire « J’ai parfois l’impression qu’il serait super si je pouvais échanger de place avec certains. » À ça, deux amis ont répondu que si je devais vivre en France avec un salaire français, je changerais rapidement d’avis. Je suis au courant que tout me semblerait plus cher là si je ne me suis pas déjà habitué aux prix californiens. Mais pour autant que je les adorent, ils se trompent. Ça nous amène à quelque chose que je veux dire depuis le début.

Connaissez-vous la théorie économique de la perte sèche ? Il y a plusieurs versions, mais quant aux impôts, l’idée est simplement que dans un marché il y a les courbes de demande et d’offre, et si rien n’interpelle les échanges, le point où les courbes croisent est l’équilibre, avec un maximum d’échanges. Si on fixe un prix — ou également, si des impôts s’imposent — le volume d’échanges sera moins que ce maximum théorique. Cette perte d’échanges est la perte sèche, et ça baisse la richesse d’une société.

Graphique de courbes de demande et d'offre avec des lignes qui montrent les changements dûs à fixer certains points.
Exemple de perte sèche, Image par Valmat, CC BY-SA 3.0

Les impôts en France sont plus hauts que ceux de chez moi. Je le sais, et c’est de ça que parlent mes amis. Mais ce dont je rends compte depuis longtemps maintenant, c’est qu’il y a d’autres biens dans la vie, et tant que l’on est libre de choisir entre ces biens, il n’y a pas trop pour s’en plaindre. L’Europe a en général choisi de vivre à un point différent sur ce graphique que les États-Unis. Cependant, les valeurs et la culture qui vont avec ce choix sont différentes aussi. Je ne ferais jamais le même choix si on parlait de l’Allemagne ni les Pays-Bas (je n’ai pas de dent contre ce dernier). Mais pour une culture où on offre ses excuses pour une salutation, et dit madame et monsieur ? Et mange des macarons en plus ?

Je l’assume.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Devinez quoi ?

Cette semaine, Langue de Molière part d’une question que La Fille m’a récemment posé. Elle voulait savoir… bon, vous allez voir que le problème, c’est que même moi, je suis pas sûr de comment exprimer ce qu’elle veut dire.

Je sais que quelqu’un venu de France comprend le problème en question. Il y a plus de 40 ans, un marseillais nommé Georges Marciano a déménagé aux États-Unis, où il a ouvert un magasin de couture, MGA. Mais il a rapidement changé d’avis, et l’a renommé « Guess ». Son entrée Wikipédia l’explique :

Alors qu’il ne parlait pas un mot d’anglais, il observe un panneau publicitaire « Guess where’s the best Hamburger ? Big Boy » et décide de renommer la compagnie « Guess ». « Guess, je ne savais même pas ce que ça voulait dire, mais je trouvais que ça se disait bien dans toutes les langues »

J’ai vu les t-shirts partout en grandissant, avec le point d’interrogation au-dessous du nom Guess en grosses lettres comme ça :

La chanteuse Lesha portant un t-shirt Guess, dont les lettres sont toutes en majuscule dans un triangle inverti, avec un point d'interrogation qui occupe la moitié du triangle en bas
La chanteuse Lesha portant un t-shirt Guess, Photo par litrec, CC BY-SA 4.0

Big Boy était anciennement une chaîne de restos rapides californienne, de meilleure qualité que McDo (et avec des serveurs), et dont il en reste quelques-uns dans le Midwest. Mais ce n’est pas notre sujet. C’est le mot « Guess ». Dans la pub qu’il avait vu, le sens de la question est « Devine où se trouve le meilleur hamburger ? » (rappelez qu’il n’y a pas de vous en anglais américain, seulement tu). Mais le mot « guess » est autant nom que verbe en anglais, et c’est ici où se trouve le problème.

Naturellement, ma première réponse est toujours de vérifier mon dictionnaire bilingue. Ça donne deux choix, supposition et conjecture :

Capture d'écran de l'entrée pour "guess" dans le dictionnaire Oxford

On penserait donc que c’est la fin de l’affaire. Mais je note quelque chose de curieux dans le reste de l’entrée. TOUS les exemples qui traduisent « guess » en tant que nom en anglais le remplacent par un verbe en français. Ça me donne l’impression depuis longtemps — car j’ai eu la même question avant — que on veut vraiment éviter un nom pour exprimer l’idée venant d’anglais. Voyons :

Capture d'écran de plus de l'entrée pour "guess" dans le dictionnaire Oxford

Les deux premiers exemples sont les plus importants pour notre but, car ils expriment exactement ce qui nous manque. Si on considère que « guess » veut dire « la chose rendue en devinant », on pourrait traduire « take a guess » par « faire la chose rendue en devinant ». Mais le dictionnaire Oxford donne plutôt « essayer de deviner », évitant tout court un n. Ailleurs, le dictionnaire donne « à mon avis » pour mon « guess » et « au hasard je dirais », les deux n’appuyant vraiment pas sur la même idée.

Il y a d’autres exemples :

Capture d'écran de plus de l'entrée pour "guess" dans le dictionnaire Oxford

« I’ll give you three guesses » se traduit comme « devine un peu », selon le dictionnaire, mais l’anglais là veut vraiment dire « devine 3 fois », ou plus précisément, rendre 3 des choses pour lesquelles on n’a pas de nom. Pour « good guess », un bon « guess », il donne « tu as deviné juste » — encore une fois, la transformation du nom en verbe. Et celui qui m’énerve le plus est sûrement l’exemple de « your guess is as good as mine ». Le dictionnaire donne « Je n’en sais pas plus que toi », une traduction qui ne remplace pas seulement le verbe deviner par savoir, mais cache le nom derrière « en ». C’est une blague pourrie, Oxford !

Sans copier les entrées de « supposition » ou « conjecture » ici, il suffit de dire que les significations données pour ces mots dans l’autre sens sont exactement celles qu’elles ont en anglais, et « guess » n’apparaît pas.

Ici, c’est donc à vous le public. Je crois que l’idée est suffisamment claire. Et peut-être que le français évite vraiment ce mot en tant que nom. Mais La Fille et moi, nous avons du mal à croire que cette idée est aussi impossible à traduire que ça. Vos suggestions sont les bienvenues.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de l’obsession américaine, Coke.