Archives mensuelles : mars 2025

Saison 4, Épisode 2 — 5 Ans de Français

Ce week-end, La Fille et moi étions au ciné pour le meilleur film américain qui sortira cette année : Daffy et Porky sauvent le monde. C’était sincèrement drôle, n’avait rien de politique, et respectait absolument l’histoire de Looney Tunes. C’est également bien accueilli par les critiques et le public américain. Naturellement, Warner Bros. a donc décidé de se débarrasser de ses dessins animés et détruire le bâtiment où ils ont été produits (lien en anglais).

La Fille continue de jouer à Pikmin en français, et m’a donné ces photos pour partager :

Pensez-vous qu’ils ont appris tout ça dans son cours de première année ? Hahaha, non, et je dois lui expliquer beaucoup de choses, mais c’est comme ça qu’elle continuera de réussir.

Tous les billets habituels seront reportés d’un jour cette semaine, sauf Dimanche avec Marcel. Pourtant, je ne raterai pas un jour.

Il me semble que beaucoup de monde ont mal compris le but de mon post pour le cinquième anniversaire. J’ai plein de sujets que j’ai planifié après le Tour ; on n’a guère commencé à explorer tout ça à cause du livre. C’est une question plus existentielle — le plaisir de savoir était sa propre récompense pendant un certain temps, mais je me sens plus loin que jamais de mon but ultime, déménager en France. Et je me sens comme si j’ai atteint les limites de ce que je peux faire avec les expatriés ici. Il doit y avoir une raison pour faire tant d’efforts ; le livre reste cette raison pour l’instant, mais après, c’est quoi ?

J’ai une nouvelle hilarante à cet égard. Si vous avez lu ce commentaire, vous savez ce qui est vraiment arrivé pour gâcher les vacances de La Fille. Il se passe que j’aurai mon nouveau passeport mercredi, à peine deux semaines avoir rempli le formulaire. C’est beaucoup moins que les 6 semaines d’attentes promises ! Mais en plus — il à été envoyé de la même ville américaine ou La Fille et sa mère sont allées après l’annulation de leur visite à Marseille.

J’ai encore une fois 9 heures de retard sur la France. J’aimerais tellement que l’on soit dans le même fuseau horaire, mais les deux semaines de 8 heures de différence me manquent déjà.

Je n’explique jamais les blagues, mais sachez que le nom de la ville mentionnée cette semaine s’écrit Natchtoches. Elle existe vraiment en Louisiane.

Notre blague traite d’une aire d’autoroute. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Docteur, Aladin et Rachel Zegler. Il n’y a pas de Bonnes Nouvelles cette semaine pour manque de temps.

Sur le blog, il y a aussi Deux pralinés maison, où je teste deux recettes pour le livre, Je découvre Julien Clerc, la dernière entrée du Projet 30 Ans de Taratata, et Un cinquième jour dans notre vie, des réflexions après 5 ans d’étudier le français.

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Assiette de madeleines faites maison par Justin Busch

Dimanche avec la princesse des Laumes

On reprend Du côté de chez Swann. Cette fois, j’ai avancé de 40 pages — on est maintenant à 100 pages de la fin.

Je n’aime pas interrompre Swann quand il est en train de se plaindre dans sa tête, mais parlez pour vous-même, mon brave :

Swann retrouva rapidement le sentiment de la laideur masculine, quand, au delà de la tenture de tapisserie, au spectacle des domestiques succéda celui des invités.

Et pour info, c’est son avis en regardant deux hommes « alors qu’ils avaient été longtemps pour lui les amis utiles ». Je n’aimerais pas entrer dans la tête de certaines afin de connaître leurs pensées à cet égard, mais quel ami, celui-ci.

Il suit des observations sur les monocles portés par tel ou tel homme, ce qui m’amène à en conclure que Swann est en fait à une convention d’imitateurs du Pingouin. Mais ne vous inquiétez pas ; l’événement se révèle enfin un récital de flûte, auquel assistent un bon nombre d’aristocrates. Parmi ses rangs on trouve des marquises et des vicomtesses, mais aussi l’insupportable princesse des Laumes :

Pour montrer qu’elle ne cherchait pas à faire sentir dans un salon, où elle ne venait que par condescendance, la supériorité de son rang, elle était entrée en effaçant les épaules

Elle me rappelle quelqu’une. Et ce n’est pas juste mon avis :

Cependant Mme de  Gallardon était en train de se dire qu’il était fâcheux qu’elle n’eût que bien rarement l’occasion de rencontrer la princesse des Laumes, car elle souhaitait lui donner une leçon en ne répondant pas à son salut.

Comme je comprends ! Il y a une ancienne copine de classe de mon lycée qui, si jamais je la revoyais dans la vie, je lui jetterais un verre d’eau en plein visage, en récompense d’une insulte jamais oubliée. (Je n’ai jamais fait ça à personne, mais celle-ci m’a humilié de façon aussi choquante que pas méritée.) Proust se montre au moins efficace en évoquant des souvenirs, non ?

Mais Proust a un rôle pour Mesdames de Gallardon et des Laumes, une conversation qui recadre Swann après 470 pages :

Gallardon : Tiens, tu as vu ton ami M. Swann ?

Laumes : Mais non, cet amour de Charles, je ne savais pas qu’il fût là, je vais tâcher qu’il me voie.

Gallardon : C’est drôle qu’il aille même chez la mère Saint-Euverte… Oh ! je sais qu’il est intelligent… mais cela ne fait rien, un Juif chez la sœur et la belle-sœur de deux archevêques !

Laumes : J’avoue à ma honte que je n’en suis pas choquée.

Gallardon : Je sais qu’il est converti, et même déjà ses parents et ses grands-parents. Mais on dit que les convertis restent plus attachés à leur religion que les autres, que c’est une frime, est-ce vrai ?

Ici, j’ai triché, et fait des recherches sur Google. Il s’avère que Proust va aborder plus tard l’affaire Dreyfus. Mais dans ce contexte, j’aurais cru Mme Gallardon très à l’aise en Espagne de 1492, ou juste à travers la frontière allemande une décennie après la mort de Proust.

Cependant, je me permettrai une digression. Il se passe que pendant des décennies, le sujet des conversions de certaines intellectuels britanniques du protestantisme (ou rien) au catholicisme pendant le XIXe siècle — Chesterton, le cardinal John Henry Newman, plus tard C.S. Lewis — est une passion pour moi. De tout ce que j’ai lu à cet égard, je trouve cette remarque mal informée. Mais peut-être que Proust veut suggérer autre chose, que Swann ne peut pas échapper à ses racines. Le contexte jusqu’à maintenant ne permet pas d’en tirer une conclusion.

On reprend vite la méchanceté de la princesse :

Mais la princesse voyant que M. de Froberville continuait à regarder Mme de Cambremer, ajouta moitié par méchanceté pour celle-ci, moitié par amabilité pour le général : « Pas agréable… pour son mari ! je regrette de ne pas la connaître puisqu’elle vous tient à cœur, je vous aurais présenté », dit la princesse qui probablement n’en aurait rien fait si elle avait connu la jeune femme. 

Elle partage une blague avec Swann sur Mme de Cambremer qui n’a aucun sens en traduction anglaise, mais dont je ne comprends rien en français non plus :

Enfin ces Cambremer ont un nom bien étonnant. Il finit juste à temps, mais il finit mal ! dit-elle en riant.

Il ne commence pas mieux, répondit Swann.

En effet cette double abréviation !…

C’est quelqu’un de très en colère et de très convenable qui n’a pas osé aller jusqu’au bout du premier mot.

Mais puisqu’il ne devait pas pouvoir s’empêcher de commencer le second, il aurait mieux fait d’achever le premier pour en finir une bonne fois. 

Ha… ha ? Je suis perdu.

On finit sur une autre douzaine de pages où Swann pense à Odette, et ici, il me semble que l’on a sauté dans les temps, car Proust nous dit que c’est en fait plusieurs ans depuis la rupture avec les Verdurin. Je crois que l’on aura le mariage la semaine prochaine — n’oubliez pas que dans la première partie du livre, Swann est déjà marié à Odette — mais au moins on a passé un moment en parlant de quelque chose d’autre. Même si c’était la princesse Pénible !

Un cinquième jour dans notre vie

C’est le 29 mars, ce que je considère mon « anniversaire français », parce que c’était la date de ma première leçon en 2020 (2021, 2022, 2023, 2024). À chaque fois, c’est le temps où je considère à quel point je suis évolué depuis le début, et parfois l’occasion d’annoncer un nouveau projet. En 2021, c’était ma chaîne YouTube (pas souvent utilisée), et en 2022, c’était le début de la balado. Il n’y a vraiment plus rien à annoncer à cet égard — pas de nouvelles étapes à franchir, sauf peut-être un niveau C2 dans un avenir lointain. Le grand projet du livre est en processus, et je commence à vraiment croire qu’il sera un produit de qualité. Mais c’est aussi dans l’avenir, si plus proche.

Pourtant, il y avait quelque chose de nouveau à fêter juste hier. Pour la première fois, La Fille est allée avec moi à une soirée de l’OCA. Je ne veux pas dire que c’était planifié — on a eu un échange de garde à la dernière minute, et la hôtesse m’a dit qu’elle serait la bienvenue. Je ne veux pas exagérer ce qu’elle a fait là — elle a observé plutôt que joué — mais elle a fait une bonne impression et j’espère que ce ne sera que le début. (D’autre part, c’est un groupe bien plus vieux qu’elle — je suis soit le plus jeune soit le deuxième, et je ne demanderais jamais à la personne que je crois est plus jeune que moi, au cas où j’aurais tort.)

Naturellement, j’ai apporté mon pot-de-vin habituel pour assurer que tout irait bien :

Photo d'un Paris-Brest fait maison

Ça fait partie d’une expérience pour le livre. J’ai fait ça avec le praliné de Laurène Lefevre ; la semaine prochaine, j’en ferai un autre avec l’autre praliné, et le meilleur accueilli sera la version finale dans le livre. J’ai assez de temps pour ça.

Mais je dois vous dire — et je sais que les rétrospectives deviennent de plus en plus mélancoliques — même si je n’épuiserai jamais mes sujets, le manque de nouveaux buts au-delà du livre m’inquiète. Je pourrais toujours faire la connaissance du futur antérieur et le subjonctif plus-que-parfait, mais bien que je les trouve dans Proust, ça ne me semble pas un bon investissement de temps. Je lirai les deux tomes de Molière que j’ai reçus l’année dernière, mais « lire plus de livres » n’est pas différent.

Honnêtement, tout le monde sait qu’il ne me reste qu’un but, et je dois patienter jusqu’en 2029 pour même avoir l’opportunité. De plus en plus, je me demande si ce sera quand même trop tard. C’est le grand problème de ce blog, et de toute cette aventure, depuis le début — j’ai tout commencé sans but particulier. Je disais anciennement que sans boulot ni relation en jeu, il n’y avait aucun risque que j’arrête à cause d’une perte inattendue. Mais je n’ai jamais trouvé une réponse à l’autre question : et si vous réussissiez ?

La raison pour laquelle je retourne à chaque fois au même thème, c’est qu’en un jour — une leçon pas prévue, par exemple — tout peut changer. Après le livre, qu’est-ce qui sera mon but avec toutes ces activités ? Cette année, il me semble qu’il faudra trouver la bonne réponse.

Je découvre Julien Clerc

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec le prochain numéro sur scène, Julien Clerc avec Sandrine Kiberlain, Marie-Flore et Suzane, tous inconnus à moi avant le spectacle. Ils ont joué une chanson de Charles Aznavour, « For Me Formidable », suivi par le plus grand tube de la carrière de M. Clerc. J’écrirai sur les quatre, puis M. Aznavour. Mais je vous dirai tout d’abord que j’ai trouvé ces 8 minutes parmi les plus émouvantes de la nuit entière. Pas pour la première fois depuis le début de ce projet, je dis que quand 40 000 Français se montrent d’accord, je fais attention.

Photo du jeune Julien Clerc en 1976
Julien Clerc en 1976, Photo par Fotopersbureau De Boer, Domaine public

Commençons avec Julien Clerc, clairement la star de cette partie. Sa carrière étend de 1968 jusqu’aujourd’hui, et comprend 27 albums studio ainsi que 13 albums live. C’est trop pour mon format ; j’essaie de couvrir les points forts, mais c’est à vous de me dire s’il y a des erreurs hurlantes. Au-delà de sa relation avec l’actrice Miou-Miou, inévitable pour son effet sur sa carrière, je vais largement sauter sa vie personnelle. Vous avez certainement eu mon avis sur des situations pareilles.

Paul-Alain Leclerc est né en 1947 à Paris, dans une famille tragiquement comme celle de La Fille — ses parents ont divorcé 1 an et demi après sa naissance. Wikipédia note qu’il reçoit un prénom composé « son père souhaitant l’appeler Paul et sa mère Alain ». J’avais proposé Marie-Skywalker pour La Fille, et quelques mois plus tard, tout est parti en vrille, alors je comprends le lien. Il apprend le piano à partir de ses 6 ans, et plus tard prend la décision incompréhensible d’étudier l’anglais à la Sorbonne. Heureusement pour lui, c’est là où il rencontre Étienne Roda-Gil, qui écrira ses paroles entre 1968 et 1990. Et c’est en 1968 où il fait son début sous le nom Julien avec le disque « La Cavalerie », d’abord un single, et plus tard partie de son premier album, éponyme.

Ça pue la fin des années 60 ; faites la comparaison avec « Spinning Wheel » de la même année. Le son est identique, même si les mélodies, langues et paroles ne le sont pas. Avec son succès, il quitte la fac pour une carrière musicale.

Son deuxième album, Des jours entiers à t’aimer, contient la chanson la plus scandaleuse de l’histoire de la chanson française, à partir de son titre honteux, « La Californie » :

On sait qu’il n’avait jamais mis les pieds dans cet état à l’époque, car les paroles parlent de nos « palétuviers », une espèce qui ne pousse pas ici du tout. (Basse-Californie, au Mexique, c’est autre chose. Mais pas dans ma prison.)

Mais la Californie
Est si près d’ici
Qu’en fermant les yeux
Tu pourrais la voir
Du fond de ton lit

Paroles de La Californie

Je le pardonne après tout. Je la vois en ouvrant les yeux. Il était tout perplexe, c’est tout.

Les 5 prochaines années voient autant d’albums, à partir de Niagara et son tube Ce n’est rien, qui vend 200 000 exemplaires en tant que single :

J’adore cette chanson, et j’ai l’impression que les recherches pour ce billet n’est pas notre première rencontre. En revanche, je n’ai aucune idée d’où je l’aurais entendue. (Pas en voiture en France ; la radio était éteinte tout le temps pour les dormeurs.) C’est enfin un départ stylistique des deux premiers albums. « Si on chantait », le grand tube de son prochain album, en revanche, me donne l’impression qu’il écoutait trop Herb Alpert. Son cinquième album, Julien, prend plus de risques, comme Ça fait pleurer le bon Dieu, mais montre aussi qu’il connaît le marché — Poissons morts me rappelle Three Dog Night, mais plus vite. Beaucoup de cette période sent les États-Unis.

Puis, il sort « Terre de France », avec une chanson délicieusement française, qui n’aurait jamais connu les classements américains, pas avec cet accordéon — mais je l’adore — Danse s’y :

La chanson éponyme vaut la peine aussi.

Son septième album, dit Numéro 7, voit une chanson pour supplier de revenir à France Gall, qui l’avait quittée, Souffrir pour toi n’est pas souffrir. Beurk, cette chanson pue le jeune moi et ses sentiments guimauves. Mieux vaut écouter « This Melody« , qui semble tirer un peu son inspiration de « Your Song » d’Elton John, mais sonne complètement différent.

On saute à son neuvième album, Jaloux, avec sans doute le plus grand tube de sa carrière, Ma préférence. J’étais bouche bée à voir la réaction de la foule pendant Taratata — 40 000 personnes ont chanté avec lui comme personne d’autre cette nuit-là. Je pensais même à l’enregistrer moi-même pour YouTube. Même après avoir lu l’histoire entre lui et Miou-Miou — et mon attitude vers l’infidélité est bien exprimée sur ce blog — je dois avouer que c’est une réussite de premier ordre. Mais je suis la mauvaise personne pour exprimer ces sentiments.

Son dixième album en 1980, Quand je joue, est le final de sa collaboration avec M. Roda-Gil (qui n’a pas écrit Ma préférence). C’est une disque d’or, mais ne se vend pas comme Jaloux ; la même chose arrive pour Sans entracte cette même année.

C’est son deuxième album qui voit un retour aux hauteurs de Jaloux ; Femmes, Indiscrétion, Blasphème devient platine sur le succès de « Lili voulait aller danser », Little Richard mis à jour pour les années 80s :

Son prochain disque, Aime-moi, est aussi certifié platine en 1984, ainsi que sa suite, Les aventures à l’eau en 1987, et sa suite, Fais-moi une place en 1990. La chanson éponyme est écrite pour lui par Françoise Hardy, un effort de revenir dans la chanson française.

Julien Clerc réunit avec Étienne Roda-Gil en 1992 pour l’album Utile, encore une fois platine. Dois-je vous dire ce qui arrive pour Julien en 1997 ? Ouaip, platine. Mais je les trouve plutôt fades par rapport à ses premiers albums. Il y aura, cependant, un autre numéro 1 aux classements pour lui, Si j’étais elle, écrit à moitié par… Carla Bruni ? Je ne sais pas. La chanson éponyme est agréable, mais pas plus à mes oreilles.

En fait, c’est ici où j’arrête. Il reste d’autres albums, tous avec des ventes à envier, mais presque tous en duo avec beaucoup d’autres artistes. La dernière chanson vraiment la sienne qui m’intéresse était « Fais-moi une place ». Et ça va. La moitié de cette carrière serait une réussite étonnante.

Que penser de Julien Clerc ? D’une part, il y a beaucoup de comparaisons à d’autres artistes car il avait tendance à suivre les tendances. D’autre part, ça le gardait sur scène assez longtemps pour sortir de nombreuses contributions importantes à la chanson française. Chapeau, M. Clerc.

Ma note : J’achète l’intégrale.

Les 1 001 nuits d’Un Coup de Foudre

Hier j’ai franchi une étape à laquelle je ne me suis jamais attendu :

Capture d'écran d'une notification de WordPress : « Vous avez publié sur Un Coup de Foudre 1 001 jours de suite ! Continuez comme ça. »

Ce n’est pas mon style d’être si… régulier ? Fiable ? Je vous donnerai un exemple :

Il y a un site web américain dont je fais partie depuis plus de 16 ans déjà, GasBuddy. C’est un site avec une seule mission : partager les prix d’essence partout dans le pays. Je ne suis pas bien informé sur le sujet, mais j’ai l’impression que la variance entre les stations-service en France est beaucoup moins dramatique qu’aux États-Unis. En ce moment, je peux conduire 1 km à la station-service Shell la plus proche, et l’essence me coûtera 4,79 $ le gallon — environ 1,18 € le litre. Je peux conduire 3 km à Costco, et là, je payerai 4,39 $, ou 1,08 € le litre. La différence vaut quelque chose quand on considère que j’achète en général entre 60 et 70 litres à la fois ! Mais qu’est-ce que ça a à voir avec le blog ?

Capture d'écran qui montre comment entrer des prix d'essence sur le site GasBuddy -- on clique une station, on tape le prix, et on le soumet.
Capture d »’ecran de GasBuddy

Pour garder une séquence de jours de suite, je n’ai qu’à entrer un prix d’essence sur le site. Il faut quoi, 20 secondes, pour réussir ça ? Pourtant, ça fait presqu’une décennie depuis la dernière fois où j’ai réussi 60 jours de suite ! Peut-être que vous pensez, « Mais Justin, vous ne l’avez pas fait avec Duolingo ? » Là, on peut tricher un peu en gagnant ce que l’on appelle un « gel de série » — j’ai utilisé une dizaine. Par contre, je peux passer des heures en écrivant certains articles, mais ça ne m’a pas empêché d’enregistrer une séquence au-delà de tout attente.

Mais j’ai intitulé ce post les 1 001 nuits pour une raison. ([Certainement pas votre ressemblance à Shéhérazade — M. Descarottes]). Tout est écrit la nuit ici. À chaque fois où j’appuie sur le bouton pour publier, il est minuit — parfois plus tard. Je vous ai parlé avant de la vie aux deux fuseaux horaires, et rien n’a vraiment changé depuis ce temps-là. Ce n’est pas la meilleure chose pour la santé, mais grâce à la douleur sans cesse, je n’allais pas dormir quand même.

C’est la même chose en vous lisant tous. En général, je le fais après avoir publié le post du jour. Ça veut dire que parfois, je n’éteins pas la lumière jusqu’à 2h du matin. Ce n’est pas bon pour la santé non plus.

L’un de mes projets, une fois le livre sera fini — ou au moins, sera dans les mains d’autres personnes pour corriger le brouillon — sera de trouver un moyen plus sain pour gérer le blog. Le problème avec un si grand chiffre, c’est que j’ai peur de le laisser tomber, mais en même temps, c’est bien le temps de retrouver un horaire plus normal.

Mais vous êtes toujours sur le bon Un Coup de Foudre, et seulement les posts autour de la Saint-Valentin ont le droit d’être complètement mélancoliques. Alors pour finir, un rappel de ce que je croyais « un si grand Chiffre » voulait dire, jusqu’en 2020. À noter, le Casino Royale de 1967 n’est pas la version parodique selon moi (et Belmondo y a joué en plus !).

Photo d'Orson Welles jouant le banquier nommé « Le Chiffre ». À ce point dans sa vie, il était plutôt gros.
Ourson Welles dans la peau du Chiffre, Capture d’écran de Casino Royale, ©️Sony/Columbia Pictures
Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Z’ai cru voir un rominet !

D’abord, étant Langue de Molière, je dois me plaindre que personne n’a remarqué mon calembour de dire « Nain » au lieu de « Nan » en parlant de Blanche-Neige lundi. Une foule dure, on dirait !

Récemment, Anagrys de Chemin de soie a partagé avec moi une expression très intéressante. (Au fait, j’ai récemment appris que c’est une faute d’écrire « m’a partagé ». J’ai arrêté de l’utiliser il y a des semaines, mais c’est la faute aux francophones de naissance que j’avais commencé. Après tout, je l’ai vu où ? Ouais.) Évidemment, vu le gros-titre, il s’agit d’un minet, et il n’y a qu’un chat que je connais qui porte ça comme nom :

Sylvestre le chat, dit Grosminet, dans la peau de Saint-Sylvestre​
Source

Mais notre ami ne m’a pas écrit pour parler de Looney Tunes. Cependant, si je dévoilais exactement ce qu’il m’avait envoyé, ce serait un billet encore plus court qu’attendu. Alors, je vais raconter celui-ci selon la façon des Histoires comme ça de Rudyard Kipling.

Il était une fois, il n’y avait pas d’écrans et tous les paysans étaient ravis de se réveiller dès que le soleil se levait pour travailler, car ils aimaient tant les nobles. C’est ce qui dit mon livre « L’Histoire pour les royalistes ». Et les animaux avaient tous hâte de leur dire bonjour. C’était exactement comme dans la chanson de Disney, « Zip-A-Dee-Doo-Dah », en fait :

Mais un animal se levait encore plus tôt que les autres, l’écureuil, connu à l’époque sous le nom de jaquet. Si on se levait juste à l’aube, on se considérerait chanceux juste d’apercevoir les queues des jaquets pendant qu’ils rentraient dans leurs arbres. Alors, les gens disaient que ce moment du matin était « dès queue-jaquet ».

Cependant, après la Révolution, de plus en plus de monde vivaient dans les villes plutôt que dans les fermes. Et on trouve beaucoup plus de chats que d’écureuils dans les villes, alors l’expression est devenue plutôt « dès queue-minet ». Mais avec la familiarité de tous ces gens vivant si proches, les uns des autres, le langage est devenu plus vulgaire, et on entendait plutôt « dès cul-minet ». Finalement, en 1835, l’Académie française, souhaitant mettre un terme à la grossièreté, a proposé plutôt « potron », venant du français du XIIe siècle, « poitron », qui de son tour est venu du latin « posterio » ; c’est-à-dire, la partie derrière.

Et c’est comme ça que l’on dit « dès potron-minet ».

Ben, j’ai inventé environ un tiers de tout ça. Anagrys m’avait envoyé ce lien de Facebook qui racontait l’histoire de potron-minet. J’ai fouillé dans le Trésor de la langue française, et ai vu que c’était tout vrai, mais n’ayant pas d’autre contexte pour encadrer l’histoire, l’ai transformée en conte. La première citation de « minet » au lieu de « jaquet » ne date que de 1835. Cependant, les formes de « queue » ne sont pas attestées — c’était « potron » dès le départ.

Dès potron-jaquet, même.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec l’expression la plus farfelue qu’il a jamais entendue.

Deux pralinés maison

Il y a des semaines, je vous ai parlé de mes efforts de faire du praliné avec un blender, et la fumée et la terreur qui sont allées avec. Aujourd’hui, je suis ici pour vous livrer les bonnes nouvelles pour comment éviter tout stress à cet égard.

D’abord, il faut être réaliste sur les limites de vos équipements. Est-ce une bonne idée de faire du praliné avec un mixeur plongeant ? Jamais. Faites pas ça, comme aurait chanté Jacques Dutronc. Mais ne le faites pas dans un blender pas assez puissant non plus. Un blender dont les publicités parlent de smoothies ou d’être « personnel », c’est le mauvais truc. Il faut avoir une moteur puissant, d’au moins 900 W, et de préférence, 1300 ou plus. 500, et j’avais de la fumée venant du blender ! Heureusement, il n’y a pas besoin du meilleur blender au monde, le Blendtec, qui peut réduire un iPhone en poudre en secondes :

En fait, la meilleure nouvelle si vous êtes comme moi et a vraiment envie de plus d’espace sur votre comptoir, c’est qu’il n’y a pas besoin d’un blender du tout. Un bon robot multifonction fera l’affaire, et là, les moteurs ont tendance d’être plus puissantes. (La mienne fait 1300 W.) Ce que m’avait empêché de l’utiliser au passé, c’est que je croyais qu’il fallait avoir la lame tout en bas, comme dans un blender, et qu’il restait trop d’espace au-dessous. J’avais tort ! Après avoir vu cet article chez Kenwood, j’ai décidé de le tester moi-même, et j’en suis ravi !

Mais attention, même pour une machine puissante, les fruits de coque sont stressantes. Si vous faites une grande quantité comme ici, il est possible que la machine s’arrête afin de se protéger. Laissez-la reposer un moment avant de continuer ; tout ira bien.

Cette recette produit environ 450 grammes de praliné, exactement comme ce qui Surfas me vend pour 32 $ — mais je n’ai payé qu’environ 10 $ pour tout ça ! (Dont l’électricité.) On peut remplacer les noisettes 1:1 soit par amandes soit par pistaches (enfin, des macarons à la pistache !), mais en ce moment, c’était les noisettes dont j’avais besoin. Je dois l’idée générale à Il était une fois la pâtisserie, ainsi que Kenwood lié en haut.

Les ingrédients pour le praliné maison :

  • 330 grammes de noisettes (avec peau)
  • 220 grammes de sucre
  • 160 ml d’eau

Les instructions pour le praliné maison :

  1. Verser le sucre et l’eau dans une casserole. Porter au-delà d’ébullition, jusqu’à 118° C.
  1. Y déposer les noisettes. Remuer pour les enrober toutes du sirop de sucre. Ne baissez pas le feu.
  1. Le sucre séchera sur les noisettes, comme ça. Continuer à faire cuire et remuer.
Noisettes récouvertes de sucre
  1. Une fois le sucre devient un caramel et couvre tous les noisettes, éteindre le feu. Verser les noisettes sur une feuille de papier de cuisson pour refroidir. Elles vont se coller, les unes aux autres.
  1. Briser la masse de noisettes et les déposer dans un robot multifonction équipé de la lame ou un blender.
Noisettes caramélisées dans le robot.
  1. Les mixer à haute puissance. Après des secondes, il y aura d’abord une poudre, dit pralin. C’est bon pour donner une texture croustillante aux pâtisseries, ainsi que pour décorer.
Pralin dans le robot
  1. La poudre deviendra de plus en plus fine, mais même avec 1300 W, ça prend des minutes. Ce n’est pas fini jusqu’à ce que le praliné soit liquide. Si votre robot arrête avant que le praliné ne devienne liquide, attendez des minutes avant de relancer.
  1. Le praliné se conservera jusqu’à 6 semaines dans une boîte hermétique.
Praliné bien liquide, mais épais, dans sa boîte.

« Mais Justin », vous me dites, « ce n’est pas le praliné de votre Paris-Brest d’il y a 3 ans ! Qu’est-ce qu’il y a ? » Ah, excellente mémoire ! Et certainement rien à voir avec le fait que je viens de revisiter cette recette-là pour le livre ! Alors, je vous montrerai cette autre — et pourquoi je recommande plutôt la première.

J’ai suivi la recette à nouveau, mais pour garantir que j’avais assez de matériel pour le robot, j’ai augmenté les quantités de 50 %. Alors :

Les quantités pour le praliné selon Laurène Lefèvre (environ 320 grammes) :

  • 180 grammes de noisettes
  • 180 grammes de sucre glace

Les instructions pour le praliné selon Laurène Lefèvre :

  1. Torréfier les noisettes dans le four pendant 15 minutes à 160° C. Je dois avouer que j’ai fait ça après avoir fait la deuxième étape 3 fois. Je ne crois pas que ça change gravement le produit final. Vous remarquerez un changement de couleur entre ces photos.
  1. Mettre les noisettes dans un torchon et les rouler pour retirer la peau. Je trouve que ça a ses limites, et après quatre fois, j’ai décidé que c’était assez.

  1. Mixer les deux jusqu’à l’obtention d’une pâte, plutôt qu’une poudre. Je ne dirai pas une pâte lisse, parce que je trouve que celle-ci reste très épaisse bien après être devenue une pâte. Comme avant, j’ai dû arrêter plusieurs fois avant l’obtention du produit final.

Ce praliné est plus sucré que l’autre, parce qu’il n’y a pas de haute température qui brûle le sucre. J’aime le goût, mais il manque la fluidité d’un praliné typique, ce qui le rendra plus difficile à utiliser dans certaines applications. La poudre de pralin (4e photo) produit est trop fine aussi. Vous pouvez le voir facilement une fois dans un bol :

Praliné final retiré du robot, mis dans un bol. Ça a l'air solide.

Je l’utiliserais pour un Paris-Brest, dans une crème mousseline pralinée, mais pas comme base d’une pâte à tartiner. En fait, je vais faire une expérience pour tester les deux. J’ai des cobayes en forme humaine pour ça, hihihi ! (Ça se prononce « deux événements de l’OCA ».)

Et ça va, vu que ça vient d’une recette de Paris-Brest ! Mais la première recette sera celle de préférence pour le blog dans l’avenir.

Saison 4, Épisode 1 — Un machin pour Kévin

Nous voilà, dans une nouvelle saison, mais pas comme dans le passé, je ne planifie aucun changement de format. ([Peut-être…avoir des auditeurs ? Ce serait un changement ! — M. Descarottes]) Vilain cobaye ! Mais oui, il a raison.

J’aime dire que personne ne m’a jamais rejeté pour « 5 Minutes Avec ». C’est juste qu’ils ne répondent pas aux demandes. Non, mais sérieusement, C’est ce qui arrive souvent. J’espère le reprendre, mais ça fait longtemps depuis la dernière réponse à un courriel.

Je suis heureux de vous dire que j’ai complètement fini la rédaction des recettes du livre du blog. Ça laisse l’autre moitié à vérifier, mais c’était important que les recettes soient toutes dans ma voix (j’avais l’habitude de les copier au début) et que tout soit cité correctement (ce que je n’ai jamais raté). En plus, il y avait des changements de technique au fil du Tour, et tout est mis à jour selon mes connaissances les plus avancées. Je veux qu’un débutant apprenne tout ce que j’ai appris.

J’ai fait des… découvertes… sur l’honnêteté de certains blogueurs culinaires, qui copie-collent plus que vous ne le savez. Je ne suis pas du tout surpris, mais je me demande — sincèrement — si ce sera un problème que je cite toutes mes sources, comme si je ne sais rien. Beaucoup de monde présentent leurs recettes comme s’ils les avaient inventées de zéro, et ce n’est pas vrai du tout.

Je suis, avec tristesse, la chute sans cesse de Disney, anciennement ma plus grande passion (pendant 20 ans en tant qu’adulte, je visitais régulièrement Disneyland — un de ces quatre, il me faudra vous raconter la fin). Je n’allais jamais voir la nouvelle Blanche-Neige, mais il s’avère que l’intrigue tourne sur un double sens en anglais qui n’existe pas en français. La Reine demande en VF « Qui est la plus belle du royaume ? », mais en anglais, le mot utilisé pour « belle » n’est pas « beautiful », probablement le premier choix dans vos dictionnaires, mais plutôt « fair ». Rien à voir avec « faire », ça veut dire « belle » — mais aussi « juste ». Alors, il n’y a pas de prince, et c’est un film sur — je ne plaisante pas — des plaintes économiques. (Je ne peux pas dire le mot « économique » sans penser à La Soupe Aux Choux.)

D’autre part, vos enfants regardent « Les 12 Travaux d’Astérix », avec ses scènes de bureaucratie, ce que je trouve absolument hallucinant dans un film pour enfants. Peut-être que Blanche-Neige marchera mieux en France. Nain. Belgique ? Nain, pas là non plus.

Il y a un autre sujet américain que je devrais évoquer un jour. Connaissez-vous le tournoi de basket universitaire, dit « March Madness » ? Ça se passe en ce moment, et pendant les deux semaines de suite, et il était une fois, rien ne m’intéressait plus en mars, comme le reste du pays. Maintenant, je m’en fous — mais pas pour les mêmes raisons que pour les ligues professionnelles. C’est une histoire triste d’avidité et corruption.

Je regrette de vous dire qu’après 3 ans, il y a un défaut chez mon casque audio Focal, acheté exprès car français. Le câble commence à se désintégrer, façon Apple. Je traite ce casque soigneusement, il ne va jamais dans la salle de sport ([Et vous êtes meilleur à cet égard ? — M. Descarottes]), et je le garde loin de tout ce qui pourrait l’endommager. ([Sauf vous-même.]) Je me souviens d’avoir été bouche bée par le prix d’un remplacement quand je l’ai acheté. Si ça s’avère trop coûteux, j’utiliserai un produit tiers.

Photo des dommages -- deux déchirures à la surface du câble, près du casque

M. Descarottes s’imagine très malin, mais en fait, j’ai une paire d’écouteurs, achetée il y a 19 ans déjà, construits pour les musiciens professionnels, que j’utilise uniquement dans la salle de sport. C’est presque indestructible.

Notre blague traite du type le plus malchanceux au monde. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Souchon, Satire, et Dragon Ball. Les Bonnes Nouvelles se traitent d’un homme qui vit enfin son rêve de 20 ans.

Sur le blog, il y a aussi Cet ami-là, une note sur les difficultés de dire non, Soirée de bowling, sur une autre « soirée mecs » de l’OCA, et Je découvre Joe Dassin, la prochaine entrée du Projet 30 Ans de Taratata.

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Assiette de madeleines faites maison par Justin Busch

Dimanche avec le baron de Charlus

On reprend Du côté de chez Swann. Cette fois j’ai avancé de 53 pages. On est enfin aux trois quarts du livre.

De tous les néologismes anglais moches, parmi les pires est « negging », expression inventée par les dragueurs professionnels pour décrire un processus où on est censé attirer une femme en lui disant des choses négatives sur elle. Je vois que le français a importé ce terme. La théorie, telle que je la comprends, est qu’en quelque sorte, la cible voudra gagner l’approbation de la personne qui vient de la critiquer. Ça me semble un peu trop « échecs à 7 dimensions » — mais j’étais étonné de voir que Proust avait exactement cette idée il y a un siècle. Voici une partie d’un discours dirigé envers Odette :

« Ce qu’il faut savoir, c’est si vraiment tu es cet être qui est au dernier rang de l’esprit, et même du charme, l’être méprisable qui n’est pas capable de renoncer à un plaisir…tu n’es même pas une personne, une créature définie, imparfaite, mais du moins perfectible. Tu es une eau informe qui coule selon la pente qu’on lui offre, un poisson sans mémoire et sans réflexion… »

Mais Odette ne le prend pas au sérieux :

À défaut du sens de ce discours, elle comprenait qu’il pouvait rentrer dans le genre commun des « laïus » et scènes de reproches ou de supplications dont l’habitude qu’elle avait des hommes lui permettait, sans s’attacher aux détails des mots, de conclure qu’ils ne les prononceraient pas s’ils n’étaient pas amoureux, que du moment qu’ils étaient amoureux, il était inutile de leur obéir, qu’ils ne le seraient que plus après

Swann doit passer un certain temps sans Odette, car elle voyage avec les Verdurin, et ça lui rend fou :

Certains jours, au lieu de rester chez lui, il allait prendre son déjeuner dans un restaurant assez voisin dont il avait apprécié autrefois la bonne cuisine et où maintenant il n’allait plus que pour une de ces raisons à la fois mystiques et saugrenues, qu’on appelle romanesques ; c’est que ce restaurant (lequel existe encore) portait le même nom que la rue habitée par Odette : Lapérouse.

Est-ce que je vous dis assez souvent le point auquel je n’en peux plus de Swann ? Non, ce serait impossible.

Il me semble presque inutile d’ajouter qu’Odette ne le traite comme une relation sérieuse. Après tout, elle ne veut même pas le voir devant d’autres personnes :

Bien qu’elle ne lui permît pas en général de la rejoindre dans des lieux publics, disant que cela ferait jaser

Ça ne l’empêche pas de — excusez-moi, je vais vomir — lui demander de l’argent pour voyager avec les Verdurin :

Elle lui écrivit que les Verdurin et leurs amis avaient manifesté le désir d’assister à ces représentations de Wagner, et que, s’il voulait bien lui envoyer cet argent, elle aurait enfin, après avoir été si souvent reçue chez eux, le plaisir de les inviter à son tour. De lui, elle ne disait pas un mot, il était sous-entendu que leur présence excluait la sienne.

Swann dit non, mais où sommes-nous dans la codépendance toxique à souhaits ? Les deux passent tout leur temps en se méprisant, l’un de l’autre ; pourtant, il ne peut la quitter pour rien, malgré le fait qu’il pense à elle comme juste un objet, et elle — je ne sais toujours pas si elle aime quoi que soit chez Swann au-delà de son argent.

Je ne peux pas vous dire si ce sont les personnages littéraires dont j’ai le plus envie de les gifler. Pourquoi ? Parce que ça fait trop longtemps depuis la fois où j’ai lu Le Rouge et le Noir. Mais le concours entre ces deux et Julien Sorel pour les palmarès de personnage le plus énervant de la littérature est si, si serré. À un millimètre près. Si vous n’êtes pas d’accord, vos suggestions sont les bienvenues.

De toute façon, je n’ai rien à citer des 30 dernières pages que j’ai lues. Pourquoi ? Parce qu’il me semblait que Swann allait finir par donner l’argent à Odette après tout. J’en reste convaincu. Mais nous sommes passés à une série de pensées obsessives sans fin qui avait lieu complètement dans la tête de Swann : elle est fidèle, elle ne l’est pas ; elle veut le quitter, elle ne le veut pas. Toute ce dont je suis certain, c’est qu’Odette n’a pas envie d’être liée à Swann, mais n’a pas de problème à être liée soit à Forcheville soit au baron de Charlus, un ami de Swann qui rend visite à Odette à chaque fois où Swann le lui demande.

J’ai l’impression que tout se passe dans le passé par rapport à Swann, et qu’il finira par donner l’argent du voyage. Je vous ai dit, je le connais trop bien !

Je découvre Joe Dassin

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec Joe Dassin. « Mais Justin », vous me dites, « vous avez été frappé à la tête par une boule de bowling ? Il est mort en 1980, et n’a pas apparu à la télé en 2023 ! » Oui, je sais, mais pour la première fois depuis le commencement du projet, on parle d’un artiste parce que sa musique a été jouée en reprise par quelqu’un d’autre pendant la diffusion, dans ce cas, Gaëtan Roussel, Matthias Malzieu et Sharleen Spiteri. J’avais dit au début que l’on allait faire exactement ça, en sautant tout artiste étranger. De cette façon, je peux ignorer Ed Sheeran, le résultat le plus important. Si c’est injuste envers Zucchero (qui j’aime bien) ou Mme Spiteri, tant pis.

Joe Dassin assis avec sa guitare
Joe Dassin, Photo par Agenzia Pitre, Domaine public

Vous avez sûrement remarqué que je n’ai pas répondu à la question de la boule de bowling.

Alors, Joe Dassin. Ici, on parle de l’artiste qui devrait être le plus « Coup de Foudre » de tous, parce qu’il était, en fait, américain, né à New York à 1938, et y habitant jusqu’à ses 12 ans. À cause de ça, j’ai dû absolument l’entendre parler anglais — voici une interview au Canada, tournée environ un an avant sa mort (selon les commentaires — la description ne mentionne rien) :

À vrai dire, il sonne presque exactement comme mon père, élevé juste au sud de New York, dans le New Jersey. (Les pauvres.) J’étais bouche bée, car même si je le savais avant, j’avais une impression qu’il devait acquérir un accent beaucoup plus français en y travaillant.

On appelle le fait que vous l’aimez quand même « l’espoir ».

Les Dassin se sont expatriés parce que son père était communiste (et franchement, vous ne devriez pas confondre le vôtres, qui se montraient des patriotes pendant la SGM, avec les nôtres, qui soutenaient les Allemands et ont donné nos secrets nucléaires à l’autre Joe, Staline). C’est donc comment Jules Dassin est devenu réalisateur en France, et après ses études universitaires, Joe est arrivé en France pour travailler sous lui.

En 1963, Joe Dassin rencontre Maryse Massiéra, une française avec des contacts chez CBS Records, qui lui aide à y obtenir un contrat. Entre 1964 et 1966, il sort 4 EPs (des disques vinyles avec 3-4 chansons), mais c’est seulement avec le quatrième où il sort enfin un single, Guantanamera. J’ai l’écouter, parce que je la connais très bien, cette chanson. Mais quelque chose ne va pas :

Je l’ai écoutée en me disant, « La mélodie est correcte, sa voix est agréable, mais les paroles sont toutes foutues. Qu’est-ce qu’il y a ? » Puis je me suis rendu compte — c’était en français. Il faut comprendre que je la connais depuis mon enfance, chantée à chaque fois par des mariachis ou autres chanteurs hispanophones, en espagnol. Peut-être que vous avez eu la même expérience en écoutant « My Way » de Frank Sinatra dont la musique vient de Claude François et sa « Comme d’habitude », mais les paroles sont en anglais (et n’ont rien à voir). En même temps, il épouse Mme Massiéra.

Son premier album en 1966, Joe Dassin à New York, comprend une sélection de chansons des 4 disques EP, notamment « Je change un peu de vent », ce que je connais en anglais sous le nom « Freight Train ». C’est déroutant pour moi, et un succès modeste pour lui.

1967 voit son premier vrai tube, « Les Dalton », qui traite du Far West (pourquoi Far, qui veut dire loin ? J’y habite.), premier single des Deux Mondes de Joe Dassin :

Je le trouve facile à comprendre, comme David Niven ou Tommy Duggan dans les films. Il me rappelle moi-même. Alors d’où les plaintes sur ma prononciation, hein ? (Je plaisante. Peut-être.)

À cette époque, il rate une opportunité en sortant un tube pour France Gall, Baby Shark, mais il l’intitulé en français, Bébé Requin, plutôt que la comptine qui a conquis le monde entier en 2017. (Sorti quand même en français plus tard.)

Pendant Les 30 Ans de Taratata, Vincent Delerm a chanté « Les Champs-Élysées ». Puis La Fille est revenue du lycée en la chantant aussi. Ça vient de son troisième album, dit Joe Dassin, mais surnommé pour cette chanson.

C’est… plus vite que ce que M. Delerm m’avait mené à croire. Mais tout ce dont j’ai vraiment besoin de savoir, c’est que toute l’arène chantait avec lui. Pas pour la première fois, je note que quand une arène pleine de Français sont d’accord et il ne s’agit pas de Jul, je fais attention. (Quand le livre sortira, je ne serai plus le bienvenu à Marseille, vu toutes mes blagues sur ce monsieur.)

Cet album nous donne aussi « Siffler sur la colline », la chanson jouée sur Taratata par les 3 artistes mentionnés au début.

Son quatrième album, en 1970, s’appelle aussi Joe Dassin, mais est connu aux fans d’après le plus grand tube d’y venir, La fleur aux dents :

C’est agréable, mais je commence à voir une formule répétitive : un tempo rapide, pas trop d’instruments (c’est pas les Beatles ici) et un refrain avec des « la la la » pour le public à chanter. En même temps, je commence à soupçonner que la réponse à la question de l’accent est qu’il est agréable si celui d’où il vient se considère beau. Ça expliquerait beaucoup de choses.

Personne ne va me convaincre que cet autre clip, « L’Amérique », du même album, est rien d’autre qu’une hallucination.

Son cinquième album s’appelle aussi Joe Dassin, mais est connu aux fans comme « Elle était oh », d’après son plus grand tube :

Je vous jure, j’avais écrit ce commentaire sur les « la la la » avant d’entendre celle-ci, qui commence avec « la da di la da di ». De toute façon, cette chanson est le seul tube de l’album, alors il change de direction.

Son sixième album s’appelle simplement Joe. Là, il retrouve du succès avec une chanson dite Taka takata — à ce point, les « la la la » sont le point. C’est une reprise d’un tube espagnol.

Ce n’est pas seulement moi qui s’ennuie de la formule. Ses deux prochains albums ne connaissent pas de grand succès, mais sa triomphe ultime arrivera prochainement, L’été indien, un single sorti tout seul, puis sur une nouvelle version de son huitième album.

Il ne quitte pas toutes ses habitudes — la moitié des paroles sont juste « Ba da da » (à mes oreilles) encore et encore. Mais c’est un « slow » avec des narrations, plus pensif que ses prédécesseurs.

Mais il ne connaîtra qu’un succès de plus, avec son dixième album en 1976, Le Jardin de Luxembourg, double disque d’or qui voit deux tubes, À toi et Le café des 3 colombes. Cet album est sorti la veille de ma naissance ; désolé, ce qui suit est probablement de ma faute en quelque sorte.

En 1977, il rencontre une jeune rouennaise, Christine Delvaux, et décide de l’épouser. D’habitude, je lui féliciterais pour ça. Mais comme j’ai mentionné avant, il était déjà marié à la femme qui a…euh… fait sa carrière. Les deux divorcent, et il épouse la rouennaise (encore une fois, un bon choix, c’est l’infidélité qui me dérange). Malheureusement, il a aussi vécu une vie de star, avec des drogues, et avait aussi des problèmes cardiaques depuis son adolescence. Début 1980, il y a un deuxième divorce, mais des mois plus tard, il est mort d’une crise cardiaque.

Que penser de Joe Dassin ? Il me semble que mes notes habituelles ne s’appliquent pas ici. D’une part, je trouve beaucoup de sa musique répétitive, et je ne peux que soupçonner qu’une partie de sa popularité vient d’être un bel étranger avec un accent intéressant. Si on veut dire que je suis jaloux que ce qui est pour moi une barrière soit pour lui un atout, je ne le contesterai pas. D’autre part, on trouve plusieurs classiques de la chanson française ici, et pour ça, tout le monde, apparemment même Maryse Massiéra, peut pardonner le reste.