Des heures plus tard, j’ai toujours des larmes aux yeux. Avant que je vous parle de Monsieur Aznavour, je dois simplement vous dire que ce film est un triomphe, qu’il faut laisser tout tomber et le voir le plus vite possible à tout prix. Je ne savais pas à quoi s’attendre, et il a fini par être l’une de choses où je me suis dit : « Si c’est tout ce que j’ai à cause du français, il valait la peine. »

Alors, rembobinons 12 heures en arrière, hein ? Je vous ai dit que j’allais revenir ce soir aux soirées ciné, et cette fois, nous avons eu un dîner ensemble, genre « potluck », comme on dit chez moi, où tout le monde apporte ce qu’il veut. (Je ne sais jamais quoi dire pour ça.) J’ai fait une tarte aux noix de pécans, étant en mode « finissez les ingrédients dans votre cuisine, vous ». Je suis déçu de la croûte, mais l’appareil reste parfait comme toujours avec cette recette :

Pour une fois, vous allez voir ce que les autres ont apporté. Je ne suis pas sûr de quel est tout ça, surtout le truc marron et ronde. Je ne l’ai pas fini, mais le reste, oui :

Je suis toujours un peu contrarié : le temps que le film commence, la moitié de ma tarte restait. Cependant, on a emballé cette moitié pas-mangée pour apporter chez eux après le film. Désolé, mais pour autant que je heureux de partager, si les autres ne la veulent pas, les restes sont à moi. C’est pareil pour les autres ! Au moins, la personne en question aurait pu me demander avant de faire ça. C’était du travail.
De tout façon, le film. Il faut que je sois bien clair : je ne connais guère la vie de Charles Aznavour, juste certaines chansons. Je viens de me rendre compte que j’étais censé écrire « Je découvre Charles Aznavour » après la représentation de Julien Clerc pour le Projet 30 Ans de Taratata, car il avait chanté « For Me Formidable ». Oups. Je réglerai l’erreur. Mais sans ça, je suis très mal placé à vous dire si le film prend trop de libertés. Cependant, je crois que non. Pourquoi ?
Très peu d’entre vous étaient ici quand je suis allé voir Elvis avec ce même groupe, mon deuxième film avec eux. Ce film-là était une hagiographie : si Elvis revendait des drogues, le film nous aurait dit que les drogues sont bonnes pour la santé. Ce film ne l’est pas. Charles Aznavour avait 5 enfants par 3 femmes différentes et ce fait est évoqué sans rien cacher. D’autres relations sont traitées de façon peu flatteuse envers lui, et ça malgré — à cause de ? — le fait que sa famille était impliquée dans la production du film. Je sais qu’Aznavour lui-même a approuvé une première version du scénario ; ça parle bien de lui.
Le film suit une structure de plusieurs chapitres, nommés d’après ses plus grands tubes, dont les titres apparaissent à l’écran écrits dans un petit cahier rouge. Il aimait apparemment ces cahiers : tout au fil du film, il écrit sans cesse dans un cahier après un autre, et vers la fin, on voit une bibliothèque énorme chez lui, remplie de rien que ces cahiers. J’imagine que c’est un détail tiré de la réalité.
Dans le premier chapitre, on voit sa vie d’enfant pendant les années 30. Ses parents font partie d’une communauté d’immigrés arméniens, et gèrent une boutique ensemble — qui ferme définitivement car son père n’est pas bon en affaires et dépense trop. Le jeune Charles et sa sœur gagnent un peu d’argent en chantant dans des spectacles de variétés. On voit vite que cette enfance établit certaines habitudes pour la vie : il se soucie sans cesse de l’argent, mais est généreux envers les autres, tellement comme son père. Il y a une question qui revient encore et encore quand on entend son nom de famille, Aznavourian, ou comme on dit en arménien, Ազնավուրյան : êtes-vous juif ? On est dans les années 30 ; ça aura des conséquences graves.
Quand les Voisins mettent Paris sous occupation, ils veulent bien savoir s’ils sont juifs. Ils répondent que non, arméniens, ce qui met les Allemands encore plus en colère car selon une affiche, ils cherchent un certain Missak Manouchian. Oups. Les Aznavour réussissent à se cacher quand le Gestapo vient chercher leur appartement, mais c’est un moment effrayant. La scène de la Libération, avec des chars américains qui roulent dans les rues alors que tout le monde tiennent des drapeaux français, était émouvante à souhait et valait le visionnage elle seule. Ouais, je pleurais.
Charles et son ami, le pianiste Pierre Roche, forment un duo musical et attrapent l’œil d’une certaine Édith Piaf. Mme Piaf sera une influence importante, mais joue aussi une rôle nuisible — elle convainc Charles de jouer à Montréal, ce qui lui gagne du succès, mais est aussi impliquée dans la séparation de Charles et Pierre et, pour des raisons professionnelles, l’échec de son premier mariage. Elle est un peu la méchante du film, l’inspirant à mettre sa carrière devant tout autre chose, et je ne sais pas à quel point ce traitement est juste. Le traitement de Pierre est particulièrement sympa : la famille n’a pris aucune opportunité de le blâmer ou régler des comptes. Je suis énormément admiratif de cette partie.
Charles se consacre à son travail à Paris, toujours hanté par certaines questions sur ses origines. Le succès vient et part, et il entame plusieurs relations avec d’autres femmes, en essayant d’être père pour Patrick, le fils qu’il ne savait pas était le sien pendant une décennie. Il ne doute jamais qu’il réussira, mais il y a des moments où son arrivée semble moins qu’évident.
Le film se concentre principalement sur sa vie jusqu’à la mort de Patrick ; les dernières 3 décennies passent vite. Mais vers la fin, il dit quelque chose qui explique sa vie, son obsession, mieux que tout : « Si j’arrête, je meurs. » Soit lui soit sa famille ont dû approuver ça ; on a carrément reconnu que ses qualités et ses défauts venaient de la même source.
C’est pour ça que je recommande si fortement ce film. Monsieur Aznavour est une biographie qui essaye de traiter justement de tous les côtés de sa vie. La distribution est excellent, surtout les acteurs qui jouent Aznavour, Roche et Piaf, et la photographie est à la hauteur des interprétations. Je n’ai que de bonnes choses à dire sur Monsieur Aznavour.




















































































