Encore une fois, ce que j’avais planifié pour aujourd’hui n’est pas assez cuit — cette fois littéralement, à cause d’une grippe intestinale de la part de La Fille — alors Langue de Molière apparaît un jour à l’avance.
Alors, je dois avouer quelque chose. Vous savez peut-être que j’adore mon Bescherelle Conjugaison. Mais malgré l’avoir acheté très peu après le début, il y a quelque chose que je n’ai jamais compris jusqu’à récemment.
Dès le début, j’ai remarqué ces « groupes » qui sont mentionnés sans explication :

Alors, celui-ci est un verbe du premier groupe. Mais ça veut dire quoi exactement ? Est-ce comme le japonais, où on utilise des numéros différents pour compter selon la signification d’un mot ? Ou peut-être que c’est-à-dire que le verbe est transitif ? Ou transitif mais prend seulement un objet ? J’sais pas moi. Voilà, voici un verbe d’un autre groupe :

Ah, c’est aussi transitif mais prend un seul objet, alors le groupe n’a probablement rien à voir avec ça. Mais il signifie tout autre chose que beurrer alors cette hypothèse reste valide. De toute façon, un autre :

Un troisième groupe ! Mais celui-ci peut être soit transitif soit intransitif. Peut-être que j’avais trop hâte de jeter cette idée. Dites-donc, quel est un autre exemple de ce groupe ?

C’est intransitif seulement, alors j’abandonne cette pensée. Mais ça se termine par -er, et entendre par -dre, alors je crois que les groupes n’ont rien à voir avec la terminaison. Un autre exemple de plus ?

Voilà, voilà ! Un verbe -ir qui fait aussi partie de ce groupe. Maintenant, je suis certain, au-delà de tout doute, que ces groupes n’ont rien à voir avec les terminaisons. Toute la gamme est là : -re, -er et -ir.
Pourtant, j’ai enfin lu une explication il y a des semaines, et il m’étonne que le pays d’Évariste Galois peut avoir de tels drôles d’ensembles comme principe organisateur de la grammaire. Le premier groupe est assez logique, étant composé de tous les verbes qui se terminent par -er, sauf aller, qui est très irrégulier. Mais le deuxième groupe est plutôt « tous les verbes ayant leur participe présent finissant par « issant », à l’exception de maudire ». On aurait pensé que ce serait tous les verbes qui se terminent par -ir, sauf que « avoir » casse la règle, et « venir ». Et « ouïr ». Et « partir ». Je meurs –autre verbe qui n’en fait pas partie ! Non, mais sérieusement, pourquoi pas un groupe « tous les verbes qui n’ont pas de trémas » ou « tous les verbes dont la troisième lettre est une consonne » ?
Mais le troisième groupe, oh là là. C’est l’incarnation d’une expression anglaise, « tout sauf l’évier » ! C’est juste tous les verbes qui n’en font pas partie des deux premiers. On penserait que ça veut dire les « -re », mais il y a une belle poignée de verbes « -ir » là-dedans, et « aller » en plus.
Je regrette de vous dire que ce n’est pas comment le français est enseigné en anglais. Duolingo est la mauvaise source pour des explications détaillées de la grammaire, mais ses astuces font du français exactement la même chose que l’espagnol dans nos écoles : il y a trois groupes — -er, -re, et -ir — puis des exceptions. (En espagnol c’est plutôt -ar, -er, et -ir.) Mais Kwiziq, qui n’évite pas la théorie, les enseigne de même façon : verbes réguliers avec -ir, verbes réguliers avec -er, verbes avec -oir, etc.
Mais ce qui m’a fait rire était de découvrir que quiconque écrit Wikipédia en français a essayé de dire que l’anglais s’organise comme le français. Regardez nos soi-disant groupes :

Je suis deux fois diplômé en linguistique, et c’est la première fois de ma vie où j’entends parler d’une telle structure ! Les exemples n’ont pas tort, mais on ne les classe de cette manière ; on parle de verbes réguliers et auxiliaires, et la même page de Wikipédia appelle ce dernier groupe « défectif », tout comme « falloir » ou « braire ».
Ai-je raté grand-chose ? Je dépasserai 600 000 mots sur ce blog le temps que l’année ne finisse, et il me semble que non, que les fautes ici se trouvent ailleurs. Mais je sais que l’ironie exige que je payerai cher cette attitude. Un jour, il y aura un entretien de naturalisation, et l’agent me dira, « Alors, M. M’as-tu-vu, vous connaissez assez bien la géographie, vous avez évidemment triché en mémorisant cette liste de chansons incontournables — oui, on refuserait un passeport français à quelqu’un qui ne connaît pas un musicien belge ! — mais pouvez-vous citer cinq verbes du troisième groupe ? » Et je m’évanouirai car je l’aurai prédit il y a une décennie.
Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec des expressions intraduisibles.














































