Archives pour la catégorie Musique

Vivir mi vida

Depuis une belle décennie, je peux compter sur deux choses quand je vais dans n’importe quel resto mexicain :

  1. Je vais manger de la cuisine mexicaine
  2. Je vais écouter une certaine chanson en espagnol, « Vivir mi vida » par un chanteur portoricain-américain, Marc Anthony

Avant de continuer, je vais vous donner le bon clip. Écoutez-le brièvement ; je n’aurai guère besoin d’écrire plus :

Félicitations, vous venez d’expérimenter mon moment le plus choquant de septembre à l’envers. Vous avez presque certainement reconnu que c’est la chanson « C’est la vie » de Khaled, mais en espagnol au lieu de français et arabe :

Mais je n’ai pas trouvé cette chanson en écoutant RTL ou NRJ. C’est ça le truc le plus dingue.

La Fille et moi étions à l’anniversaire d’une amie d’origine persane. Les parents avaient choisi beaucoup de musique que je ne connaissais pas du tout, et vous probablement pas non plus. Sans l’appli Shazam, qui sert à identifier des chansons inconnues, je n’aurais pas eu aucune idée de ce à quoi j’écoutais. Par exemple :

Ou bien :

Je sais, cette dernière vidéo est sans doute la chose la plus « sexy » qui ait jamais apparue sur ce blog. Je suis surpris que ce soit à la fête d’une fille de 13 ans, mais sans le clip, qui sait ? Pas moi !

Alors, je ne sais pas comment il soit arrivé qu’une telle famille jouait une chanson française, mais je vous rassure, après toute la musique persane, j’étais choqué de comprendre Khaled. Je me suis dit, « Attendez, ça semble être une copie de « Vivir mi vida », mais en français ? Comment ça ? Et pourquoi pas en persane ? »

Je n’ai pas de réponses. La Fille connaît l’autre fille, mais au-delà d’être chaperon, je ne connais guère les autres partants. Alors, je n’ai rien demandé. Mais il s’avère que c’est Vivir mi vida qui est la copie !

Seulement les refrains ont quelque chose en commun. Voici les paroles de Marc Anthony :

Voy a reír, voy a bailar
Vivir mi vida la la la la
Voy a reír, voy a gozar
Vivir mi vida la la la la

Vivir mi vida paroles

Je le traduis :

Je vais rire, je vais danser
Vivre ma vie, la la la la
Je vais rire, je vais profiter
Vivre ma vie, la la la la

L’originale :

On va s’aimer, on va danser
Oui, c’est la vie, la la la la
On va s’aimer, on va danser
Oui c’est la vie, la la la la

Honnêtement, les hispanophones ne se soucient probablement pas de savoir s’ils reçoivent une traduction fidèle ou pas. C’est vraiment la musique que M. Anthony voulait copier. Mais tout comme beaucoup d’autres coïncidences de ma vie, cette chanson était une influence vers la France pour moi, sans même que je le sache !

9 000 km, si ! 60 km, non !

Je vous dirai quelque chose de choquant. Depuis mes 15 ans, mon groupe préféré en anglais est Rush. Ils ont pris la retraite en 2015. Ça fait donc longtemps qu’ils ne jouent plus, et avec la mort de leur batteur en 2020 à cause de cancer, ils ne joueront plus jamais. Ce n’est pas la partie choquante.

Leur ancien chanteur, Geddy Lee, est de retour, pas pour jouer de la musique, mais avec un nouveau livre, son autobiographie. J’aimerais beaucoup le lire, même s’il va probablement contenir plein de choses que je sais déjà. Mais M. Lee a annoncé cette semaine qu’il va faire un tour afin de promouvoir son livre. Il vend des billets pour le voir dans des théâtres de peut-être 1-2 000 places. Pas les plus grands, et quand on considère que Rush jouait typiquement dans des lieux de même taille que les Zénith, c’est une chute. Mais bon, plein de fans qui assistaient à des performances ne s’intéresseraient pas à une soirée de lecture à haute voix de son livre.

J’ai attendu la prévente en ligne. Comme arrivé souvent aux États-Unis, même quelques secondes après le début, les bonnes places sont toutes disparues car jamais vraiment disponibles. Mais j’ai vu cette horreur :

« Official Platinum » (Platine officielle) est un escroc de Ticketmaster Ticketbastard (Bâtard des billets), le monopole qui contrôle les ventes de billets dans ce pays. Plutôt que vendre les billets au prix catalogue, ils commencent à les vendre au prix qu’ils estiment que les revendeurs chargeront. Gentil de leur part, mais ça rend l’idée du prix original une blague stupide. Pensez-vous que je payerais 515 $ (et probablement 60 $ de plus en « frais » mystérieux) pour un événement qui ne sera même pas un concert ?

Je ne suis pas du tout soulagé que je peux entendre le chœur de « oui » à cette distance. Au contraire de l’image projetée par ce blog, je ne suis pas fait d’argent. Je fais parfois de vraies bêtises au nom du blog, mais je les paie avec des économies ailleurs.

Il est possible de payer « juste » 96 $ pour m’asseoir au balcon, loin de la scène. Le prix comprend un exemple du livre, alors on pourrait dire « Bon, c’est vraiment environ 60 $ pour la place, pas 96 $ ». Mais en plus, je dépenserais 50-60 $ pour l’essence, car les embouteillages garantissent beaucoup d’essence gaspillée, et probablement 30 $ pour me garer. Et les frais mystérieux, ne les oubliez pas. 200 $ pour ce qui ne sera pas un concert.

S’il existe une personne au monde entier pour laquelle je ferais quand même une telle dépense, on parle de lui maintenant. Oui, encore plus que Nico dans la même situation. Mais je n’ai pas fait le voyage fou pour écouter un livre lu à haute voix. Je l’ai fait pour me garantir qu’une fois de la vie, je ferais partie de la plus grande foule de l’histoire d’Indochine et écouterais L’Aventurier en live. J’ai vu Rush 7 fois pendant leur carrière. Il m’étonne que je puisse prendre cette décision maintenant — certes, mes amis anglophones n’arrivent pas à le croire — mais je n’y penserai plus. Cet argent sera réservé pour un retour ailleurs. Vous savez déjà où.

Les Jones

Un ami m’a envoyé un clip qui semble être une chanson de la musique américaine dite « country ». Je vous conseille fortement de regarder le clip avant de continuer :

Au début, je la croyais le travail d’un nommé « Les Jones », parce qu’en anglais, il y a des hommes surnommés « Les » (du prénom « Lester », rarement « Leslie »). Il y a de petits indices que quelque chose ne va pas — des articles mal placés, le mot « bretzel » au lieu de « pretzel » — mais il me fallait regarder la moitié du clip avant d’être sûr que c’était en fait un groupe français, et non pas de chez moi. (C’était bien possible que le chanteur principal soit un hispanophone d’origine avec cet accent.) Inutile d’ajouter que je trouve le résultat hilarant !

On passera très vite par les erreurs, pour éclairer ceux qui le veulent. Ils chantent « Baby, I just love the taste of the chicken wings » — c’est une erreur typiquement française car on dirait « J’adore le goût des ailes de poulet », mais on n’utilise pas d’article ici en anglais. Supprimez ce mot et ça va. C’est la même chose pour « I don’t want a candy » — encore une fois, on dirait « Je ne veux pas de bonbon », et l’anglais n’utilise pas d’article ici. Mais faites attention — ils disent « chips » parfaitement. Il y a une raison pour laquelle je me suis trompé !

Mais il vaut le coup d’examiner ce qui se passe, parce que c’est un document culturel intéressant. Ils ont évidemment travaillé dur pour le faire, avec les costumes de cow-boy, les accents assez authentiques pour me tricher même brièvement — en service des plus grands stéréotypes possibles. Voici un court-métrage (environ 25 minutes) avec les mêmes personnages :

Suis-je offensé ? À part les mitrailleuses, ce qui est faux — elles ne sont pas illégales, mais les lois pour les acheter sont complexes, et très peu de monde en a une — cette vidéo est plutôt affectueuse. (Voici un article en français qui montre que plein d’américains sont d’accord.) Ils sont trois frères qui essayent de tout faire comme des américains sans y avoir jamais mis les pieds. (Je me sens ciblé.) Le groupe arrive à Nashville — en vrai ! — pour y jouer un concert. Si ça ne va pas comme prévu, tout ça est beaucoup trop de travail pour être le produit de quelqu’un qui a une dent contre nous. J’oserais même dire que d’une certaine façon, ils ont compris la culture du Sud américain mieux que Johnny Hallyday. Johnny l’a trouvé tout sérieux, même plutôt triste, et ils reconnaissent qu’il y a plein de choses que les locaux ne prennent pas au sérieux. (Un de ces quatre, il nous faudra parler de Johnny.)

Alors quel est le but de tout ça ? Évidemment, vous faire rire. Mais je le trouve aussi une mise à jour de ma scène préférée de L’Aile ou la cuisse, avec de Funès déguisé comme un cow-boy :

Ils chantent « La seule nourriture française que j’aime, c’est les frites » (rappelez-vous que nous disons « frites françaises »). On pourrait lire ça comme si les personnages sont des béotiens. Mais encore une fois, on pourrait dire ça sans avoir fait un si grand effort. Plus tard, ils chantent « Je suis américain donc vous pouvez me blâmer, mais je ne mangerai pas dans votre resto gourmet ». Je vois plutôt des gens qui comprennent que mon dîner nordiste se mange aux deux côtés de l’Atlantique. Il y a pas mal de burgers aux friteries, après tout.

Tout ça est le produit d’un youtubeur inconnu chez moi avant, qui se surnomme « Mister V« , de son vrai nom Yvick Letexier. Monsieur est en fait de Grenoble, et a toute une carrière en tant que parodiste. Il ne fait que quelques vidéos par année, mais ce sont de qualité. Il fait ses devoirs !

Y’a d’la haine

Il y a plusieurs blogueurs que je suis (Accordéon et dentelles au jardin, En filigrane, Blogosth) qui ont tous posté des photos sous le nom « Y’a d’la joie » aujourd’hui. C’est d’après un tag hebdomadaire dit « Projet 52 », et c’est le thème de la semaine. Je ne propose pas d’en faire partie, mais le titre m’a rendu bien curieux. Car naturellement, il m’a fait penser à cette chanson des Rita Mitsouko :

Comme je souhaite que je puisse revivre cette époque où j’ai passé de « The No Comprendo » à « Système D » en trois mois, pas comme vous qui aviez dû patienter 7 ans entre les deux ! Découvrir ces albums aussi vite, l’un après l’autre, c’était grisant. Mais je ne savais pas qu’il y avait une référence cachée dans le titre.

Alors, il s’est avéré qu’il y avait une chanson de Charles Trenet, « Y’a d’la joie ». Vous le connaissiez déjà, mais pas moi :

Honnêtement, je crois que la seule chanson que je connaissais de son côté était La Mer, et celle-là seulement à cause de cette reprise américaine des années 50 :

Et pourquoi est-ce que je connais celle-là ? Car jeune, j’ai dû écouter ce qu’on appelle « oldies » — la musique des années 50 jusqu’aux 70 — dans les voitures de mes parents partout. C’est un petit miracle que je connais quand même ma propre décennie, les 80. Pour sa part, La Fille dit que les « oldies » sont tout et n’importe quoi avant 2010. Et quand je vois que Nostalgie — ce qui est clairement votre version de ce genre — joue de la musique de Phil Collins et Tears for Fears, j’ai peur qu’elle ait raison. Au fait, qu’est-ce que vous appelez le genre de Nostalgie ? Mon dictionnaire dit « vieux succès » mais je n’ai jamais entendu personne dire ça.

De toute façon, M. Trenet. Wikipédia me dit que sa chanson vient de 1936. Il était une fois, j’étais grand fan de la musique dite « big band » des années 20 aux 50 aux États-Unis, alors je n’ai rien contre son style. (Ce qui a changé n’a vraiment rien à voir avec la musique elle-même.) Il est clairement enthousiaste, il a une belle voix — plus que Bourvil, qui j’adore mais qui n’avait pas une grande voix — mais je ne sais pas. Peut-être que c’est juste quelque chose où il fallait grandir avec. Mais j’apprécie quand même avoir appris la référence. J’ai souvent l’impression qu’il y a un dialogue entre ce que je regarde, ce que j’écoute et leurs prédécesseurs, et que je rate beaucoup de telles références.

À l’avenir, sachez que vous êtes les bienvenus à me dire ce que je rate de cette façon !

Clémentine au Japon

Il y a une chanteuse française qui a vendu plus de 4 millions disques, et habite à Paris — mais il est fortement probable que vous n’en avez jamais entendu parler. Aujourd’hui, je vous raconte l’histoire de la chanteuse francophone la plus écoutée au Japon, Clémentine Mitz. En ce qui suit, je suis également Wikipédia, son propre site, et mes propres recherches sur YouTube.

Malgré mes maigres connaissances de la culture japonaise, je vous mentirais si je disais que j’ai trouvé cette pépite moi-même. C’est à cause d’une question sur le site Quora : « Quelle star française est extrêmement populaire à l’étranger sans que les Français ne le sachent ? » On a répondu avec Pierre Richard, apparemment très populaire à l’URSS à l’époque. Un autre a répondu avec soit Hervé Villechaize soit André Roussimoff, dit « le Géant », mais je crois que ce dernier est très bien connu aux deux côtés de l’Atlantique pour son rôle dans Princess Bride. Mais plusieurs ont répondu avec Clémentine et j’ai dû en savoir plus.

Clémentine Mitz est née en 1963 à Paris, et a commencé sa carrière de chanteuse de jazz en 1988 avec une chanson « Absolument Jazz », sortie en tant que single :

J’ai toute une collection de jazz américain des années 30s jusqu’aux 60s, qui met en vedette Duke Ellington et Joe Williams, ainsi que quelques artistes qui viennent de plus tard, tels que Kevin Mahogany et Dick Hyman. Malgré ça, je suis peut-être la mauvaise personne pour vous dire si une chanteuse française de ce genre est bonne, car — et je crois que je l’ai dit ici avant — je pourrais leur écouter (presque) toutes lire l’annuaire téléphonique à haute voix toute la journée. Même Mme Nakamura si elle évitait son vocabulaire bizarre de Djadja et Pookie. De toute façon, il me semble que cet enregistrement est assez agréable. Pourtant, elle n’a pas connu trop de succès en France.

C’était les japonais qui sont tombés amoureux de sa voix. À partir de 1990, elle est devenue artiste pour Sony au Japon, et a connue du succès avec de tels albums comme « Mes nuits, mes jours ». Avec l’aide d‘un site japonais, j’ai trouvé « Underneath the Apple Tree » (Sous le pommier), un extrait en anglais, reprise d’une chanson que je ne connaissais pas. C’est dépaysant d’écouter une française chanter en anglais pour un public japonais ! Mais sa prononciation est excellente :

Je n’arrive pas à vous expliquer pourquoi les japonais l’aiment plus que les français. Ils ont une petite tradition de jazz qui doit beaucoup à ses origines américaines. Voici Mai Yamane avec une chanson qui ne serait pas hors place dans un bar à Chicago :

Mais j’ai triché un peu. « The Real Folk Blues » est un chef-d’œuvre — qui vient du monde d’animé. Mme Yamane a sa propre carrière en tant qu’artiste, mais cette chanson est connue mondialement parmi les fans d’animé parce qu’elle est parue dans l’une des meilleures séries de tous les temps, Cowboy Bebop.

Et Clémentine a un peu suivi ce chemin aussi. Voici le générique du film Ponyo en japonais :

Elle a enregistré sa propre version en français pour un album dit « Animentine ». Au Japon, les reprises des génériques de l’animé et même des jeux vidéo sont très populaires — c’est logique qu’elle enregistrerait tout un tel album pour son public là-bas :

En 2021, elle a sorti un album en France, ciblé au public français, dit « Quel temps fait-il ? ». C’est un album de reprises de chansons par de tels artistes que Jean Yanne, Serge Gainsbourg, et Jacques Plante. Encore une fois, je l’écoute, je la trouve très agréable, et je me demande pourquoi elle n’est pas mieux connue en France :

Je suppose que je la trouve très sympathique parce que son histoire est très « Coup de Foudre » — malgré l’adresse dans votre navigateur, vous savez que ce blog est 100 % fabriqué aux États-Unis. Moi, j’entends la France dans ses chansons, et c’est très facile d’oublier que l’on est en fait au Japon.

(Image mise en avant : Couverture de « Quel temps fait-il ? », ©️ Clémentine/Wagram Music 2021, tous droits réservés)

Les « listes d’écoute » mise en forme

Je paye cher pour mes desserts, et je ne parle même pas du chocolat Valrhona. 3-4 fois par semaine, pendant 25-30 minutes à chaque fois, je monte sur le vélo d’entraînement. Ça ne suffit pas toujours non plus, mais c’est le moins que je puisse faire. Et pour ne pas ralentir, il faut que j’écoute quelque chose de… agressif.

Il était une fois, pendant les années 90 et jusqu’en 2006, j’utilisais un lecteur de CD portable, et je ne changeais jamais les disques pendant les séances. D’habitude, j’écoutais une collection de génériques de James Bond — les vrais, pas les parodies avec ce Daniel Craig. Mais le problème, c’est que je me croyais un petit Tom Jones, et je chantais avec « Thunderball, » et ça ne marche pas du tout.

Puis j’ai acheté un iPod shuffle, la version originale. Le souvenez-vous ? Il fallait ajouter les chansons dans exactement le bon ordre, car il n’y avait aucun écran. Pas de problème ! J’ai choisi une liste de chansons, et je l’utilisais de 2006 jusqu’en 2019. Voilà :

En 2019, je n’ai pas exactement décidé de trouver autre chose, mais il y a des moments de détente même dans la liste en haut. Alors j’ai décidé d’ajouter une autre liste avec seulement la musique de combat de certains jeux :

Ce n’est pas une erreur ; « The Bionic Jam » apparaît deux fois, jusqu’au pire moment, à environ 15 minutes. Ça part des meilleurs moments du jeu « Bionic Commando », mais tous revisités à la guitare électrique. Voilà :

« Mais Justin, » vous me dites, « il y a deux problèmes. Une, rien à voir avec ce blog. Et deux, Indochine, où est-il ? » Et honnêtement, entre 2020 et le mois dernier, je n’étais pas content d’écouter Indochine sur un vélo. Sauf pour Alice et June, les versions des albums ne conviennent pas trop à mes besoins. Mais j’ai récemment fait des expériences, et voilà, j’ai enfin une nouvelle liste qui marche parfaitement.

Oui, tout va du film du Central Tour. Il s’avère que ce qui manquait à toutes ces chansons, c’était 72 000 lyonnais qui hurlaient le plus fort possible. « Mais Justin, » vous vous plaignez encore, « Lynyrd Skynyrd n’a rien à voir avec Indochine ». Et oui, vous avez raison. Mais juste à la fin, le vélo se ralentit beaucoup, et j’ai besoin de quelque chose de beaucoup plus lente. C’est aussi à la fin de la deuxième liste, mais il y a trop de titres pour tout montrer. Certaines habitudes ne changeront jamais.

Je dois vous dire, cette liste marche encore mieux qu’attendu. Les vitesses et les durées ont toutes les deux haussé. Je dois sauter par dessus de l’introduction du concert pour Alice et June, parce que ça ne va pas du tout. Après, c’est parfait, surtout quand les autres dans la salle de sport m’entendent en criant « Lyon ! » avec Nico (5:52) :

Voilà, j’ai le même problème dans la salle de sport que partout ailleurs — la France me manque à chaque instant.

Les framboises du destin

Il y a environ 6 semaines, Agathe m’a présenté une chanson de Boby Lapointe, Avanie et Framboise, qui est parue dans le film de François Truffaut, Tirez sur le pianiste :

Et oui, c’est Charles Aznavour derrière la piano. C’est lui le pianiste du titre (dans un rôle fictif, bien sûr). Mais ce post traite de Boby Lapointe, qui chante ici.

Je dois vous dire, je suis devenu obsédé par cette chanson depuis cette époque. ([C’est-à-dire, comme d’hab avec tout sauf Les Visiteurs : Un de trop — M. Descarottes]). Je l’écoute tous les jours ([Ouaip — M. Descarottes]), et ce week-end, dépassé par la curiosité, j’ai fini par acheter l’intégrale de M. Lapointe (grâce à Apple aux États-Unis).

©️Philips

Écouter les versions de l’album est tout autre chose par comparaison avec le clip du film. Dans le film, il est difficile à comprendre, au point où sa chanson a failli être coupée :

Mon producteur, Pierre Braunberger, n’aimait pas cette scène de Boby chantant Framboise et il me disait : « On ne comprend pas les paroles, il faut couper la chanson. Votre chanteur doit apprendre à articuler ou alors il faut le sous-titrer ! » Je pris cette observation au pied de la lettre et je fis faire un sous-titrage, chaque vers de la chanson apparaissant au bas de l’image, syllabe par syllabe, dans un synchronisme parfait. »

François Truffaut, Avanie et Framboise

En fait, je pensais à enregistrer une version d’Avanie et Framboise pour ma chaîne YouTube avant d’acheter l’intégrale, juste pour avoir une version que je pouvais comprendre sans sous-titres ! Mais la version de cet album est tiré d’un album studio plutôt que la bande-sonore sur film. C’est plus lente, et beaucoup plus facile à comprendre.

Au moins, c’est-à-dire que l’on peut entendre les mots. Comprendre-comprendre, comme on dirait en anglais, ça reste tout autre chose. Que penser d’une phrase comme :

Davantage d’avantages
Avantagent davantage

En tant que dictée, c’est sans espoir ! Pas surprenant que le producteur voulait des sous-titres ! Ce n’est pas plus facile même quand les jeux de mots sont un peu moins…dense :

Et puis d’abord, pas question
De lui prendre le menton
D’ailleurs, elle était d’Antibes
Quelle avanie

Avanie et Framboise
Sont les mamelles du destin

J’ai dû chercher « prendre le menton » pour savoir s’il y avait une signification plus figurative que le toucher. Pas exactement, mais c’est quand même une geste érotique. Mais pourquoi est-ce que venir d’Antibes est une avanie ? Et franchement, « les mamelles du destin » m’échappe aussi. Quant aux mamelles, il y en a deux ensemble, en général, mais l’avanie et une personne sont deux choses très différentes. En anglais, « boob », un mot vulgaire pour les seins, est aussi de l’argot pour une personne bête, mais je n’ai pas l’impression que c’est ça duquel on parle.

Mais j’oserais dire que l’on n’écoute pas Boby Lapointe pour la poésie mais plutôt pour les rebondissements. Après tout, la chanson finit comme ça :

Moralité :

Avanie et mamelles
Sont les framboises du destin

Qu’est-ce que ça veut dire, « les framboises du destin » ? Je n’ai pas la moindre idée. Mais c’est inattendu, et même après l’avoir écouté des douzaines de fois, cette parole reste drôle.

Mais bien qu’il n’y ait que 51 chansons dans l’intégrale, et la collection ne rate rien parmi ses albums édits, on commence vite à reconnaître ses limites en tant que compositeur de ses propres chansons. Pour mettre tous ses jeux de mots en vedette, il adopte à presque chaque fois les mêmes rythmes, et les instruments ne sont là que pour l’accompagner. Par exemple, « Aragon et Castille » ajoute une trompette et des maracas, mais tout est là pour ses rimes et jeux :

C’est la même chose avec « Le poisson fa ». Toujours le rythme à temps binaire, et une mélodie humoristique, le tout pour mettre en vedette les paroles :

Et Le beau voyage :

Je ne peux pas recommander assez fortement Boby Lapointe en tant qu’humoriste. Il n’est pas du tout difficile à comprendre dans ces chansons, même si pour moi, c’est trop difficile à suivre l’humour sans avoir les paroles devant moi. Mais en tant que musicien, après assez de chansons, on commence à vouloir quelque chose de différent. Puis-je recommander l’intégrale ? Pour les vrais fans, absolument — la qualité des enregistrements est meilleure que YouTube. Et pour moi, étudier les paroles vaudra le coup. Sinon, comme l’intégrale des Visiteurs, avoir le tout est « un peu trop d’une bonne chose », comme on dit chez moi.

Les génériques

Maman Lyonnaise vient de publier une photo d’un puzzle de Fraggle Rock, une émission des années 80 par la même équipe derrière Les Muppets. Ça m’a rappelé que je vous dois une discussion des génériques, surtout des émissions de DIC.

Nous partageons beaucoup d’émissions de l’époque, quelque chose qui m’a aidé à vite trouver un rapport avec vous. Par exemple, les enfants français des années 80 regardaient l’Inspecteur Gadget :

Moi aussi ! Mais il y avait une grande différence entre les génériques. Vous le remarquerez rapidement :

Mais où sont donc passées les paroles ? Il n’y en a pas, sauf pour le nom du personnage. En fait, l’une des choses les plus intéressantes, au moins pour moi, c’était découvrir qu’il y avait souvent des paroles en français, mais pas en anglais. J’ai raté mon enfance ! Voici votre Pac-Man, en forme étendue :

Et voici mon Pac-Man ; il n’y a que quelques répliques des personnages :

Parfois, il y avait des paroles pour les deux, mais l’une n’a eu rien à voir avec l’autre. C’était le cas chez Les Entrechats, parce que cette série procédait d’une bande-dessinée américaine, Heathcliff, et c’était donc logique d’écrire une chanson sur ce personnage pour le marché américain. Encore une fois, la version française :

Puis la version anglaise, où vous pouvez entendre le nom « Heathcliff » encore et encore :

Revenons vers les Fraggle. Voici d’abord la version française :

Mais voici la version anglaise. Les deux ont des significations tres similaires. J’étais tellement surpris de découvrir que le nom français n’a pas changé le mot « Fraggle », qui est loin de naturel à prononcer.

J’ai essayé une fois à trouver une version française du meilleur générique de tous les temps, pour les Transformers, connu en France parfois sous le nom La Guerre des Robots. C’est impossible de trouver une version hexagonale, mais cette version a été produit pour les québécois :

Ce n’est qu’une copie de la sainte originale, la seule où je dirais que j’ai eu la meilleure version :

Mais j’ai gardé votre meilleur pour le dernier. Il y avait une série produite par DIC, mais avec des collaborateurs japonais plutôt que des américains comme d’habitude. Elle est sortie aux États-Unis sous le nom « The Mysterious Cities of Gold. » Peut-être que vous le reconnaîtrez tout de suite à cause des images, même si les mots n’ont aucun sens :

L’un des plus grands chocs de ma vie m’est arrivé en écoutant la vraie version originale pour la première fois en 2020. Les deux sont les plus proches de tout ce que l’on a regardé cette fois. Il m’est impossible d’expliquer exactement le sens d’être à la maison sans rien comprendre (c’était seulement deux mois après avoir commencé !), mais celui-ci reste un souvenir très précieux à moi :

Les malentendus

Ma chère petite il y a des choses qui ne se font pas, telles que de boire du Dom Pérignon 55 à une température au-dessus de trois degrés. C’est aussi malsain que d’écouter les Beatles sans boules Quiès.

Sean Connery dans la peau de James Bond, Goldfinger

Il y a des mois, j’ai entendu une chanson bizarre en écoutant Les Grosses Têtes. J’aurais juré — juré — que le refrain disait « Ô carottes », alors j’ai tout à coup soupçonné un complot entre Messrs Ruquier et Descarottes. Honnêtement, ce serait le sens de l’humour des deux. Mais j’ai réussi à trouver la bonne chanson, et je me suis gravement trompé. Voilà :

Les paroles en question sont en fait « OK Carole », d’un groupe des années 70 dit Bijou. Avec les bonnes paroles devant moi, je peux l’entendre, mais c’est tellement difficile. On va discuter un peu sur la linguistique, mais je vous promets, il n’y aura pas d’examen.

En linguistique, je regrette de vous dire que le jargon est souvent seulement en anglais. Ce phénomène est donc connu chez les linguistes sous le nom « mondegreen » (lien en anglais), après une écrivaine américaine, Sylvia Wright, qui a écrit de son propre malentendu du poème « The Bonnie Earl O’Moray« , dont elle a entendu « laid him on the green » comme « Lady Mondegreen ».

Alors, comment est-il arrivé que je me suis trompé de cette façon ? Pas de boules Quiès. Le groupe chante « OK » comme si c’est un mot d’une syllabe, alors que la seule fois où je me souviens d’avoir entendu « OK » en français, c’était dans la bouche de Jacquouille :

Quant à « carottes », il y a presque aucune différence entre les prononciations de ça et « Carole » dans ma tête, et je ne pense jamais au dernier.

Il y a une littérature riche sur ce sujet parmi les linguistes qui étudient le français, quelque chose que je n’avais pas découvert jusqu’au moment de rechercher ce post. Un bon livre pour commencer est « Le malentendu dans tous ses états », disponible gratuit au lien, le recueil d’une colloque à l’Université de Lausanne. La toute première rédaction, « La compréhension comme cas particulier de malentendu », par Anne-Claude Berthoud, donne un bon sens des manières par lesquelles on peut mal entendre une chanson. Et le niveau phonologique n’est pas le seul !

Par exemple, la musicienne et chercheuse Céline Pruvost a écrit une publication de presque 20 pages intitulée « Les chansons mal entendues d’Orelsan : quand l’image devient indispensable à la compréhension ». Franchement, après avoir écouté « Saint-Valentin » je suis surpris que l’article n’est pas un livre de 200 pages.

Mais son étude comprend plutôt le sens . Sa thèse est consacrée à l’idée que sa musique est en fait une parodie du rap américain, et que ce n’est pas clair sauf en regardant ses vidéos. Les associations qui l’ont poursuivi avaient donc malentendu la signification de ses chansons. (C’est sa thèse, pas la mienne.)

Pour ma part, une parodie de ce genre de truc est ce qui a fait « Weird Al » Yankovic avec la musique du vite oublié Chamillionaire ou le coup étonnant de Coolio. À chacun ses goûts. Moi, je préfère ce malentendu, le premier que j’ai compris en français il y a 2 1/2 ans :

Les disques Central Tour

Mon colis est finalement arrivé le 18. Voici les contenus :

Et dès qu’ils sont arrivés, j’ai fait une bêtise. (C’est ma semaine.) J’ai dû conduire une distance assez longue pour écouter, disons, les vingt premières minutes. Le premier des 3 CDs commence avec Nos Célébrations, exactement comme au concert (extrait en bas). Mais ce n’est pas un enregistrement pris des micros sur scène juste aux moments où le groupe joue. C’est plutôt un documentaire de l’évènement, avec l’ambiance de la foule, et tout le parler de Nico entre les chansons. Et exactement comme au concert, j’étais dépassé par le souvenir d’avoir été là quand le groupe est monté sur scène, et j’ai commencé à pleurer. Faut pas pleurer en conduisant !

(Il y a certaines chansons qui marchent bien pour ça. Voici deux armes pour m’arrêter net, n’importe où.)

Je veux être bien clair : la raison d’être (désolé pour l’anglicisme) de ces disques, ce n’est pas écouter la musique, pour autant que je l’aime. Les albums servent le mieux à ce but. C’est plutôt le parler et la foule. C’est passer un moment absolument magique avec Dimitri Bodiansky, leur ancien saxophoniste, quand cette foule hurle son approbation pour le revoir. C’est écouter les « encore plus fort » pendant « Marilyn » ou les « woo » pendant « Miss Paramount ».

Les 3 CDs font 2h30 au total ; le film comprend une heure entière d’autres choses, dont un tour de la tour au centre du stade, et un enregistrement de la chanson « Atomic Sky », qui ne fait pas partie des CDs. C’est un petit truc qui ne m’aide même pas, parce que j’ai acheté le bon lecteur pour le Blu-Ray Zone B il y a longtemps, mais ce disque est pour tous les zones. Les fans au Pérou et au Québec n’auront pas besoin d’un lecteur spécial juste pour le jouer.

Honnêtement, je ne sais pas quand je le regarderai. En écoutant les CDs, je suis encore une fois au courant du point auquel j’ai dû prendre le voyage fou. Exactement au même point qu’avec Putain de Stade, on regarde pour expérimenter un peu être au milieu du spectacle. Mais cette fois, j’étais . Je pense aux mots que j’ai écrits au début — j’ai le mal du pays pour un pays que je n’ai jamais visité — et je les ressens à nouveau. Encore plus fort.